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Dieu est-il mort ?

Publié le 21/02/2004

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dieu
L'insensé se précipita au milieu d'eux et les perça de ses regards. Où est allé Dieu ? cria-t-il, je vais vous le dire! Nous l'avons tué - vous et moi! Nous sommes tous ses assassins ! »Nietzsche est convaincu que l'humanité est arrivée au seuil d'une nouvelle période que l'on pourrait qualifier denihiliste et qui se caractérise par l'apparition d'immoralistes, de libres penseurs qui vivent en marge de la religion, mais aussi et surtout par une irréligiosité pratique chez une majorité d'hommes - irréligiosité induites par la vie moderne et l'habitude du travail qui a détruit de génération en génération « l'instinct religieux ».Au siècle du « positivisme » scientifique, de l'industrialisation et des révolutions politiques, la croyance au Dieu chrétien est tombée en discrédit. « Dieu est mort », c'est d'abord un fait, une évidence. Tant que valait le christianisme, l'homme savait pourquoi il était là, il pouvait donner un sens à sa souffrance, combler le vide, « la porte se fermait à un nihilisme suicidaire ». Certes, tout cela s'accompagnait d'un renoncement à la vie, mais ce «nihilisme passif » restait une volonté, car « l'homme préfère le néant à ne rien vouloir ». Dieu mort, la fameuse question de Schopenhauer: « L'existence a-t-elle un sens ? », prend toute sa force. Et il insensé, dans « Le Gai savoir », de s'écrier: «Comment avons-nous pu vider la mer ?


dieu

« croyance en un monde transcendant au nôtre, la fin du dualisme, c'est-à-dire de l'opposition entre l'ici-bas et l'au-delà, entre l'âme et le corps.

C'est donc la fin de toute une culture négatrice, nihiliste, qui dévalons ait ce monde, lecorps, la vie.

C'est la fin de la « moraline » judéo-chrétienne, du ressentiment, de l'esprit de vengeance, de cescontraintes qui écrasaient les hommes.

C'est précisément tout ce qui s'oppose à L'affirmation de la vie et queNietzsche veut détruire qui est en train de perdre son importance, qui a déjà pris fin, d'une certaine ère.

La mort deDieu est bien un affranchissement de l'homme qui était assujetti à un au-delà.

Et le philosophe y voit, non pas uneraison de s'attrister ou de s'assombrir, mais au contraire « un nouveau genre de lumière », « un bonheur », « unsoulagement », « une nouvelle gaieté », « un encouragement ».

C'est ce qu'on découvre au livre cinquième du « Gaisavoir »:« C'est un fait, nous autres philosophes et "esprits libres", à la nouvelle que "le vieux Dieu" est mort, nous noussentons comme touchés par la lumière d'une nouvelle aurore : notre coeur déborde de gratitude, d'étonnement, depressentiment, d'attente - voici l'horizon redevenu libre...

»Mais la mort de Dieu, ce n'est pas seulement la mort du Dieu chrétien et moral, mais de tous les dieux.

Cetévénement est énorme car il ouvre une nouvelle phase de l'histoire de l'homme, celle du « surhonune ».

« Tous lesdieux sont morts: nous voulons à présent que vive le surhomme - que ceci soit au grand midi notre dernière volonté!», s'écrie Zarathoustra.

L'insensé du « Gai savoir », qui, le premier, avait annoncé que Dieu était mort et que nousétions tous ses meurtriers, avait aussi déjà, à sa manière, avancé l'idée du surhomme: « Ce que le monde a possédéjusqu'à présent de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous nos couteaux - qui effacera de nous cesang ? Avec quelles eaux nous purifierons-nous? Quelles expiations, quels jeux sacrés nous faudra-t-il inventer ? Lagrandeur de cette action, n'est-elle pas trop grande pour nous ? Ne sommes-nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux pour paraître dignes de cette action ? » En fait, pour Nietzsche, il n'y eut pas d'action plusgrandiose que l'assassinat de Dieu, et ceux qui naîtront après «appartiendront à cause de cet acte, à une histoireplus élevée que ne le fut jamais toute histoire ! ».

Que signifie « le surhomme», sinon le dépassement de l'hommepar l'homme ? Mais encore ? Une affirmation de « la volonté de puissance », le passage du « tu dois » au «je veux ».L'homme sans Dieu doit se donner à lui-même sa volonté.«Je suis Zarathoustra, l'homme sans Dieu: où trouverais-je mon semblable ? Sont mes semblables tous ceux qui sedonnent eux-mêmes leur volonté et se défont de toute soumission.

