Dialogue et Argumentation

« claire que dans un essai par exemple, le lecteur a plus de facilité à comprendre l'argumentaire, qui est ouvert à tout lemonde.

Le dialogue dans les romans ou dans les nouvelles a pour fonction de mettre en pause le récit et de donner voix auxpersonnages, ce qui est plus agréable et divertissant pour le lecteur.

C'est le cas dans le dialogue entre la princesse de Clèves,héroïne éponyme de l'oeuvre de Madame de La Fayette, et le duc de Nemours, sur la possibilité ou non de laisser libre cour àleur amour.

De plus, le fabuliste Jean De La Fontaine dit « En ces sortes de feintes, il faut instruire et plaire » et illustre biencette double fonction du dialogue à travers ses fables, genre littéraire très en vogue au XVIIème siècle.

C'est le cas dans « Lesfemmes et le secret », oeuvre dans laquelle l'auteur insère un dialogue entre un mari et son épouse pour mieux mettre envaleur le cliché sur les femmes qu'il illustre à travers sa fable.

Elle est ainsi dotée d'un effet comique qui permet unemeilleure compréhension de la morale illustrée, comme désiré par l'auteur.

L'usage du dialogue permet aussi de mieuxpersuader.

L'auteur a le libre choix d'utiliser divers figures de styles, de multiplier les tons de ses personnages pour mieuxémouvoir son lecteur.

Ainsi, dans le chapitre 24 de « Candide » de Voltaire, Paquette fait le récit de son arrivée dans lemonde de la prostitution et décrit son métier qu'elle qualifie « d'abominable ».

Elle utilise de plus un ton pathétiqueaccentué par plusieurs exclamations, de façon à ce que le lecteur soit facilement touché par l'argumentaire de la jeunefemme et adhère donc à sa cause.

L'usage d'arguments affectifs permet aussi de persuader le lecteur, et provoque en lui desémotions ou des passions telles que la peine, le plaisir, l'amitié ou la haine.

Il obtient par là la sympathie de l'interlocuteurdont il semble partager ses émotions.

Victor Hugo par son « Discours sur la misère » en 1849, qui est en quelque sorte undialogue différé puisqu'il provoque des réactions et des critiques, cherche la pitié de l'auditoire pour argumenter en la faveurde l'abolition de la misère.

En plus de sa dimension attrayante, divertissante ou émotionnelle, le dialogue a des aspirationsplus profondes dans l'argumentation.

Le dialogue est un moyen complexe pour argumenter.

Le dialogue à visée dialectique a pour but de confronter des idéesdifférentes pour aboutir à une définition ou à une vérité, une conclusion.

Il prend la forme du dialogue philosophique auVème siècle avant J-C, dont l'origine est liée à une conception nouvelle du rapport de l'homme à la parole.

Il ne reste aucunetrace écrite des oeuvres de Socrate, philosophe majeur du Vème siècle après J-C, mais son disciple Platon a néanmoinsretranscrit ses dialogues philosophiques où son maitre est interpellé sur des thèmes qui retiennent l'attention de tous.

C'estainsi que dans sa deuxième partie de l'ouvrage « La république», il fait dialoguer Socrate et Glaucon, un personnage fictif, surune république idéale, simpliste et frugale qui prône l'égalité, l'altruisme et la paix.

L'argumentation tourne autour du modede vie des personnages industrieux et modérés de cette république.

Socrate crée aussi une méthode nouvelle et exclusive audialogue : la maïeutique, et se définit comme accoucheur de l'esprit humain.

Elle désigne une méthode de questionnementpermettant de faire accoucher les esprits d'une vérité qu'ils porteraient en eux sans le savoir.

Jean Racine en 1677 reprend laméthode de la maïeutique dans sa pièce théâtrale « Phèdre », dans laquelle oenone questionne le personnage éponyme etla fait accoucher d'une vérité qu'elle détient au fond d'elle-même : l'amour qu'elle ressent pour Hyppolyte, son beau-fils.

Deplus, le dialogue permet aussi une argumentation indirecte de l'auteur, c'est la polyphonie.

L'auteur, afin d'éviter la censureou de faire passer un message implicitement, dit ce qu'il pense à travers ses personnages.

Il argumente ainsi et donne sonpoint de vue tout en restant masqué par le dialogue.

Elle peut être utilisée dans le roman comme dans le théâtre, c'est le casdans « Ondine » de Jean Giraudoux parue en 1939, qui à travers une leçon d'usages de la cour donnée par le Chambellan àOndine, personnage principal de la pièce qui incarne la vérité, critique la société matérialiste et superficielle représentée parla cour et ses personnages.

Le dialogue philosophique, forme d'apologue, évolue en « dialogue » ou « entretien » au siècledes lumières, afin de dénoncer les abus de pouvoirs ou encore critiquer la société de l'époque, comme c'est le cas pour « Dialogue du chapon et de la poularde » de Voltaire, ou il démontre, dans un but moralisateur, l'absurdité de la conduite deshommes, de leurs traditions, et en profite pour railler la religion et ce qui s'y rapporte.

Toujours au XVIIIème siècle, Marivauxcritique par exemple les rapports maitres/valets dans sa pièce de théâtre « L'île des esclaves » en 1725.

Il représente un lieuutopique où les maitres et valets inversent leurs rôles après un naufrage, les anciens maitres prennent alors conscience deleurs erreurs.

Marivaux a, par cette oeuvre, critiqué la société de son époque sans pour autant être censuré.

La doubleargumentation a été aussi utilisée par Molière au XVIIème siècle, pour dénoncer l'abus de pouvoir des religieux, dans sapièce théâtrale « Tartuffe ».

Le dialogue suscite donc la polémique.

En effet, grâce au message véhiculé par l'auteur et à sacritique implicite ou explicite, une polémique ou une remise en question d'un point de vue peuvent être lancés.

Il s'agit pourla plupart des cas d'un thème tabou ou audacieux pour l'époque d'écriture.

Diderot, dans son « Supplément au voyage deBougainville » commente le périple de ce dernier et particulièrement son étape à Otaïti.

Il met en scène deux personnages Aet B qui tantôt dialoguent sur le voyage en lui-même, tantôt argumentent sur « l'inconvénient d'attacher des idées morales àcertaines actions physiques qui n'en comportent pas », comme l'indique le sous-titre de l'oeuvre.

En faisant paraitre cedialogue philosophique dans un journal ainsi que d'autres articles, Diderot met en question les relations physiques, moraleset civiles entre les sexes, les lois et la religion.

Malgré son apparence anodine, le dialogue est le plus souvent utilisé par lesauteurs pour faire adhérer autrui à sa cause ou encore faire passer un message et créer une polémique.

Pour conclure, le dialogue est, en plus d'être un moyen pour convaincre, non seulement un moyen pour divertir et instruirele lecteur mais aussi pour l'auteur un moyen efficace de donner son avis implicitement ou explicitement.

On pourrait alors sedemander dans une étude comparative avec le dialogue, l'intérêt de recourir au récit pour l'argumentation.. »