Le désir comme production ?
Publié le 12/02/2004
Extrait du document
«
Autrement dit, il s'agit pour chaque conscience de se prouver qu'elle n'est pas de l'ordre de l'en-soi (mode de l'existence des choses), pure immédiateté, mais qu'elle est seulement un pur être-pour-soi, une personne qui a unevaleur, une dignité : « L'individu qui n'a pas mis sa vie en jeu peut bien être reconnu comme personne, mais il n'a pas atteint la vérité de cette reconnaissance comme reconnaissance d'une conscience de soi indépendante. »
A l'issue de cette lutte décisive pour la reconnaissance de soi, la conscience qui n'a pas eu peur de la mort,qui est allée jusqu'au bout dans le risque de la mort, prend la figure du Maître.
L'autre, qui a préféré la vie à laliberté, entre dans le rapport de servitude.
L'Esclave n'est plus qu'un instrument aux mains du Maître qui l'a épargné.Il a perdu toute dignité.
Mais, en travaillant, l'Esclave transforme le monde.
Il peut ainsi se reconnaître dans cemonde qui, par son travail transformateur, porte la marque de son intériorité.
Jouissant, de cette manière, de lui-même comme d'une réalité extérieure, il accède alors à une certaine reconnaissance de soi et par là même à ladignité.
En outre, en transformant le monde, il crée quelque chose de stable et de durable en dehors de lui et selibère de l'angoisse de la mort qui le liait au monde sensible et qui avait fait de lui un esclave.
En revanche, leMaître, se contentant de consommer et de détruire les produits du travail de l'Esclave, affirme toujours davantagesa dépendance à l'égard de ce dernier.
De plus, sa jouissance n'a aucune valeur de vérité, elle n'intéresse personneet ne lui permet donc pas d'accéder à la reconnaissance de soi.
Certes, le Maître est reconnu par l'Esclave.
mais que vaut une telle reconnaissance, puisque l'Esclave n'estqu'une chose ? Quant à l'esclave, il lui suffit de se faire reconnaître par le Maître pour que s'établisse lareconnaissance mutuelle : « Ils se reconnaissent comme se reconnaissant mutuellement.
» La fin de cette dialectique marque la fin de l'histoire, c'est-à-dire la fin des guerres, des luttes, des violences.
Hegel pensait que l'histoire prenait fin avec sa philosophie qui en avait découvert le sens… Mais c'est une autre histoire !
On retiendra que toute conscience ne peut se poser qu'en s'opposant à ce qui n'est pas elle, mais que leconflit n'est qu'un moment qui, comme tel, est destiné à être dépassé.
Qu'il s'agisse du rapport entre deuxconsciences, entre les hommes, entre les peuples, les Etats, on pourrait certes s'opposer à l'optimisme de Hegel et affirmer que le conflit est le fondement constitutif de toute relation, et que, comme tel, il perdurera.
Mais il n'endemeure pas moins qu'il n'y a de véritable reconnaissance de soi que lorsque les consciences se reconnaissentmutuellement et réciproquement comme consciences.
Ce qui vaut pour les relations intersubjectives (rapport du« moi » à autrui) vaut aussi pour les relations entre les hommes au sein d'une cité, entre les peuples, entre les Etats.
Telle est la leçon essentielle qui se dégage de la dialectique hégélienne.
2.
Désirs et besoins sont créés par la sociétéLe réel est « pratique », comme le montre Marx, c'est-à-dire constitué par les liens établis entre les hommes.
Laréalité du désir est culturelle.
D'après Deleuze (L'Anti-OEdipe), la société tout entière (la consommation, mais aussiles rapports de production) est parcourue par le désir, car la nature est elle-même une formidable industrie, où desmachines-organes (par exemple, la bouche) se connectent à des machines-sources (le sein, machine qui produit dulait).
On pourrait donc en tirer une ultime définition du désir, non plus comme manque, mais comme positif et producteur.Le désir n'est pas manque, ni le réel toujours en défaut par rapport à lui (cf.
supra négation de l'objet désirer).
Il estau contraire ce qui produit laborieusement et activement du réel.
Le désir devient cette force vive qui nous porte aumonde et s'en empare..
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