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Le dernier voyage de Paul Morand

Publié le 14/12/2011

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morand

 

Paul Morand est mort, le 23 juillet, à l'âge de

quatre-vingt-huit ans, l'âge de la tour Eiffel,

comme il aimait à le répéter. Il vécut en effet son

enfance aux environs du Champs-de-Mars et les

poutres de la tour faisaient partie de son univers

familier. Mais ce monument de fer marque aussi le

commencement d'une autre époque, belle pour

sa légende, mais en fait plutôt dramatique.

Morand s'est fait chroniqueur de ce monde nouveau

et turbulent pendant lequel les distances n'ont

pas cessé de diminuer.

Il était Parisien, mais Londres fut son plus grand

amour ; il y passa des jours inoubliables, dans la

fumée des paquebots, le brouillard, goûtant avec

délice cette atmosphère feutrée que l'hiver impose à

la ville, goûtant davantage encore le charme de ses

rues, de ses maisons, de son peuple, de s,es femmes.

Il étudiait à Oxford et pensait entrer à l'Ecole navale.

En fait, il passa le concours de Sciences-Po, tout

en écrivant des poèmes, car il rèvait alors d'~tre

poète. Francis Jammes avait toute sa faveur. et tl se

voyait, marchant un jour sur les pas gloneux de

son aîné. Finalement, il passa en tète de peloton du

concours des ambassades.

morand

« une période dominée par les femmes.

Le témoigna­ ge de Saint-Simon n'en est pas moins du plus grand intérèt.

D'autant, comme le remarque Madame Muhlstein, qu'avec la Régence tout va changer.

L'entourage du Régent est assez licencieux, mais les femmes n'y ont pas droit à la parole.

Elles sont là pour le décor ou le plaisir, non pour s'occuper de politique.

Les maîtresses de Louis XIV avaient le couvent pour refuge.

Madame du Barry finit sa vie dans des circonstances différentes.

Le sujet, à par­ tir de Saint-Simon, valait la peine d'ètre traité ; son auteur l'a fait avec bonheur.

Céline est de retour Céline, absent depuis la guerre, rejeté, honni pour toutes sortes de raisons, parce qu'il avait choisi le parti allemand pendant la guerre, parce qu'il aimait dire du mal des Juifs, parce qu'il faisait tort à beaucoup de gens, Céline est aujourd'hui redevenu un des auteurs importants de ce siècle.

Il y en aura qui s'en offusqueront, pour des raisons littéraires peut-ètre, parce qu'il avait le goût de l'ar­ got et de l'obscénité, pour des raisons politiques surtout, parce qu'il avait misé sur un tableau indé­ fendable, mais qu'il eut tout de mème le courage de défendre avec une extravagante naïveté, ou une duplicité qu'on n'imagine guère, jusqu'au bout.

La télévision lui a consacré, en septembre, un de ses Magazines littéraires.

La librairie Gallimard an­ nonce la publication de « cahiers » qui lui seront consacrés, et Frédéric Vitoux, qui a choisi d'ètre le meilleur connaisseur de Céline, à une époque où cela n'était pas tellement bien vu, lui a consacré un livre assez curieux, Bébert, le chat de Louis-Ferdi­ nand Céline.

Autrement dit, la rentrée se fait sous les auspices d'un écrivain qui fut maudit, mais dont il faut bien admettre le talent exceptionnel.

On peut penser ce qu'on veut de son action pendant l'occu­ pation allemande ; on ne peut rien retirer à son talent.

Ce qu'il a écrit de mieux ne date sans doute pas de son exil en Allemagne et au Danemark, mais ce qu'il a écrit à cette époque, et dans ces moments, appartient au meilleur de son œuvre.

Céline a été le témoin souffrant d'une histoire qu'il a racontée mieux que quiconque.

