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Ne désirons-nous que les choses que nous estimons bonnes ?

Publié le 16/07/2004

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- L'analyse du désir en lui-même (comme attente d'une satisfaction pour soi-même) indique qu'il s'agit, dans l'estimation en cause, d'une valeur appréciée par le sujet lui-même, indépendamment du jugement d'autrui, qui peut être différent. - L'un des problèmes impliqués concerne la permanence ou la durée de ce que nous estimons « bon « : comment garantir qu'il ne peut, à moyen terme, devenir mauvais ?

« C'est dans le « Gorgias » de Platon que l'on trouve exposé le paradoxe socratique : « Nuln'est méchant volontairement ».

Cette thèse surprenante de prime abord doit être reliéeaux deux autres : « Commettre l'injustice est pire que la subir » ; « Quand on estcoupable il est pire de n'être pas puni que de l'être ».

L'injustice est un vice, unemaladie de l'âme, c'est pourquoi, nul ne peut vraiment la vouloir (on ne peut vouloir êtremalade), et la punition, qui est comparable à la médecine, est bénéfique à celui qui lasubit.L'attitude commune face à la justice est résumée par Polos dans « Gorgias » et Glauconau livre 2 de la « République ».

Les hommes souhaiteraient être tout-puissants etpouvoir commettre n'importe quelle injustice pour satisfaire leurs désirs.

Il vaut doncmieux, selon eux, commettre l'injustice que la subir.

Cependant, comme subir l'injusticecause plus de dommage que la commettre de bien, les hommes se sont mis d'accordpour faire des lois en vue de leur commune conservation.

Nous ne sommes donc justes,en vérité, que par peur du châtiment.

Si nous pouvions être injustes en toute impunité,comme Gygès qui possède un anneau le rendant invisible, nous agirions comme lui : nousne reculerions devant aucune infamie pour nous emparer du pouvoir, devenir tyran.

Bref, nous serions injustes pour satisfaire nos désirs.Platon réfute inlassablement cette thèse, cette hypocrisie qui consiste à ne vouloir que l'apparence de la justice,l'impunité, pour pouvoir accomplir n'importe quelle injustice.Le nerf de l'argument consiste à montrer que, en réalité, « Commettre l'injustice est pire que la subir ».

C'est parune ignorance du bien réel que les hommes souhaitent pouvoir être injustes.

Parce que nous confondons le bienapparent (le plaisir, la satisfaction immédiate des désirs les plus déréglés) avec le bien réel, la santé de l'âme.

Nouscroyons vouloir commettre l'injustice, alors que c'est impossible, que « nul n'est méchant volontairement », parceque nous voulons.

Etre injuste est faire son malheur en croyant se faire plaisir.L'antagonisme entre le point de vue habituel et la position de Socrate est magnifiquement exposé par le débat entreCalliclès et Socrate, dans le « Gorgias ».

Calliclès prétend : « Voici, si l'on veut vivre comme il faut, on doit laisseraller ses propres passions, si grandes soient-elles, et ne pas les réprimer .

» Socrate pense, lui, que l'accès aubonheur, au Bien, « cela veut dire être raisonnable, se dominer, commander aux plaisirs et aux passions qui résidenten soi-même ».Pour tenter de réfuter Calliclès, Socrate lui montrera que son idéal de mode de vie ressemble bien à une « passoire».

L'intempérance consiste à accumuler des plaisirs qui n'ont aucune consistance, à ne pas savoir se mesurer, sesatisfaire, mais au contraire à être habité par des désirs tels que pour les combler il faut « s'infliger les plus durespeines ».

L'erreur fondamentale de Calliclès est de confondre l'agréable et le bon, de confondre la démesure desdésirs déréglés et irrationnels avec l'équilibre de la satisfaction véritable.C'est que l'injustice est une maladie de l'âme, et plus précisément encore la subversion d'un ordre.

Le magnifiquemythe de l'attelage ailé dans le « Phèdre » décrit d'une façon imagée ce qu'est l'âme.

Elle est comparée à unattelage composé d'un cocher et de deux chevaux.

L'un est blanc, docile, l'autre est noir, à les oreilles poilues et semontre sourd aux injonctions du cocher ; il menace ainsi l'équilibre de l'attelage.

Il y a donnc trois instance dansl'âme.

Le cocher figure la raison, qui a pour tâche de diriger.

Le « cheval blanc » représente le siège de l'honneur, dela colère.

Le « cheval noir » symbolise l'âme concupiscible, siège des désirs, et plus précisément des désirs liés aucorps.

Or ces désirs ont pour caractéristiques d'être multiples, tyranniques, de ne rien respecter (Platon anticipedans certaines descriptions sur tous les cas cliniques décrits par Freud).Or, la justice consiste d'abord dans le respect de la hiérarchie naturelle des trois instances, qui doivent s'ordonnersous la conduite de la raison.

Se dominer, être maître de soi, tenir en bride le « cheval noir », c'est faire régnerl'ordre.

L'injustice consiste au contraire dans la subversion de cet ordre, dans la prédominance que l'on accorde àl'âme concupiscible.

C'est une maladie, une perversion, qui remet en cause la totalité de l'individu.

Dans cettetyrannie du supérieur par l'inférieur, l'homme devient esclave des désirs sans frein ; c'est pourquoi il estnécessairement malheureux.

Il devient incapable de jugement, d'honneur, et, au lieu d'être maître de soi, il estsoumis à ce qu'il y a de plus bestial en lui.Céder aux passions, au désir, rêver d'être tyran est donc en fait rêver d'être impuissant, confondre ce qui estagréable avec ce qui est bon.

Nul ne peut être véritablement maître des autres sans être d'abord maître de soi.

Leprojet d'hommes comme Calliclès est contradictoire : on ne peut à la fois être soumis à ses propres désirs et libre,être maître et serviteur.Le « Grogias » filait la métaphore des deux tonneaux.

L'homme maître de lui-même, ordonné, est celui qui saitcombler ses désirs sans leur céder, accorder au corps ce qu'il faut.

L'homme tyrannique poursuit sans trêve desplaisirs nouveaux, comme on verse du liquide dans un tonneau ; mais ce que ne sait pas cet être de la démesure, cequ'il ne veut pas voir, c'est que sa conduite déréglée en fait un « tonneau percé ».

Il peut sans fin accumuler lesplaisirs : il ne sera jamais comblé, et s'épuisera en pure perte.Le dérèglement est donc d'abord une faute de jugement : c'est une incompréhension de ce qu'est le bien véritable,une confusion entre bon & agréable.

Ainsi, il est clair que « Nul n'est méchant volontairement ».

Eclairer lesintelligences, c'est ipso facto redresser les conduites.Mais puisque l'injustice est une maladie de l'âme, une perversion de l'ordre, alors la punition est le remède approprié.Le châtiment est conçu par Platon comme analogue du médicament.

On accepte la souffrance physique pour sesoigner, pour réparer un mal, parce qu'on sait que le traitement enduré est finalement bénéfique.

Il doit en aller demême pour l'âme : la souffrance endurée, là encore, doit être comprise comme nécessaire au rétablissement d'unéquilibre que l'injustice avait compromis.

C'est pourquoi, aussi paradoxale que paraisse la thèse, « il est pire de nepas être puni que de l'être ».

L'homme injuste impuni est semblable au malade abandonné à son sort.. »

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