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Le désir n'est-il pas nécessairement passif ?

Publié le 25/01/2004

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L'homme, être de désirL'existence humaine est-elle structurée par le manque ?Le désir se révèle à nous par l'intermédiaire d'une expérience aussi douloureuse qu'irrécusable : celle du manque de quelque chose que nous ne pouvons espérer trouver qu'en dehors de nous. Comme si l'être humain, quelle que soit la richesse de sa vie intérieure, peinait nécessairement à trouver en lui-même ce qui est pour lui l'essentiel. L'existence humaine n'est donc pas, en tout cas, réductible à la présence à soi d'une conscience autarcique. Elle est structurée par le manque, et donc grevée d'imperfection. Si « je désire, c'est-à-dire qu'il me manque quelque chose », souligne Descartes dans la IIIe Méditation métaphysique, cela prouve bien en effet que « je ne suis pas tout parfait ».Mais l'âme, ou l'esprit humain, ne peuvent-ils raisonnablement espérer que ce qui leur manque puisse leur être rendu durablement accessible ? Et ne peut-on espérer qu'en atteignant ainsi à la satisfaction, l'homme ne s'élève à un plus haut degré de perfection ? La vie prend toute sa valeur, si l'on en croit Platon, dans la mesure même où l'inquiétude d'un désir inextinguible fait progresser le sujet désirant, « d'un seul beau corps à deux, de deux beaux corps à tous les beaux corps, et des beaux corps aux belles occupations, et des occupations vers les belles connaissances » (Platon, Banquet 211c). Une vie bien remplie est donc une vie qui sait de quoi elle man que, et s'en met résolument en quête.

« chose est bonne parce que nous faisons effort pour l'avoir, la voulons, tendons vers elle et la désirons.

»(Éthique, III, P.

9, Sc.).

Ainsi le désir, reconnu par toute la philosophie comme le dynamisme immanent à lanature, exprime directement l'essence de l'être fini, ou puissance finie. On peut aller plus loin.

L'homme n'a-t-il pas généralement conscience de ses appétits ? Or l'« appétit avec laconscience de l'appétit » n'est pas autre chose que le désir.

C'en est même une définition précise.

A ce compte, onpeut stipuler explicitement que « le Désir est l'essence même de l'homme » (IVe partie, « Définition des affects », I).Cependant, si notre être même est désir, pouvons-nous encore attribuer au désir un caractère de négativité, etdéterminer le désir en général comme un manque ? Bien au contraire, affirme Spinoza, ce désir qu'est notre être semanifeste positivement comme plénitude et affirmation de soi.

Mais que le désir soit l'essence de l'homme ne signifiepas pour autant que les manifestations du désir en nous soient réductibles à la forme unique d'un désir primordial,auquel il serait impossible à quiconque de renoncer sans se trahir lui-même, ou renoncer à être soi.

Au contraire,souligne Spinoza, il y autant de désirs qu'il y a d'objets possibles du désir.

Néanmoins, il semble que l'être humain nepuisse être véritablement lui-même qu'en se reconnaissant comme sujet désirant. Est-ce le corps ou l'esprit qui désire ? Considérer le désir comme notre essence même, et le moteur de notre existence, conduit naturellement à d'établirune hiérarchie entre le désir et les besoins corporels.

Si on admet, en effet, que le besoin ressenti comme « vital »renvoie à la sphère biologique, et que l'homme en est affecté passivement, ne peut-on aller jusqu'à dire, parcontraste, que le désir n'est ni « physique » ni passif ? De fait, prétend Spinoza, tous les désirs ne sont pasempreints de passivité.

C'est pourtant bien le cas, à coup sûr, du « désir immodéré de manger, de boire, deforniquer et d'être glorieux », qui définit les vices répertoriés sous le titre de « gourmandise, ivrognerie, lubricité,avarice et ambition ».

De tels désirs, passifs, envahissants et exacerbés, sont autant de passions* nuisibles à celuiqui en est le jouet, et ne pense plus qu'à procurer à son corps les jouissances excessives qu'il réclame sans cesse.Mais contrairement à de telles passions, certains désirs, rappelle également Spinoza, « se rapportent à nous en tantque nous agissons ».

