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Le discours rationnel peut-il se passer d'un recours à la persuasion ?

Publié le 30/01/2004

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On attire souvent l'attention sur l'importance des conditionnements de tous ordres que véhicule la vie sociale. Dans le domaine politique, notamment, le recours à la peur et la séduction démagogique sont fréquents. Un langage de rigueur, s'adressant à la capacité de raisonnement et de jugement de chacun, est alors vécu comme une véritable libération. Il faut bien constater, cependant, qu'un tel recours à la seule raison - idéal philosophique par excellence - est trop souvent tenu en échec.  Est-il donc suffisant? Le discours rationnel peut-il se passer d'un recours à la persuasion ?  

Introduction Première partie : analyse du sujet Deuxième partie : le discours rationnel est-il insuffisant? Dans quelles limites, et par rapport à quoi?

Troisième partie : à quel type de persuasion le discours rationnel peut-il recourir sans entrer en contradiction avec ce qui le distingue ? Conclusion (bilan, synthèse, puis ouverture)

 

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« La démarche de réflexion peut donc s'organiser en explicitant deux questions complémentaires de la problématiquementionnée : dans quelles limites le discours rationnel peut-il se suffire à lui-même, et en quoi, par rapport à quelpoint de vue, peut-il paraître insuffisant? À quel type de persuasion le discours rationnel peut-il avoir recours sansentrer en contradiction avec ce qui le distingue? Deuxième partie : le discours rationnel est-il insuffisant? Dans quelles limites, et par rapport à quoi? Si l'on part de l'idée que la fonction première du discours rationnel est d'exprimer le vrai, d'en expliciter toutes lesdéterminations afin d'en ressaisir les rapports et le fonctionnement, la nécessité d'un recours à la persuasion nesemble pas avoir de sens, puisque la question de la communication ne se pose pas encore.

La question de la vérité(ou de la ratio, à la fois mesure, proportion, et raison d'être du réel) est originairement posée dans son autonomiepar rapport aux facteurs psychologiques d'une communication linguistique.

D'ailleurs, de nombreux philosophessoulignent d'emblée la faiblesse et l'imperfection du langage humain, marqué d'affectivité et d'empirisme, reflet plusou moins trompeur d'une condition humaine précaire, prisonnière de la particularité et de la contingence.

Si lediscours rationnel ainsi envisagé peut être perçu comme étrange, voire ésotérique, c'est qu'il se situe en ruptureavec l'univers des représentations quotidiennes, des motivations et des projections anthropomorphiques quitraversent le langage « courant ».Dans un tel discours, l'homme, entendu comme sujet psychologique, ne peut se reconnaître, se «retrouver », àmoins de s'affranchir lui-même des représentations qui lui sont les plus familières, d'effectuer ce que Bachelardappelle une « rupture épistémologique ».

Il apparaît donc que «l'insuffisance» du discours rationnel n'existe qu'enrapport avec une situation de communication concrète, où la question de l'accessibilité d'un tel discours s'inscritdans le cadre de l'expérience immédiate de l'homme, de son vécu quotidien et des données affectives quil'accompagnent.

Si l'on crédite l'homme d'une possibilité de rompre avec ces données, de les dépasser pour accéderà une capacité de réflexion critique autonomisée des faux-semblants de l'expérience première, une autre solution sedégage : ce n'est plus le discours rationnel qui est d'emblée limité par son «intellectualisme» et que devrait hanter lesouci de «persuader », mais l'homme lui-même, qui fait effort pour se libérer du préjugé et des données premièresafin d'accéder à «l'ordre des raisons ».On sait depuis longtemps que le seul énoncé du discours rationnel a toujours eu les plus grandes difficultés à rallierles hommes.

Faut-il pour autant s'en remettre à la force de la volonté, posée et affirmée quels que soient lescontextes et les domaines particuliers où elle peut s'exercer? Le volontarisme, en la matière, semble bien abstrait.En fait, la démarche philosophique assume ce problème, puisqu'elle s'efforce de répondre, avec des variantes dansl'intention et les modalités, à la question suivante comment faire éprouver le rationnel comme un ordre sui generis deréflexion et de discours, à des hommes historiquement déterminés, qu'un univers quasi spontané de représentationsaffectives et de préjugés tenaces conditionne? Une telle question se double aussitôt de sa réciproquecomment prendre en considération les intérêts affectifs et les valorisations premières sans corrompre, ou perdre devue, l'exigence du rationnel? Difficulté de taille, qu'exprime et résoud à sa manière la philosophie de Platon endéfinissant la possibilité d'un cheminement philosophiquela première étape est le travail de problématisation des représentations immédiates, et la dernière cette fameuse«conversion» qui se produit lorsque la totalité de l'ordre rationnel se fait saisir dans la systématicité de sesdéterminations, éclairant «rétrospectivement» l'ensemble de ce qui est.

Entre ces deux extrémités, il y a sans douteplace pour une pédagogie, pour une persuasion normée philosophiquement, c'est-à-dire préservant la prépondérancedu discours rationnel. Troisième partie : à quel type de persuasion le discours rationnel peut-il recourir sans entrer encontradiction avec ce qui le distingue ? Dans toute une série de dialogues de Platon, le souci manifeste de Socrate est de permettre à ses interlocuteursd'éprouver en eux-mêmes et par eux-mêmes la fausseté de tel ou tel point de vue, ou la nécessité de telle ou telledémarche réflexive.

Souci «pédagogique », certes, mais qui n'est pas «ajouté» à l'entreprise philosophique commeun apprêt ou une mise en valeur supplémentaire et extérieure.En fait, la philosophie constitue une véritable intervention critique sur les préjugés et les idées toutes faites, et saraison d'être la constitue d'emblée comme problématisation active des représentations communes, des «opinions»immédiates.

Qu'une telle problématisation ne puisse s'effectuer efficacement par la pure et simple évocation du vrai,c'est ce que confirme périodiquement Socrate lorsqu'il signale les préjugés de ses interlocuteurs et souligne larésistance que rencontre sa démarche (cf.

L'Apologie de Socrate, le Gorgias, et La République, où Socrate oppose«philosophes» et «philodoxes ».)Le discours rationnel ne peut dès lors faire l'économie d'un type particulier de persuasion, de préparation («propédeutique ») destinée à lever les résistances qu'il rencontre.

Ainsi, le dogmatisme et l'assurance de ceux quicroient détenir la vérité, se masquant à eux-mêmes leur ignorance par de faux savoirs, ne peuvent être neutraliséssans une sorte d'épreuve qui doit conduire à la mise en question, à l'ouverture d'esprit.

Gorgias se contredisant lui-même en cherchant à définir la rhétorique : il aboutit à une sorte de silence embarrassé (l'aporia) et en resteconfondu (cf.

la première partie du Gorgias, de Platon).

Un tel embarras fait contraste avec son assurance initiale ;il inaugure en même temps une réceptivité plus grande au discours rationnel.

On remarque que dans un tel cas, letype particulier de persuasion, à finalité critique, que Socrate utilise, reste normé par une exigence rationnelle.

Quela philosophie, dans son souci de rigueur et de rationalité, répugne à utiliser la séduction rhétorique, la flatterie oules sophismes ne lui interdit donc pas de recourir à des techniques concrètes de discussion, voire à des épreuvespermettant à chaque homme de s'approprier l'exigence du rationnel, de la faire sienne.

De même, la sérénité deSocrate en face de la mort ou des calomnies de ses détracteurs, ne prétend pas se substituer à une argumentationrationnelle : elle en accentue la portée en montrant son «efficacité pratique» lorsqu'elle est maîtrisée et intériorisée.. »

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