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La danse de Salomé (Flaubert – Hérodias, Trois Contes)

Publié le 24/09/2010

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danse

 

Gustave Flaubert (1821-1880)  est un écrivain partagé entre un lyrisme exalté et l’obsession du réalisme. La monde religieux le passionne et l’influence dans toutes ses œuvres. Flaubert a beaucoup voyagé en Orient pour aboutir à l’écriture de Salammbô, dont on retrouve les influences dans "Hérodias", l’un des trois récits de son recueil Trois Contes qu’il écrivit de 1875 à 1877, en s’engageant dans le romanesque et en liant Histoire et légende.

La danse de Salomé est un passage clé d’"Hérodias", il se situe à la fin du récit, dans le troisième chapitre.

Flaubert évoque les Trois Contes comme un « volume assez drôle « et « court mais cocasse «. L’est-il de façon générale dans le volume ou de façon détaillée, c'est-à-dire jusque dans la danse de Salomé ?

D’abord, nous traiterons de l’ekphrasis : la description d’une œuvre d’art ; ensuite nous mettrons en avant le caractère sacré de la danse de Salomé ; enfin nous verrons que cette danse est très sexualisée par l’auteur.

 

I) L’ekphrasis

 

a) Un regard profane

 

- De « ses pieds passaient « à « ses pieds ne s’arrêtaient pas « → Flaubert décrit Salomé des pieds à la tête puis de la tête aux pieds comme s’il admirait une œuvre d’art.

- « Appelaient quelqu’un « → Le narrateur ignore qui est ce « quelqu’un «. Le futur époux de Salomé ? Une divinité ? Eros en référence au mythe de Psyché ?

- « Semblait prête à s’envoler « → Le verbe « semblait « traduit une hésitation (verbe d’hypothèse).

- « On ne savait pas « → L’auteur n’est pas sûr de lui.

- « Si elle pleurait un dieu, ou se mourait dans sa caresse « → L’alternative « si…ou « montre que le narrateur ne sait pas comment interpréter la danse de Salomé.

 

b) Le recours à l’orientalisme dans la danse

 

- « Flûte «, « crotales «, « gingras « → instruments de musiques orientaux.

- « Ses bras arrondis «, « se tordait la taille «, « balançait son ventre avec des ondulations «, « faisait trembler ses deux seins «, « plus légère qu’un papillon « → Ces mouvements et attitudes se rapportent à la danse orientale. La comparaison avec le papillon exprime la grâce.

- « L’un devant l’autre «, « flûte « → les L sont liquides et rappellent la fluidité dans les mouvements : c’est bien une danse orientale.

Flaubert a un point de vue en focalisation interne d’où plusieurs interprétations possibles de la danse de Salomé.

II) Le Sacré

 

a) Le rôle de la musique

 

- « Au rythme de la flûte « → Instrument souvent présent dans la pratique des cultes païens.

- «  D’une paire de crotales « → Sorte de castagnettes utilisées par des prêtres dans certains cultes.

- « Sons funèbres « → Ambiance sacrée.

- « La gingras « → Instrument à corde.

 

b) La transe et la domination de Dieu

 

- «  Ses bras arrondis appelaient quelqu’un, qui s’enfuyait toujours « → elle cherche à entrer en contact avec le Dieu.

- «  Une âme vagabonde « → l’âme hors du corps montre l’état de l’extase.

- « L’accablement avait suivi l’espoir « → Salomé exprime son malheur dans sa transe (comparaison possible avec Psyché ayant perdu Eros).

- « Si elle pleurait un Dieu « → Salomé ressemble à prêtresse pratiquant son culte.

- « Se tordait la taille « → cette distorsion pourrait être un symbole religieux de supplice, de torture.

- «  Son visage demeurait immobile « avec « une âme vagabonde « → Son âme est partie de son corps et son visage reste donc inexpressif.

 

c) L’élévation spirituelle

 

- «  Plus légère qu’un papillon, comme une Psyché curieuse, comme une âme vagabonde « → ces trois comparaisons de Flaubert à la suite ont pour but d’intensifier la transe, qui se transforme en extase pour aboutir à une élévation spirituelle.

- «  Prête à s’envoler « → cette métaphore évoque l’élévation verticale de Salomé.

 

On constate que le sacré est confronté à un certain érotisme.

 

III) L’érotisme

 

a) L’érotisme charnel

 

- «  Les paupières entre-closes « → sensualité du regard.

- «  Elle se tordait la taille « → le bassin est un symbole de féminité dont le mouvement évoque l’acte sexuel.

- « Balançait son ventre avec des ondulations de houle « → le ventre est aussi une marque de féminité et son balancement est encore plus significatif : les ondulations de houle rappellent la mer déchaînée et l’excitation.

- « Faisait trembler ses deux seins « → les seins en mouvement ont une connotation très sensuelle et sexuelle évidente.

b) L’érotisme spirituel

 

- «  Exprimaient des soupirs « → les soupirs sont signe d’un plaisir et d’un désir intense.

- « Une telle langueur « → une attitude langoureuse se rapporte directement à l’érotisme qui en fait est un désir tellement intense qu’il en devient maladif.

- « Et se mourait dans sa caresse « → connotation plus psychologique de l’érotisme.

 

c) L’érotisme omniprésent

 

-  «  Ses pieds passaient l’un devant l’autre « ; « appelait « ; «  prête à s’envoler « ; « tordait « ; « balançait « ; « faisait trembler « et « ses pieds ne s’arrêtaient pas «  → Flaubert commence sa description par ‘‘ses pieds’’ et la termine par ‘‘ses pieds’’. Il y a donc un ordre dans cette danse et un encadrement marqué par les pieds de Salomé. Il y a une progression dans les verbes dont le champ lexical fait métaphoriquement référence à celui de l’amour et de l’érotisme. En effet, on part d’un état de désir avec « ses pieds passaient l’un devant l’autre « à un état de plaisir intense avec « ses pieds ne s’arrêtaient pas « en passant par une élévation progressive de ce désir par une succession de verbes de plus en plus intenses : appeler, faire trembler. Toute cette description de la danse de Salomé est en fait une métaphore filée de l’acte sexuel entre Salomé et le Dieu, une scène érotique ou mystique.

 

*Conclusion :

 

Le narrateur n’ayant pas les moyens pour interpréter justement la danse de Salomé, il nous la présente comme une œuvre d’art. Le narrateur hésite aussi entre connotation sacrée et sexuelle dans cette danse. On insiste donc sur le rôle de la musique dans le texte, sur l’oubli de soi, face à l’érotisme croissant du corps et de l’esprit.

Ce passage est bien –drôle et cocasse-. Flaubert choque le bourgeois avec le caractère érotique très explicite du texte. Flaubert veut créer un effet pervers sur un public masculin en représentant une Salomé tentatrice et femme fatale. Ce passage est aussi cocasse quant au regard du narrateur qui reste perplexe devant cette danse et qui ne sait pas l’analyser. Il la rapproche donc de ce qu’il connaît et créée un réel syncrétisme entre culte païen et mythe grec notamment.

Le mythe de Salomé a influencé nombre d’écrivains et artistes à toute époque comme nous pouvons le voir avec une peinture de Gustave Moreau qui représente Salomé recevant la tête du Baptiste, ou avec la Salomé d’Oscar Wilde au XIXème siècle.

 

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