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DIDEROT ET L'ENCYCLOPÉDIE: CHRISTIANISME

Publié le 05/04/2011

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diderot

Le christianisme, je le sais, a eu ses guerres de religion, et les flammes en ont été souvent funestes aux sociétés : cela prouve qu'il n'y a rien de si bon dont la malignité humaine ne puisse abuser. Le fanatisme est une peste qui reproduit de temps en temps des germes capables d'infecter la terre ; mais c'est le vice des particuliers et non du christianisme, qui par sa nature est également éloigné des fureurs outrées du fanatisme et des craintes imbéciles de la superstition. La religion rend le païen superstitieux et le mahométan fanatique : leurs cultes les conduisent là naturellement (voyez Paganisme, voyez Mahométisme) ; mais lorsque le chrétien s'abandonne à l'un ou l'autre de ces deux excès, dès lors il agit contre ce que lui prescrit sa religion. En ne croyant rien que ce qui lui est proposé par l'autorité la plus respectable qui soit sur la terre, je veux dire l'Église catholique, il n'a point à craindre que la superstition vienne remplir son esprit de préjugés et d'erreurs. Elle est le partage des esprits faibles et imbéciles, et non de cette société d'hommes qui, perpétuée depuis Jésus-Christ jusqu'à nous, a transmis dans tous les âges la révélation dont elle est la fidèle dépositaire. En se conformant aux maximes d'une religion toute sainte et tout ennemie de la cruauté, d'une religion qui s'est accrue par le sang de ses martyrs, d'une religion enfin qui n'affecte sur les esprits et sur les cœurs d'autre triomphe que celui de la vérité qu'elle est bien éloignée de faire recevoir par des supplices, il ne sera ni fanatique ni enthousiaste, il ne portera point dans sa patrie le fer et la flamme, et il ne prendra point le couteau sur l'autel pour faire des victimes de ceux qui refuseront de penser comme lui.

Vous me direz peut-être que le meilleur remède contre le fanatisme et la superstition serait de s'en tenir à une religion qui, prescrivant au cœur une morale pure, ne commanderait point à l'esprit une créance aveugle des dogmes qu'il ne comprend pas ; les voiles mystérieux qui les enveloppent ne sont propres, dites-vous, qu'à faire des fanatiques et des enthousiastes. Mais raisonner ainsi, c'est bien peu connaître la nature humaine : un culte révélé est nécessaire aux hommes, c'est le seul frein qui les puisse arrêter. La plupart des hommes que la seule raison guiderait, feraient des efforts impuissants pour se convaincre des dogmes dont la créance est absolument essentielle à la conservation des États... La voie des raisonnements n'est pas faite pour le peuple. Qu'ont gagné les philosophes avec leurs discours pompeux, avec leur style sublime, avec leurs raisonnements si artificiellement arrangés? Tant qu'ils n'ont montré que l'homme dans leurs discours sans y faire intervenir la divinité, ils ont toujours trouvé l'esprit du peuple fermé à tous les enseignements. Ce n'est pas ainsi qu'en agissaient les législateurs, les fondateurs d'États, les instituteurs de religion : pour entraîner les esprits et les plier à leurs desseins politiques, ils mettaient entre eux et le peuple le dieu qui leur avait parlé; ils avaient eu des visions nocturnes ou des avertissements divins; le ton impérieux des oracles se faisait sentir dans les discours vifs et impétueux qu'ils prononçaient dans la chaleur de l'enthousiasme. C'est en revêtant cet extérieur imposant, c'est en tombant dans ces convulsions surprenantes, regardées par le peuple comme l'effet d'un pouvoir surnaturel, c'est en lui présentant l'appas d'un songe ridicule que l'imposteur de la Mecque osa tenter la foi des crédules humains, et qu'il éblouit les esprits qu'il avait su charmer, en excitant leur admiration et captivant leur confiance. Les esprits fascinés par le charme vainqueur de son éloquence ne virent plus dans ce hardi et sublime imposteur qu'un prophète qui agissait, parlait, punissait et pardonnait en Dieu. A Dieu ne plaise que je confonde les révélations dont se glorifie à si juste titre le christianisme avec celles que vantent avec ostentation les autres religions ; je veux seulement insinuer par là qu'on ne réussit à échauffer les esprits qu'en faisant parler le dieu dont on se dit l'envoyé, soit qu'il ait véritablement parlé, comme dans le christianisme et le judaïsme, soit que l'imposture le fasse parler, comme dans le paganisme et le mahométisme. Or, il ne parle point par la voix du philosophe déiste : une religion ne peut donc être utile qu'à titre de religion révélée. Voyez Déisme et Révélation.

Les contemporains de Diderot le considéraient avant tout comme l'auteur de Y Encyclopédie, et cette opinion était justifiée, car, sans lui, l' Encyclopédie n'aurait été ni conçue ni menée à bien. Travailleur acharné, il exerçait sans doute son activité dans bien d'autres domaines, comme le prouvent les ouvrages dont nous avons analysé quelques extraits, mais ces ouvrages, pour la plupart, n'ont pas été publiés de son vivant et n'étaient connus que de ses amis. De plus, l'Encyclopédie a rempli vingt des meilleures années de son existence, et on ne saurait ni la lire, ni en raconter l'histoire, sans voir surgir à chaque instant le nom de Diderot. Elle est peut-être l'œuvre d'une équipe et il y a souvent même des disparates dans les vues qu'elle a exposées, mais c'est Diderot qui a permis à l'ouvrage de voir le jour, c'est lui qui, avec son ami Jaucourt, en a rédigé la plus grande partie, c'est lui qui a mené avec le plus de courage la lutte contre des adversaires nombreux et puissants, c'est lui enfin qui, presque abandonné de ses collaborateurs, après 1759, a poursuivi avec persévérance, et contre vents et marées, la publication clandestine de l'ouvrage.