Plus précisément, ces désirs se rapportent à l'esprit en tant qu'il est actif, c'est-à-dire,principalement, en tant qu'il cherche à accéder au savoir.

De fait, l'esprit, aussi bien lorsqu'il parvient à sereprésenter des idées vraies que lorsqu'il peine à sortir de la confusion, s'efforce ce faisant de persévérer dans sonêtre.

Or, un tel effort ou conatus, est précisément ce qu'on appelle désir.

Ainsi donc, toute activité deconnaissance s'accompagne de désir, même lorsqu'elle ne débouche pas sur la découverte de vérités indubitables.En revanche, lorsque notre aspiration à la connaissance est satisfaite, et que nous parvenons à concevoir des idéesvraies, l'esprit est inévitablement joyeux.

Il existe donc bien un désir et des satisfactions proprement intellectuels. Le désir n'est-il pas nécessairement passif ? Cependant, il peut sembler paradoxal d'affirmer que le désir est à la source de toutes nos activités, et plus encored'enlever à certaines formes de désir toute dimension de passivité, en affirmant comme Spinoza que lorsque noussommes purement actifs, c'est précisément sous l'influence d'un désir.

Toute action n'est-elle pas, par définition,corrélative d'une passion ? Selon Descartes, tout désir serait lui-même une passion, résultant d'une action exercéesur l'âme par le corps.

Les « passions de l'âme » traduiraient toutes, en effet, le retentissement, dans l'âme, dephénomènes corporels.

Dans le cas du désir, il s'agirait d'un certain mouvement des esprits animaux (dans laphysiologie cartésienne, il s'agit de corpuscules composés des parties « les plus vives et les plus subtiles » du sang,et qui meuvent le corps en circulant du cerveau aux muscles), qui déterminerait l'âme à « vouloir pour l'avenir leschoses qu'elle se représente être convenables » (Les Passions de l'âme, § 86).A ce compte, on pourrait tenter une explication physiologique du désir sexuel, par exemple.

Descartes a ainsi fourniune sorte de traduction mécaniste du mythe de l'androgyne, autrefois placé par Platon dans la bouched'Aristophane.

Cette reconduction du désir à sa cause organique supposée est d'ailleurs prolongée par certainssavants contemporains.

Ils attendent de la neurobiologie qu'elle permette d'élucider aussi bien la nature du désirsexuel, que les causes organiques de l'extinction du désir dont semblent frappés les anorexiques.

Cette perspectiven'est-elle pas réductrice ? Le sentiment amoureux et le désir sexuel ne sont-ils que l'expression de nos besoinsphysiologiques ?Ou bien faut-il voir dans le désir un processus plus complexe qu'il ne faudrait pas se représenter comme une relationà deux entre un sujet désirant et un objet désiré, mais comme une relation triangulaire entre un sujet désirant,l'objet désiré et un tiers médiateur, réel ou imaginaire, proche ou lointain, déterminant le choix de l'objet désiré.C'est là une conception défendue par René Girard.

Il s'en prend à ce qu'il appelle le « mensonge romantique » qui faitpasser le désir pour un phénomène spontané.

Cette analyse permet en outre de comprendre l'origine de la hainecomme retournement du sujet contre le médiateur : « Seul l'être qui nous empêche de satisfaire un désir qu'il nous alui-même suggéré est vraiment objet de haine ». Amour, désir et sexualité Peut-on distinguer l'amour du désir ? Le poids des facteurs biologiques dans l'explication des comportements sexuels ne doit-il pas nous conduire àrésorber l'amour dans le désir sexuel, et à voir dans ce dernier l'expression d'un besoin conditionné par l'exigencebiologique de la reproduction de l'espèce ? Encore faudrait-il prêter attention à la diversité des formes de l'amour.On pourrait d'abord, en s'inspirant de Descartes, distinguer l'amour-passion du désir.

Ce dernier nous projette vers. »

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