Devoir de Philosophie

Y A-T-IL UN DEVOIR D'ÊTRE HEUREUX ?

Publié le 10/03/2004

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Lui-même s'il était chef donnerait donc exactement les mêmes ordres. Ceci éclaire l'idée chère à Rousseau de volonté générale. La volonté générale n'est plus ici le caprice contingent d'une majorité électorale, mais l'expression pure et simple des exigences de la raison universelle. Dès lors le chef n'est plus de droit divin et s'il est un tyran qui trahit les exi­gences de la raison, le peuple a le droit, mieux le devoir, de lui demander de renoncer à son poste. Cette théorie kantienne de l'obligation en impose par son caractère systématique. Elle appelle pourtant bien des réserves. Et tout d'abord on peut indiquer l'insuffisance de son forma­lisme. Accordons à Kant que la bonne intention est la condi­tion nécessaire de la valeur morale d'un acte. Elle n'est pas une condition suffisante. Certes Kant ne confond pas l'inten­tion morale avec un simple voeu, la bonne intention dont il parle est évidemment celle qui a le courage et la volonté de s'incar­ner dans un acte.

« A-t-on le devoir d'être heureux ? La question posée nous fait nous interroger, en tant que sujets conscients, « on », sur un aspect primordial de notre vie : le bonheur, cet état de la consciencepleinement satisfaite, qui définit le fait d'être heureux.

Le verbe être pose le problème de savoir si le bonheur est un état, une nature, si on peut atteindre unétat de bonheur absolu, être pleinement heureux.

En tout cas, le bonheur semble être souhaitable à tous les êtres humains, et chacun le recherche.

Etreheureux apparaît donc comme un droit, droit qui a d'ailleurs été promulgué dans des textes de lois majeurs, comme la déclaration d'indépendance américaineen 1776 ou la déclaration des droits de l'homme et du citoyen en France.

Mais au delà du droit, on peut se demander si le bonheur a un statut de devoir, c'est-à-dire s'il repose sur une obligation définie par le système moral que l'on accepte, par la loi, les circonstances.

En somme, est-on responsable de son bonheurdevant la société, autrui, ou même devant soi ? Il semble y avoir ici une contradiction, en effet si le bonheur a une valeur si primordiale que celle évoquéeprécédemment, on devrait pouvoir le chercher sans que se soit un devoir, sans en être responsable devant une quelconque morale.

Alors, le bonheur dépend-ild'obligations éthiques ou bien va-t-il de soi, sans responsabilité face à un devoir ? Les enjeux d'un problème portant sur un aspect si important de notre vie sontnombreux.

Théoriques d'abord : y a-t-il des liens entre morale et bonheur ? Le bonheur dépend-il de la morale ? La morale dépend-elle du bonheur ? Peut-onvivre heureux sans morale ? Pratiques aussi : tant sur le plan juridique, où il s'agit de savoir si on peut accuser quelqu'un d'avoir manqué à son devoir enn'étant pas heureux, ou du moins en ne cherchant pas le bonheur, que sur le plan social, où on peut se demander s'il faut trouver le bonheur en étantresponsable face à la société ou face à soi-même.

On cherchera à savoir dans un premier temps si le bonheur va de soi, sans considération de responsabilité,puis si le bonheur répond à un devoir moral, face à la société, et enfin si c'est un devoir pour soi, et alors quels liens envisager entre bonheur et morale. Etant un état primordial à rechercher, on verra si le bonheur va de soi, ou s'il est le fruit d'une méthode raisonnée. Chacune de nos actions est faite dans le but d'être heureux.

C'est d'ailleurs le seul but qui ne soit pas soumis à d'autres buts, c'est la seule chose que l'on visepour elle-même et non en vue d'atteindre un autre bien.

C'est ce que soutient Aristote dans l' Ethique à Nicomaque , où il affirme la valeur suprême du bonheur, la « chose la plus désirable de toutes ».