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« 1.

De tous les articles de Y Encyclopédie, ceux auxquels Diderot attachait le plus d'importance étaient ceux quiconcernaient les arts mécaniques.

Il expose dans le Prospectus (1750) non seulement la nécessité de marquer dansle Dictionnaire la liaison et la filiation de toutes les sciences, mais encore la nécessité de faire la plus large place auxmétiers.

C'était, à ses yeux, la partie la plus originale de l'ouvrage, et dans l'article Arts, qu'il rédigea lui-même et quioccupe six grandes pages du Ier volume, il fait l'éloge des arts mécaniques, trop longtemps méprisés, et prétend lesremettre à la place d'honneur qui leur est due.

La plupart de ces articles furent sans doute confiés à desspécialistes — Daubenton rédige l'article Coton, Buisson, fabricant de Lyon, les articles sur la Soie et la Teinture —,mais c'est Diderot qui distribuait la besogne, relançait les retardataires, veillait à relire et à coordonner leur travail,s'occupait de mettre au net les planches grâce auxquelles le lecteur pourrait voir les machines et les outils dont onlui parlait.

Avec une activité et une curiosité inlassables, Diderot s'adonna à son écrasante besogne avec le pluscomplet désintéressement. 2.

Mais en dehors de cette partie technique de l'ouvrage qui lui donna tant de mal, Diderot a aussi composé dansl'Encyclopédie des articles politiques et économiques, esthétiques et philosophiques.

C'est grâce à eux qu'on peutdéterminer, du moins dans une certaine mesure, car Diderot était tenu à une certaine prudence, ce que furent sesidées dans tous ces domaines. 3.

Articles politiques. Trois surtout sont importants : a) l'article Autorité politique — le plus hardi de tous les articles politiques de l'Encyclopédie.

Diderot y ébranle leprincipe même de la monarchie de droit divin.

Il suppose que l'autorité est déférée au Roi par le Peuple, et affirmeainsi, dix ans avant le Contrat social de J.-J.

Rousseau, que le consentement des individus est le fondement de lapuissance politique.

Il en déduit que la puissance du roi doit s'exercer dans l'intérêt du peuple et que la soumissiondu peuple ne saurait être aveugle et totale.

Sans vouloir abolir le culte idolâtrique que l'on voue au Roi, Diderot ne pense pas quece culte doive entraîner l'obéissance sans discernement de l'esprit et de la volonté. b) l'article Privilèges.

Diderot reconnaît la légitimité de certains privilèges, quand ils sont utiles, mais proteste contreles abus; c) l'article Paix déplore les atrocités de la guerre et l'esprit de conquêtes — idée chère à tous les philosophes dusiècle, mais il condamne surtout la guerre parce qu'elle nuit au bonheur des peuples et présente un caractèreantisocial. 4.

Les articles économiques.

Deux des plus importants sont l'article Agriculture et l'article Luxe. a) L'article Agriculture proclame la primauté de cet art, le plus ancien dans l'histoire de l'humanité, et passe enrevue les efforts accomplis par les souverains pour protéger les campagnes et les laboureurs. b) L'article Luxe.

Diderot y soutient des idées intermédiaires entre celles de Voltaire, qui admire le luxe comme unsigne de civilisation, et celles de Rousseau qui le condamne comme une source de corruption et de décadence.Selon lui, le luxe peut être à l'origine de certaines vertus, à condition que les gouvernements dirigent habilement lavie du pays et comprennent qu'il y a une relation entre le pouvoir d'achat et la prospérité générale.

Les peuplesdoivent pouvoir acquérir une aisance qui sera pour eux un stimulant et un gage d'indépendance, mais aussi uneraison d'attachement à un ordre politique qui leur assure le bien-être.

C'était mettre en lumière les liens qui existententre l'économie et la politique.5.

Les articles esthétiques. Les plus célèbres sont l'article Beau et l'article Génie, dont nous avons déjà parlé et dont les idées seront reprisesdans beaucoup d'autres ouvrages de Diderot.

Signalons pourtant, après M.

Jean Thomas, qu'à l'époque où Diderotrédige l'article Beau, il cherche surtout ses références dans les mathématiques, sous l'influence de son amiD'Alembert.

6.

Les articles philosophiques. L'essentiel de ces articles est une condamnation des religions révélées.

C'est surtout dans ce domaine que Diderotest le plus audacieux.

C'est aussi sur ce point qu'il est tenu à la plus grande prudence.

Ces articles se présententpar suite sous deux aspects : d'une part, une pensée hostile et profondément sceptique, d'autre part, une méthodeinsinuante qui glisse l'attaque sous une apparence élogieuse.

Ce sont ces deux aspects qui apparaissent dansl'article Christianisme que nous avons à commenter. 1° L'éloge apparent du christianisme.. »

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