»Est-ce que cela signifie, comme certains ont voulu croire, la domination de l'homme par l'homme ? Une apparition durègne des maîtres qui doit balayer la tourbe de l'humanité commune ? Ces interprétations, qui font de la volonté depuissance un appétit de domination, sont aberrantes.

Vouloir la puissance, c'est dire « oui » à la vie.

c'est se vouloirsoi-même plus grand.

Une telle volonté n'est de l'ordre de la possession, de l'avoir, mais de celui de l'être.

Il s'agit dene plus vivre dans la culpabilité, le ressentiment, la haine.

La meilleure image de cette volonté de puissanceaffirmative et créative, c'est Dionysos qui nous l'offre, ce dieu de la spontanéité, de la danse, du délireenthousiaste.

Dionysos, le contraire du Crucifié.La mort de Dieu signifie donc la résurrection de l'homme, d'un homme qui n'est plus responsable que de lui-même, quine se commande que lui-même, d'un homme parvenu à maturité.

Certes un tel homme peut trouver sa libertéextrême et vouloir mourir.

Mais à l'extrême de cette liberté, « la volonté de néant » peut s'inverser en « une volontéde l'éternel retour du même ».

Le passage du « tu dois » au «je veux» peut assurer la renaissance du «je suis ». Que signifie ce thème de l'éternel retour du même, affirmé, avec force, dans Ainsi parlait Zarathoustra et déjàprésent, implicitement, dans « Le Gai savoir » (aphorisme 310: « Volonté et vague ») ? Le dépassement dupessimisme, son inversion en l'homme le plus exubérant, le plus vivant qui soit.

Celui qui acquiesce à ce qui fut et àce qui est, celui qui veut l'avoir de nouveau, comme c'était et comme c'est, à jamais, pour l'éternité, en criantinsatiablement « da capo » :« Ainsi vivent les vagues - ainsi vivons-nous, nous autres êtres voulants! [...

] Dansez à votre gré, bellestumultueuses, hurlez de plaisir et de méchanceté - à nouveau plonge7- au fond du gouffre versez vos émeraudes etjetez par-dessus vos blanches dentelles infinies de mousse et d'écume...

»Ce qui se révèle dans le spectacle du ressac au bord de la mer, dans le flux et le reflux des vagues, pleines de laconvoitise des trésors ensevelis, c'est la nature même du vouloir.

S'il n'y a plus de Dieu, il n'y a plus de but, il n'y aplus à rechercher des prétextes pour justifier la vie.

Etre là pour quoi faire quand il n'y a plus rien à faire et qu'il n'ya plus de but ? Ce qu'il reste, c'est le seul «je veux ».

Et que puis-je vouloir, sinon moi-même dans l'exaltation dumouvement pour le mouvement ? Et l'être qui se veut lui-même est « le plus pieux de tous les impies ».

Il devientZarathoustra-Dionysos, le dieu nouvellement ressuscité, le dieu à la vie légère, qui a accompli l'ultimemétamorphose, celle du « je veux » en « je suis » : « Je suis celui qui suis.

»Nietzsche est autant philosophe que poète.

Il refuse les systèmes philosophiques et aborde les problèmes du plusgrand nombre possible de points de vue.

D'où les interprétations diverses et contradictoires auxquelles a donné lieusa pensée.

Mais si Nietzsche s'est opposé aux doctrines socialistes, car il y voyait l'homme victime d'une nouvelleidéologie, celle du bonheur, sa philosophie n'annonce en rien, comme on a pu lui en faire le procès, le fascisme.

Aucontraire, le fascisme apparaît précisément comme une des figures de ce dernier homme que Nietzsche redoutait.Car si la mort de Dieu appelle la venue du surhomme, la disparition de la crainte de Dieu aboutit, dans un premiertemps, au « dernier des hommes », c'est-à-dire à un homme sans respect: «Si Dieu est mort, tout est permis ».

Unhomme qui ne pose même pas la question du sens de l'existence et qui se complaît dans un bonheur médiocr6: ilorganise son petit chez-soi, son petit travail, avec sa petite santé, sa petite famille et il « cligne de l'oeil », demanière complice, avec l'air de dire : « Je ne suis pas fou, moi », autrement dit, « à moi on ne la fait pas ».

Un telhomme, que rien ne fera sortir de son néant, nous fera sombrer avec lui.

C'est cet homme qui a produit le fascisme. Nietzsche, a-t-on dit, est un destructeur.

Mais que détruit-il, sinon ce que la société bourgeoise avec sa visionpositiviste (seules valent la science des faits, les sciences positives), pragmatique (seuls comptent la rentabilité, leprofit) a déjà détruit ? La mort de Dieu, la destruction de la morale est déjà une réalité.

Reste à Nietzsche à. »

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