Le moindre choix que nous faisons est donc motivé par le bonheur, tous les buts que nous visons sont en vue d'autresbuts, qui permettent finalement le bonheur.

Et si chaque homme agit différemment, c'est parce que nous avons tous des visions différentes du bonheur, et desmanières différentes de l'atteindre.

Le bonheur n'est pas à identifier strictement au plaisir, mais selon les gens le plaisir prendra plus ou moins d'importancedans la recherche du bonheur.

Pour certains aussi, comme Epicure dans la Lettre à Ménécée , « la santé du corps et la tranquillité de l'âme » permettent la vie heureuse : c'est l'ataraxie.

Quoi qu'il en soit, le bonheur relève de la conscience, c'est un état de la conscience, et c'est pourquoi il est si personnel.

Il faut doncdistinguer bonheur et chance, on peut ne pas avoir une vie favorisée par la nature, naître « pauvre, malsain et contrefait » et cependant « jouir d'un (...) parfaitcontentement » comme le dit Descartes dans la Lettre à Elisabeth .

Puisque le bonheur est un état de la conscience, indépendant de la fortune aléatoire de la vie, et que l'on vise dans toutes nos actions, il ne semble pas être un devoir, dépendre de quelque obligation morale que ce soit.

Si de toute façon, en vivant oncherche fatalement le bonheur, ce dernier semble aller de soi, ne pas être un devoir, une obligation que se fixe la conscience.

Mais alors on serait forcémentheureux, sans que ce soit le fruit d'un cheminement particulier de l'esprit, or cela ne semble pas être le cas. En effet, certains hommes ne sont pas heureux, alors qu'ils agissent forcément en ce sens.

Ainsi, on peut penser que le bonheur nécessite le travail de laconscience, voire que c'est un devoir.

Il faut agir avec discernement dans la recherche du bonheur, et ne pas accepter tous plaisirs.

Ainsi l'homme qui préféreravoyager et découvrir le monde pour être immédiatement heureux plutôt que d'étudier se trouvera peut-être moins heureux plus tard, quand il s'agira de gagnersa vie.

C'est ce qu'exprime Epicure dans la Lettre à Ménécée lorsqu'il écrit que « tout plaisir ne doit pas être recherché » et que « toute douleur ne doit pas être évitée à tout prix ».

Pour Sénèque, dans La vie heureuse , le cheminement pour arriver au bonheur est complexe, et jamais on doit adopter l'attitude de suivre systématiquement le comportement des autres, cela mène à la perte, puisque le bonheur est personnel.

Pour Descartes, dans les Oeuvres philosophiques , il y a une méthode à adopter pour trouver le bonheur, qui consiste en trois étapes : se servir de son esprit pour savoir comment agir, être résolu d'appliquer « ce quela raison lui conseillera », ne pas désirer les biens que l'on a pas tant qu'ils sont hors de portée.

On comprend chez ces auteurs que l'on devient heureux grâce àune conduite raisonnée, qui ne va pas de soi.

Mais alors, peut-être faut-il s'appuyer, pour être heureux, sur une conduite morale, et alors le bonheur peut serévéler être un devoir. On peut en effet se demander si on a un devoir moral d'être heureux, ou si la morale est un simple moyen pour arriver au bonheur. Selon de nombreux philosophes, le plus important est de faire bon usage de la raison, de suivre la morale.

Or ce que l'on recherche par dessus tout est notrebonheur.

On peut donc apparenter le bien avec le bonheur, et alors on peut dire que l'on a le devoir de chercher le bien, donc de chercher le bonheur.

C'est lathèse de certains philosophes de l'Antiquité, comme Aristote, pour qui le bonheur, est, dans l' Ethique à Nicomaque , le « Souverain Bien », parfait, vers lequel on doit tendre.

Pour Epicure, dans la Lettre à Ménécée , « les vertus (...) ne font qu'un avec la vie heureuse », c'est pourquoi c'est grâce à la raison, à la sagesse, qu'on trouve le bonheur.

Et puisque la morale impose de vivre vertueusement, elle impose de trouver le bonheur.

