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DEVIENT-ON ARTISTE EN IMITANT LES AUTRES ARTISTES ?

Publié le 13/03/2004

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Le véritable artiste est celui qui échappe aux règles établies de l'artKant définit les beaux-arts comme les arts du génie, et le génie comme « la disposition innée de l'esprit par laquelle la nature donne ses règles à l'art ». Il se caractérise par : 1) l'originalité : « le génie est le talent de produire ce dont on ne saurait donner de règle déterminée, ce n'est pas l'aptitude à ce qui peut être appris d'après une règle quelconque » ; 2) l'exemplarité : « ses productions doivent en même temps être des modèles » et pouvoir « être proposées à l'imitation des autres » ; 3) l'incapacité à « indiquer scientifiquement comment il réalise son oeuvre ». Et cependant « il donne, en tant que nature, la règle. Donc l'auteur d'une oeuvre qu'il doit à son génie ne sait pas lui-même d'où lui viennent les idées et il ne dépend pas de lui d'en concevoir à volonté ou d'après un plan, ni de les communiquer à d'autres dans des prescriptions qui les mettraient à même de produire de semblables ouvrages ». Ainsi le génie est un don qui n'imite pas et qui ne peut se ramener à un ensemble de procédés, à un savoir. Le génie est inné. On ne devient pas un génie. On naît ainsi. C'est parfois l'apprentissage qui nous révèle ce talent. Le génie fait école mais n'est d'aucune école.

« C'est ce qui le différencie de l'habileté qui désigne au contraire l'adresse avec laquelle un artisan suit des règles trèsprécises pour produire un objet.

Le terme « habileté » convient donc seulement à l'artisan qui a appris des «recettes » ou techniques bien déterminées pour fabriquer des poteries ou des meubles, par exemple.

Le génie, aucontraire, est cette faculté de produire ce pour quoi aucune règle, aucune méthode, aucune recette ne lui a ététransmise.À partir de quoi l'artiste va-t-il alors créer ses oeuvres ? Précisément, à partir de rien qui soit clairement et a prioriformulable, nous dit Kant, puisqu'il va inventer, en même temps qu'il produit son oeuvre, la règle nouvelle qui enorganise la progression.

Cette création fait donc apparaître une règle paradoxale, qui ne va servir que pour l'oeuvreelle-même, et dans laquelle elle sera « prise »Al y a donc de la nouveauté dans ce que pro-duit le génie, puisqueson oeuvre est « origine première ».

C'est pourquoi sa qualité principale est « l'originalité ».L'originalité suffit-elle pourtant à définir totalement le génie artistique ? On pourrait, en effet, objecter que laconduite du fou est parfois si inattendue, si « extravagante », qu'elle se présente aussi comme originale, puisqu'ellene s'est rencontrée nulle part ailleurs.C'est pour répondre à cette objection que Kant nous précise alors qu'étant donné qu'il peut effectivement setrouver des « extravagances originales », les productions du génie doivent se reconnaître à un second critère : «elles doivent être des modèles, elles doivent être exemplaires », c'est-à-dire servir d'exemples pour l'imitation.Cela sous-entend que le génie se distingue de la folie en ceci que sa production est consciente et volontaire, alorsque le fou commet ses extravagances sans savoir ce qu'il fait, et ne peut pour cela servir de modèle.Le génie, au contraire, produit des oeuvres qui peuvent être proposées à l'imitation.

Ainsi, dans les écoles d'art, lesélèves tentent d'imiter le style du maître lorsqu'ils apprennent les techniques de base de la peinture ou de lasculpture.

Ce à quoi s'oppose cet extrait: Le génie se distingue donc du technicien en ce que, contrairement à ce dernier, il ne peut décrire ou montrer quelleméthode il utilise pour accomplir ses productions, car il ne la possède pas sous la forme d'une recette formuléecomme une règle qui constituerait un savoir (« une science ») qu'il pourrait, de ce fait, montrer « scientifiquement»Al invente la règle en même temps qu'il crée et, en ce sens, la découvre en la réalisant, « par une inspiration de lanature ».Cela signifie qu'il y a dans le génie un élément naturel que nous appelons un « don » : l'artiste élabore son oeuvrespontanément, sans avoir conscience d'inventer les règles qui ordonnent sa construction.

Cette nouvelle définitionproposée par Kant institue, entre l'artiste et l'artisan, une distinction que les penseurs de l'Antiquité ignorèrent.

PourPlaton, par exemple, seule existait la technè, dénomination qui recouvrait aussi bien le savoir-faire du potier celui del'artiste.L'art n'était alors considéré que comme une technè parmi d'autres, et c'est pourquoi Platon peut qualifier le peintred'« illusionniste » et lui reprocher de ne rien connaître de ce qu'il représente, par rapport à un artisan qui connaît lespropriétés des objets qu'il fabrique.

Les arguments avancés par Platon dans sa critique méconnaissent la distinctionque nous faisons aujourd'hui entre une activité de fabrication matérielle (l'artisanat) et une oeuvre de créationintellectuelle (l'art).Pour Kant, en revanche, il n'y a pas à savoir comment se fabrique un lit pour le représenter artistiquement.

Ce quicommande l'oeuvre d'art, le génie, est sans rapport avec ce qui guide la main de l'artisan, l'application d'un savoir-faire clairement formulable.

III.

Mais l'artiste génial échappe à toute définition • On peut critiquer la thèse kantienne du génie.

Par exemple, une oeuvre se définit-elle nécessairement par sonexemplarité, son originalité ? L'art grec est un art académique qui refuse l'originalité.

Pourtant, le sculpteur Praxitèlenous laissa des statues admirables.• Les grands artistes furent et sont des travailleurs acharnés, acharnés aussi à connaître les oeuvres de leursprédécesseurs et à se forger à la fois une culture artistique et la maîtrise de certaines techniques.• L'artiste véritable semble ainsi échapper à toute tentative de définition.

Si on peut expliquer, par l'analyse, lesconditions d'apparition d'une oeuvre, on ne peut rien dire quant au don artistique qui échappe à toute. »

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