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Les discours sont-ils des actes ?

Publié le 26/02/2004

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discours
Dire « Nous sommes prêts à prendre des mesures de rétorsion en utilisant la bombe H » possède une force illocutoire qui confère au discours la force d'une action à proprement parler. En ce sens, le discours n'a pas besoin d'être strictement performatif pour être considéré comme un acte. Ce que nous devons faire, ce n'est donc pas tant rendre le discours indistinct de l'action que reconnaître la force du discours, voire, a contrario, la faiblesse de l'action, et nous préparer à ne plus percevoir les deux comme irréductibles. Un pas a été fait dans ce sens par Paul Ricoeur dans sa « phénoménologie de l'homme capable » (description des capacités de l'homme). Il s'agit, en effet, de passer d'une situation de culpabilité à une position de capacité, notamment par l'émancipation du discours humain. Alors que dans la Bible (Genèse, I :1), Dieu incarne la puissance du Verbe ('Dieu dit : « Que la Lumière soit » et la lumière fut'), l'homme n'est qu'une créature promise à la trahison et à la chute. L'identité du Verbe et de l'Acte divin au commencement réduit l'homme à une parole seconde, qui décrit et loue l'oeuvre de Dieu. Or, penser que le discours humain puisse créer, réaliser des choses, c'est non plus mettre l'accent sur notre culpabilité, mais sur nos capacités. Ricoeur remarque même que les capacités, bien avant d'être des actions effectives, sont d'abord des annonces : je dis mes capacités avant d'être capable, à proprement parler. Or, cette annonce des capacités, qui n'a rien de verbale, mais représente la manière qu'a l'homme d'investir le monde, appelle de nouvelles conditions d'expression.
Notre sujet, dans les termes qu’il emploie, fait référence à la réflexion théorique sur le langage, telle qu’elle a été développée par Austin (Quand dire, c’est faire) et Searle (Les actes de discours), sous le nom de speech acts, en français actes de discours ou acte de langage. En effet, les analyses produites par ces auteurs, qui relèvent du courant analytique anglo-saxon, tendent à minimiser l’irréductible différence que l’on marque traditionnellement entre la parole et l’action. L’idée est donc de ne pas reléguer le discours, comme fait de parole ou d’écriture (parole proférée par un locuteur, discours politique, œuvre de fiction), hors du plan de l’action, c’est-à-dire en lui déniant toute efficace. Cependant, à quelles conditions précises peut-on dire que les discours sont des actes, autrement dit en quel sens présentent-ils les mêmes caractéristiques qu’une action, une motion volontaire de la part d’un agent qui introduit de la nouveauté dans le monde ?

discours

« exemple, dans un cas de dissuasion par l'arme nucléaire, ce qui compte ce n'est pas l'utilisation effective de l'arme,puisqu'elle n'a pas lieu, mais la menace qui accompagne l'annonce de représailles possibles.

Dire « Nous sommesprêts à prendre des mesures de rétorsion en utilisant la bombe H » possède une force illocutoire qui confère audiscours la force d'une action à proprement parler.

En ce sens, le discours n'a pas besoin d'être strictementperformatif pour être considéré comme un acte.

Ce que nous devons faire, ce n'est donc pas tant rendre le discoursindistinct de l'action que reconnaître la force du discours, voire, a contrario , la faiblesse de l'action, et nous préparer à ne plus percevoir les deux comme irréductibles. Un pas a été fait dans ce sens par Paul Ricœur dans sa « phénoménologie de l'homme capable » (description des capacités de l'homme).

Il s'agit, en effet, de passer d'une situation de culpabilité à une position de capacité,notamment par l'émancipation du discours humain.

Alors que dans la Bible ( Genèse , I :1), Dieu incarne la puissance du Verbe (‘Dieu dit : « Que la Lumière soit » et la lumière fut'), l'homme n'est qu'une créature promise à la trahison et à la chute.

L'identité du Verbe et de l'Acte divin au commencement réduit l'homme à une parole seconde, quidécrit et loue l'œuvre de Dieu.

Or, penser que le discours humain puisse créer, réaliser des choses, c'est non plusmettre l'accent sur notre culpabilité, mais sur nos capacités.

Ricœur remarque même que les capacités, bien avantd'être des actions effectives, sont d'abord des annonces : je dis mes capacités avant d'être capable, à proprementparler.

Or, cette annonce des capacités, qui n'a rien de verbale, mais représente la manière qu'a l'homme d'investirle monde, appelle de nouvelles conditions d'expression. Alors que nous avons rencontré des conditions de vérité (constatif) ou de félicité (performatif), nous pourrions désormais parler de conditions de véracité.

Qu'en est-il ? Lorsqu'un homme dit ses capacités, on ne peutni lui opposer la réalité comme critère du vrai (puisque l'homme n'a pas encore agi) ni lui opposer des conditions deréalisation comme critère de performance du discours (puisque l'homme ne commet pas un performatif), mais il estpossible de soupçonner le bien-fondé de son discours.

Si un tel dit « Je peux escalader cette montagne », il estpossible, à partir de ce que l'on connaît de la personne, de douter de la possibilité d'une telle performance ou biende lui donner crédit.

L'idée est ici, selon le critère de véracité, d'atteindre un consensus entre les sujets, d'adopterune vision également acceptable par tous de la situation.

L'homme dont on dira : « Oui, nous croyons que cettemontagne est à sa portée » ne se situe donc pas uniquement dans l'ordre du discours, puisqu'il parle (de) sescapacités qui l'inscrivent dans le monde, ni strictement dans l'ordre de l'action, puisque la montagne n'a pas encoreété gravie.

Ce qui compte, c'est la force illocutoire du discours, les capacités qu'elles annoncent et la redescriptiondu monde qui en découle.

Un monde où l'homme dit ses capacités est en ce sens un nouveau monde ou un mondeoù la nouveauté est susceptible de s'introduire à tout instant. Conclusion : Ainsi, nous avons vu où s'enracinait la dichotomie entre discours et action, c'est-à-dire dans la nature prétendument descriptive du langage.

Or, c'est cette vision du langage que nous avons remise en cause grâce àAustin et sa théorie des performatifs.

Précisions toutefois que Austin lui-même considère que la limite entreconstatifs et performatifs n'est pas toujours également claire.

Quoi qu'il en soit, en certaines conditions, il estpossible de tenir les discours pour des actes.

Allant plus loin, nous avons uniquement considéré la force illocutoiredes discours et reconnu dans quelle mesure elle contribue à faire du langage une manière de s'insérer dans la tramedu monde, notamment grâce à ce que Ricœur appelle une phénoménologie de l'homme capable.

L'objectif n'est doncpas d'annuler la distinction entre discours et acte, mais de la moduler et d'observer la compénétration du discours etde l'action.. »

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