Kant écrit dans la Fondation de la métaphysique des moeurs que nous devons répondre à l'impératif catégorique.

Celui-ci stipule que nous devons agir en visant la morale, le bien, dans chaque effet de nos actions.

Et ce contrairement à l'impératif hypothétique, selon lequel il faut considérer non pas nos actions, mais le but dans lequel elles sont faites.Pour Kant, il faut choisir l'impératif catégorique, grâce auquel on ne fait que le bien, et ainsi on atteint le bonheur, contrairement à l'impératif hypothétique parlequel on peut faire des mauvaise actions pour être heureux, et qui rend donc en réalité malheureux.

Chez tous ces auteurs, on doit faire le bien et ainsi êtreheureux.

Il n'est pas absurde que la morale impose le bonheur : celle-ci semble exister pour le bien des hommes et quoi de plus grand bien pour les hommesque leur bonheur ? Cependant, si la morale propose bien des moyens d'arriver au bonheur, est-on vraiment responsable de son bonheur devant la société ? Lasociété et ses lois nous obligent-elles vraiment à être heureux ? Il semble plutôt que ce soient les sociétés qui ont le devoir de garantir à l'individu le droit au bonheur, comme les constitutions évoquées précédemment.

Et sil'individu a un devoir envers la société, c'est plutôt de garantir son bon fonctionnement, de garantir le « bonheur publique » selon Rousseau, et non son bonheurpersonnel.

On peut donc penser qu'être heureux n'est pas un devoir moral, si certaines personnes pensent qu'elles doivent faire le bien, suivre une morale, c'estparce que c'est ainsi qu'elles sont heureuses.

Ainsi le bonheur est à l'origine des devoirs, et non l'inverse.

Par exemple, une personne charitable, qui fait le bien,dévoue sa vie aux autres, le fait parce qu'elle est heureuse ainsi, elle apprécie le fait de faire le Bien, cela satisfait sa conscience.

Pour elle le Bien est le moyend'arriver au bonheur.

On peut même imaginer des personnes qui trouvent le bonheur sans morale du tout, qui privilégient les fins -être heureux- aux moyens,ces derniers pouvant être peu vertueux.

C'est ce que préconise Machiavel dans le Prince , et cela correspond à l'impératif hypothétique de Kant.

Ainsi on peut penser que le bonheur est à l'origine des devoirs moraux et non soumis à eux.

Mais, si on n'est pas responsable de son bonheur devant la société, peut-êtrel'est-on devant nous-même ? La recherche du bonheur est peut-être à envisager de manière plus personnelle, et on peut alors voir ce qu'elle engage. On peut considérer vain le problème de savoir si le bonheur vient d'un devoir moral ou si le bonheur peut être atteint en n'appliquant pas la morale, et penserque le bonheur est une nécessité personnelle sans rapport direct avec la société.

Jean Baudrillard, dans la Société de consommation , démontre ainsi que la société est incapable de garantir le bonheur des individus et leur propose à la place une profusion de biens de consommations, servant d'apparences de bien-être.

Ainsi le bonheur est-il à envisager du point de vue de l'Homme uniquement, en laissant la société et la morale en-dehors du problème.

Le bonheur n'a pasde rapport avec un devoir moral dans le sens ou c'est soit une nécessité naturelle, pas une obligation, soit une obligation, mais pas morale : obligation d'êtreheureux car c'est dans notre intérêt, et non car l'éthique le veut.

Etre heureux est dons certes une nécessité, un besoin, une obligation face à nous-même, maislibérée de toute contrainte extérieure.

Le bonheur est une liberté. En s'appuyant sur la pensée de Sartre dans l' Existentialisme est un humanisme , par exemple, on peut penser que l'homme crée son bonheur lui même en s'appuyant sur sa liberté car rien n'existe avant lui, il n'y a pas de morale prédéfinie qui puisse l'aider à faire ses choix.

En revanche, en choisissant, il crée une. »

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