D'un château l'autre, Nord, Rigodon, toutes ces œuvres blasphématoires et magnifiques écrites pendant son exil, sont la plus prodigieuse, la plus éclatante traduction verbale de cette folie qui prit les hommes au lendemain de 1918 et les conduisit au drame de 1940 et à ses sui­ tes.

Les écrivains sont ce qu'ils sont, traîtres à la patrie peut-ètre, et on peut, dans son cas, en douter, mais Céline est un des plus grands auteurs de ce siècle.

Il fallait bien qu'on s'en avisât un jour.

C'est fait.

Il est un de ceux qui ont compris, parfois dans la souffrance, que notre monde changeait.

De Montmartre à Meudon, en passant par le Dane­ mark, il a tenté d'écrire l'histoire de son temps, en la confondant avec la sienne propre.

Avec celle de son chat aussi, si on en croit Frédéric Vitoux pour qui Bébert, le chat de l'écrivain, se confon­ dit avec son maître.

Le chat Bébert, c'est Céline dans ses contradictions ; il est le juif qu'il déteste, le juif qu'il adore, et en mème temps il est sa propre image, l'ami de tous les jours.

Céline, d'après Frédéric Vitoux, aurait voulu ètre chat, passer par les passages les plus étroits, se glisser partout où il y avait un trou.

Mais il manquait d'adresse.

Il mettait les pieds où il ne fallait pas.

Il regardait vivre son chat parce que l'animal était exactement ce qu'il n'était pas.

C'est pour cela aussi qu'il le détestait autant qu'il avait de passion pour lui.

Emmanuel Berl Emmanuel Berl est mort à Paris, le 22 septem­ bre.

Il était âgé de quatre-vingt-quatre ans.

Il vécut son enfance et sa jeunesse dans l'entourage d'hom­ mes prestigieux, comme Berthelot, Clémenceau, Bergson qui formèrent son esprit.

Il ètait né au Vésinet en 1892 dans une famille d'universitaires et de normaliens.

La mort de plusieurs d'entre eux, en pleine jeunesse, lui inspira une sorte de méfiance à l'égard de cette école.

Il se garda d'y entrer.

Il a pour amis Georges Brandès, le beau-frère de Gauguin, Proust, qui lui écrit pendant la guerre une lettre de soixante-cinq pages sur l'amitié, lettre qui sera malheureusement détruite au cours d'une atta­ que.

Plus tard, il se fâche avec Proust, au cours d'une discussion sur l'amour, avec Drieu la Rochelle, à propos de la question juive en France.

Berl va à Fribourg-en-Brisgau écouter Husserl.

Il rencontre Malraux avec qui il a une longue amitiè jusqu'au jour où Malraux devient gaulliste.

Journa­ liste, rédacteur en chef de Marianne, journal fondé par Gallimard pour damer le pion à Candide et à Gringoire, il écrit des livres qui font son succès, Sylvia, Rachel et autres grâces, Présence des morts, A contre-temps.

Sylvia est un roman d'amour.

La femme y entre et en sort, comme elle peut le faire dans la vie.

Il était pacifiste, mais il fit la Grande guerre comme tous ceux de sa génération, et rien ne l'éner­ vait autant que d'entendre les discours de ceux de l'arrière sur les Allemands qu'ils ignoraient, sur la mort qu'ils se gardaient bien de fréquenter de près.

Il écrivit alors quelques ouvrages douloureux sur le sujet, Mort de la pensée bourgeoise, Mort de la morale bourgeoise, Le bourgeois et l'amour, Frère bourgeois mourez-vous ? qui était des pamphlets d'un homme meurtri.

On ne le comprit pas et on lui en fit reproche.

On lui fit reproche aussi d'avoir rédi­ gé, en 1940, plusieurs discours du maréchal Pétain.

Il avait utilisé, raconta-t-il, plus tard, des appels du général de Gaulle, avec l'intention de trouver, entre la pensée de l'un et celle de l'autre, un moyen terme.. »

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