Devoir de Philosophie

Est-ce un devoir de respecter la nature ?

Publié le 04/02/2004

Extrait du document

A l’heure du réchauffement de la planète et du dérèglement climatique, le respect de l’environnement et donc de la nature, semble une évidence. Et pourtant, dans un monde tel que le nôtre, la nature fait surtout l’objet d’une connaissance scientifique ou d’une exploitation en vue de combler les besoins humains. Il nous arrive d’admirer la nature, mais admirer n’est pas respecter. Le respect est le sentiment qui porte généralement à accorder à quelqu’un de la considération, en raison de la valeur qu’on lui reconnaît, et à se conduire envers lui avec réserve et retenue. Selon le sens commun, il est toujours associé à la notion de personne, dans la mesure où on respecte celui dont on reconnaît une certaine supériorité (en raison de son âge, de ses fonctions ou de son mérite). Rien ne dit, a priori, que le respect soit adéquat pour désigner la relation homme nature et par voie de conséquence, que le respect de la nature soit un devoir. Si c’est le cas, quel genre de devoir est-ce ? Un devoir hypothétique, dans la mesure où nous y avons intérêt ? L’homme vit dans la nature et on voit assez qu’un irrespect de la nature conduirait à sa perte. Un devoir catégorique, inconditionné ? Mais l’homme peut-il réellement faire passer la nature avant sa propre conservation ?

« savoir-faire, une routine, elle devient une science appliquée. D'une part, il s'agit de connaître les éléments « aussi distinctement que nous connaissons les métiers de nos artisans ».

Puis « de les employer de même façon à tous les usages auxquels ils sont propres ».

Il n'est pas indifférent que l'activité artisanale devienne le modèle de la connaissance.

On connaît comme on agit ou on transforme, et dans un même but.

La nature désenchantée n'est plus qu'un matériau offert àl'action de l'homme, dans son propre intérêt.

Connaître et fabriquer vont de pair. D'autre part, il s'agit « d'inventer une infinité d'artifices » pour jouir sans aucune peine de ce que fournit la nature.

La salut de l'homme provient de sa capacité à maîtriser et même dominer techniquement, artificiellement la nature. Ce projet d'une science intéressée, qui doive nous rendre apte à dominer et exploiter techniquement une nature désenchantée est encore le nôtre. Or la formule de Descartes est aussi précise que glacée ; il faut nous rendre « comme maître et possesseur de la nature ».

« Comme », car Dieu seul est véritablement maître & possesseur.

Cependant, l'homme est ici décrit comme un sujet qui a tous les droits sur une nature qui luiappartient (« possesseur »), et qui peut en faire ce que bon lui semble dans son propre intérêt (« maître »). Pour qu'un tel projet soit possible, il faut avoir vidé la nature de toute forme de vie qui pourrait limiter l'action de l'homme , et poser des bornes à ses désirs de domination & d'exploitation.

C'est ce qu'a fait la métaphysique cartésienne, en établissant une différence radicale de natureentre corps & esprit.

Ce qui relève du corps n'est qu'une matière inerte, régie par les lois de la mécanique.

De même en assimilant les animaux à desmachines, Descartes vide la notion de vie de tout contenu.

Précisons enfin que l'époque de Descartes est celle où Harvey découvre la circulation sanguine, où le corps commence à être désacralisé, et les tabous touchant la dissection, à tomber. Car ce qu'il y a de tout à fait remarquable dans le texte, c'est que le projet de domination technicienne de la nature ne concerne pas que la nature extérieure et l'exploitation des ressources naturelles.

La « philosophie pratique » est utile « principalement aussi pour la conservation de la santé ».

Le corps humain lui aussi, dans ce qu'il a de naturel, est objet de science, et même objet principal de la science.

« S'il est possible de trouver quelque moyen qui rende les hommes plus sages et plus habiles qu'ils n'ont été jusqu'ici, je crois que c'est dans la médecine qu'on doit lechercher. » La véritable libération des hommes ne viendrait pas selon Descartes de la politique, mais de la technique et de la médecine.

Nous deviendrons « plus sages & plus habiles », nous vivrons mieux, en nous rendant « comme maîtres & possesseurs de la nature ».

La science n'a pas d'autre but. Il semble bien que, depuis le XVIIe siècle, nous ayons oublié le sens du « comme » et que la culture moderne,effectivement devenue « maîtresse » de la nature, s'accorde à son égard tous les droits.

Ce mouvement générald'appropriation caractérise la société occidentale, en tant que technoscientifique : les « primitifs » se montrent engénéral plus soucieux de maintenir les équilibres initiaux, ou de ne pas les détériorer, comme le montrent par exempleles rituels qu'ils accomplissent avant d'entreprendre certains travaux (chasse, labours), où se manifeste le désir dene pas « choquer » les espèces ou l'environnement – ne serait-ce que pour éviter des réactions trop agressives deleur part.Qu'une telle mainmise sur le milieu soit typique de l'Occident n'est peut-être pas si surprenant, si l'on pense quel'attitude scientifique qu'il a privilégiée suppose l'objectivation du monde, c'est-à-dire sa déspiritualisation (il n'enallait pas encore ainsi chez les Grecs, qui concevaient combien les techniques pouvaient être violentes – cepourquoi ils attribuaient leur découverte à des non-humains : c'est Prométhée qui ravit le feu, et non un hommeordinaire) : un univers ainsi privé de toute dimension spirituelle est offert à une action qui peut se penser sanslimitation. [II.

Pourquoi respecter la nature ?] Les résultats de cette action sont désormais visibles, ou sensibles, et provoquent une sorte de prise de conscience.On n'en finit plus, très quotidiennement, de déplorer la pollution, les méfaits de l'effet de serre, le rejet dansl'atmosphère des fumées et autres déchets de l'industrie, la transformation des océans en une gigantesque poubelle,l'extinction de certaines espèces animales, etc.

L'homme se trouve donc mis en accusation globalement (même sil'on en profite au passage pour oublier que le responsable est surtout l'homme occidental, tel que son modèle sediffuse désormais sur tous les continents).

La rupture des équilibres naturels fait affleurer des problèmes écologiquesmultiples.Mais les agressions contre le milieu se complètent désormais de nouvelles possibilités d'action sur l'homme lui-même,qui apparaît, sinon transformable à merci, du moins susceptible de ne plus se définir traditionnellement, dès lors quel'on évoque le clonage, le repérage prénatal de malformations ou d'insuffisances graves, l'éventualité de pratiquer uneugénisme à fondement « scientifique », etc.

Il ne s'agit plus seulement, dans de telles conditions, de protéger lesarbres ou la qualité de l'air que nous respirons : il semble, plus fondamentalement, qu'il soit désormais question deprotéger l'homme lui-même contre certaines de ses capacités.C'est dans un tel contexte que l'on évoque de plus en plus fréquemment la nécessité, ou l'urgence, de concevoir unvéritable devoir de respecter la nature, qui serait une voie – peut-être pas la seule – permettant de freiner lesméfaits du technoscientifique, ou même, si l'on est optimiste, d'y mettre fin.

On doit pourtant se demander, au-delàde ce que la formule peut avoir de séduisant ou de prometteur, ce que peut signifier exactement un tel devoir derespecter la nature.Ce devoir suppose d'abord que l'on reconnaisse à la nature et aux espèces non humaines qui la peuplent un droit àexister sans que l'homme les transforme.

Or, par définition, le droit implique l'existence de sujets juridiques, et il esta priori difficile d'admettre comme tels des êtres sans conscience (Kant affirmait que l'homme n'a de devoirs. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles