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DESCARTES: La Nature n'est pas une Déesse

Publié le 17/04/2005

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Sachez donc, premièrement, que par la Nature je n'entends point ici quelque Déesse, ou quelque autre sorte de puissance imaginaire, mais que je me sers de ce mot pour signifier la Matière même en tant que je la considère avec toutes les qualités que je lui ai attribuées comprises toutes ensemble, et sous cette condition que Dieu continue de la conserver en la même façon qu'il l'a créée. Car, de cela seul qu'il continue ainsi de la conserver, il suit de nécessité qu'il doit y avoir plusieurs changements en ses parties, lesquels ne pouvant, ce me semble, être proprement attribués à l'action de Dieu, parce qu'elle ne change point, je les attribue à la Nature ; et les règles suivant lesquelles se font ces changements, je les nomme les lois de la Nature. DESCARTES
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« Ces règles immuables, qui ne dépendent pas d'une volonté divine changeante et qui peuvent être étudiéesdans l'indépendance de leur fixité, sont précisément ce que Descartes nomme les « lois de la Nature ».

 … et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature (Descartes) Dans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637), Descartes met au jour un projet dont noussommes les héritiers.

Il s'agit de promouvoir une nouvelle conception de la science, de la technique et deleurs rapports, apte à nous rendre « comme maître et possesseurs de la nature ».

Descartes n'inaugure passeulement l'ère du mécanisme, mais aussi celle du machinisme, de la domination technicienne du monde.Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de la philosophie, c'est qu'il rompt de façon radicaleet essentielle avec sa compréhension antérieure.

Dans le « Discours de la méthode », Descartes polémiqueavec la philosophie de son temps et des siècles passés : la scolastique, que l'on peut définir comme uneréappropriation chrétienne de la doctrine d'Aristote.Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à la philosophie spéculative qu'on enseignedans les écoles » une « philosophie pratique ».

La philosophie spéculative désigne la scolastique, qui faitprédominer la contemplation sur l'action, le voir sur l'agir.

Aristote et la tradition grecque faisaient de lascience une activité libre et désintéressée, n'ayant d'autre but que de comprendre le monde, d'en admirer labeauté.

La vie active est conçue comme coupée de la vie spéculative, seule digne non seulement deshommes, mais des dieux.Descartes subvertit la tradition.

D'une part, il cherche des « connaissances qui soient fort utiles à la vie »,d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature, mais construit des objets deconnaissance.

Avec le cartésianisme, un idéal d'action, de maîtrise s'introduit au cœur même de l'activité deconnaître.La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une «philosophie pratique ».

« Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices quiferaient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent,mais principalement aussi pour la conservation de la santé […] »La nature ne se contemple plus, elle se domine.

Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerte àl'homme pour qu'il l'exploite et s'en rende « comme maître & possesseur ».Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement,celle de la technique.

Si la science peut devenir pratique (et non plus seulement spéculative), c'est qu'ellepeut s'appliquer dans une technique.

La technique n'est plus un art, un savoir-faire, une routine, elle devientune science appliquée.D'une part, il s'agit de connaître les éléments « aussi distinctement que nous connaissons les métiers de nosartisans ».

Puis « de les employer de même façon à tous les usages auxquels ils sont propres ».

Il n'est pasindifférent que l'activité artisanale devienne le modèle de la connaissance.

On connaît comme on agit ou ontransforme, et dans un même but.

La nature désenchantée n'est plus qu'un matériau offert à l'action del'homme, dans son propre intérêt.

Connaître et fabriquer vont de pair.D'autre part, il s'agit « d'inventer une infinité d'artifices » pour jouir sans aucune peine de ce que fournit lanature.

La salut de l'homme provient de sa capacité à maîtriser et même dominer techniquement,artificiellement la nature.Ce projet d'une science intéressée, qui doive nous rendre apte à dominer et exploiter techniquement unenature désenchantée est encore le nôtre.Or la formule de Descartes est aussi précise que glacée ; il faut nous rendre « comme maître et possesseurde la nature ».

« Comme », car Dieu seul est véritablement maître & possesseur.

Cependant, l'homme est icidécrit comme un sujet qui a tous les droits sur une nature qui lui appartient (« possesseur »), et qui peut enfaire ce que bon lui semble dans son propre intérêt (« maître »).Pour qu'un tel projet soit possible, il faut avoir vidé la nature de toute forme de vie qui pourrait limiterl'action de l'homme , et poser des bornes à ses désirs de domination & d'exploitation.

C'est ce qu'a fait lamétaphysique cartésienne, en établissant une différence radicale de nature entre corps & esprit.

Ce quirelève du corps n'est qu'une matière inerte, régie par les lois de la mécanique.

De même en assimilant lesanimaux à des machines, Descartes vide la notion de vie de tout contenu.

Précisons enfin que l'époque deDescartes est celle où Harvey découvre la circulation sanguine, où le corps commence à être désacralisé, etles tabous touchant la dissection, à tomber.Car ce qu'il y a de tout à fait remarquable dans le texte, c'est que le projet de domination technicienne de lanature ne concerne pas que la nature extérieure et l'exploitation des ressources naturelles.

La « philosophiepratique » est utile « principalement aussi pour la conservation de la santé ».

Le corps humain lui aussi, dansce qu'il a de naturel, est objet de science, et même objet principal de la science.

« S'il est possible detrouver quelque moyen qui rende les hommes plus sages et plus habiles qu'ils n'ont été jusqu'ici, je crois quec'est dans la médecine qu'on doit le chercher.

»La véritable libération des hommes ne viendrait pas selon Descartes de la politique, mais de la technique etde la médecine.

Nous deviendrons « plus sages & plus habiles », nous vivrons mieux, en nous rendant «comme maîtres & possesseurs de la nature ».

La science n'a pas d'autre but.. »

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