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qu'est-ce que déduire

Publié le 19/03/2004

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Elle est vraie, sans doute, si l'on s'en tient aux exemples classiques que l'on donne pour faire l'analyse du syllogisme : L'homme est mortel ; or, Socrate est homme ; donc, Socrate est mortel. Mais elle n'est pas vraie de la déduction mathématique : lorsque je dis : A = B ; or B = C ; donc A = C, la généralité ou la particularité des termes n'entre point en considération. Bien plus, cette définition ne convient même pas à tous les syllogismes. En disant : Les vaniteux sont menteurs ; Or, les philosophes ne sont pas menteurs ; Donc, ils ne sont pas vaniteux, je ne conclus pas du général au particulier, mais de deux propositions générales j'en tire une troisième également générale. Pour répondre à cette difficulté, nous pourrions peut-être définir ainsi la déduction : l'opération de l'esprit par laquelle de propositions données on tire une proposition qui s'y trouve implicitement contenue. Tandis que l'induction dépasse les données sur lesquelles elle se fonde, la déduction reste rigoureusement dans les limites de ces données que l'esprit se contente d'analyser pour découvrir ce qu'elles impliquent. Cette conception schématise bien assez exactement ce qui se passe dans tous les raisonnements que nous avons donnés jusqu'ici comme exemple. Mais il est une forme de déduction qui ne peut pas se ramener à ce schéma : la démonstration mathématique. Dans la démonstration mathématique, la conclusion suit rigoureusement des propositions sur lesquelles elle se fonde - c'est pour cela qu'elle est un raisonnement déductif - mais elle n'est pas implicitement contenue dans ces propositions. Ainsi, il n'est pas implicitement contenu dans le théorème énonçant que les trois angles du triangle sont équivalents à deux droits, que la somme des angles du polygone équivaut à autant de fois deux droits qu'il y a de côtés moins deux.

« II — DU POINT DE VUE PSYCHOLOGIQUE Le psychologue étudie, non pas le mode de pensée rigoureusement enchaînée dont le logicien établit les règles, maisla pensée concrète, réelle, par laquelle nous nous efforçons, en tâtonnant, de connaître et de comprendre un peumieux les objets de connaissance qui se présentent à l'esprit.Définir la déduction : l'opération par laquelle on montre que certaines propositions étant données, il en résulted'autres propositions, c'est ne voir que la déduction faite : la déduction qui se fait est sensiblement différente.Si nous réfléchissons un peu sur la façon dont nous raisonnons habituellement, il nous sera facile de nous en rendrecompte.

Supposons que je veuille prouver aussi rigoureusement que possible que le meilleur des gouvernements estla république, ou que la formation scientifique l'emporte sur la formation littéraire, vais-je d'abord considérer lesdonnées d'où la conclusion découlera nécessairement ? Au contraire, c'est de la thèse à démontrer que je pars, etc'est elle qui me dirige dans la recherche et le choix des arguments qui la fondent.

Un juge d'instruction ne procèdepas autrement : il commence par affirmer, à titre d'hypothèse de travail, que tel individu présent sur les lieux ducrime est le coupable ; puis, aidé par ce fil conducteur, il rassemble tous les faits susceptibles de confirmer sonhypothèse.

La pensée vulgaire procède donc de la conséquence aux principes qui la justifient, non des principes auxconséquences qui en découlent.Mais, objectera-t-on, si c'est bien là notre façon habituelle de penser, on ne saurait y voir une déduction.

Il estvrai, répondrons-nous, c'est que nous n'avons observé jusqu'ici que la déduction qui se fait.

La déduction est faitelorsque l'esprit, partant des données recueillies à la lumière de la conclusion, constate qu'il y a entre les deux unrapport essentiel, que les faits observés sont inexplicables si la conclusion est fausse.

Mais c'est dans lestâtonnements par lesquels on recherche des données qu'elle se fait.Si donc nous voulions donner de la déduction une définition qui englobe les diverses opérations mentales qu'ellecomporte, nous pourrions dire : la déduction est l'opération mentale par laquelle on établit la vérité d'une propositionen la rattachant à d'autres propositions évidentes ou déjà démontrées.Cette définition, qui décrit d'une manière satisfaisante le processus du raisonnement vulgaire, vaut aussi de ladéduction scientifique et en particulier de la démonstration mathématique.En effet, le travail le plus ordinaire du mathématicien n'est pas de déterminer les conséquences qui résultent decertaines conditions données.

Ce qui est fixé au départ de la recherche, c'est la conclusion, ou plutôt le but àatteindre : trouver la forme de véhicule offrant le moins de résistance au vent, le mode de suspension grâce auquelun pont résistera à une charge de vingt tonnes réparties sur deux ou sur quatre roues...

L'ingénieur, ensuite,cherche les moyens qui conditionnent ce résultat : il fait des hypothèses, c'est-à-dire esquisse des projets ; il lesétudie un à un, c'est-à-dire déduit, par le calcul, les propriétés des constructions projetées ; ceux-là seulementsont retenus qui sont trouvés assurer le résultat demandé.

Ici encore, au lieu de partir des données pour aboutir àla conclusion, c'est la conclusion qui constitue la véritable donnée primitive.On pourrait dire que nous venons de parler des mathématiques appliquées.

Le processus de la pensée n'est-il pasdifférent dans les mathématiques pures ?Sans doute, si nous prenons les mathématiques faites — par exemple le premier livre de la géométrie — nous voyonsles théorèmes se succéder dans un ordre parfaitement logique, chacun servant à la démonstration de ceux quisuivent.

Mais ce n'est pas dans cet ordre qu'ont été trouvées les propriétés des figures étudiées.

L'ordre et lalogique ont été mis après coup, par des tâtonnements analogues à ceux de l'ingénieur qui retouche et refait sonprojet.D'ailleurs, la présentation des théorèmes elle-même, il est facile de retrouver la démarche naturelle de l'esprit.

Ce quiest formulé en premier lieu, c'est la conclusion, l'énoncé du théorème ; ensuite seulement on se reporte à celles despropositions antérieures qui justifient le nouveau pas qui vient d'être effectué.La déduction mathématique procède donc comme la déduction philosophique ou la déduction pratique : déduireconsiste toujours à justifier la vérité d'une proposition en montrant qu'elle découle nécessairement d'une ou plusieursautres propositions certaines ou admises comme vraies.Il faut donc apporter un important correctif à la distinction classique : les mathématiques sont des sciencesdéductives ; les autres sciences se fondent sur l'induction.

Il n'y a, en réalité, qu'un mode d'explication rationnel : ladéduction.

Aussi c'est par déduction que le physicien cherche à vérifier son hypothèse ; les grands systèmesscientifiques ou philosophiques ne sont qu'un exposé déductif ou logiquement lié de lois et d'hypothèses.

Nouspourrions donc conclure par cette définition encore plus brève : déduire, c'est mettre un ordre logique dans sapensée.. »

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