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dissertation trassard

Publié le 23/12/2015

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Dissertation littérature du 20eme siècle « La précision confine au fantastique parce que vous atteignez ce que le commun des mortels laisse passer ». Jean-Loup Trassard à propos de Dormance, Entretien avec Philippe Savary, Le Matricule des Anges, 2000. Introduction : Tzvétan Todorov définit le fantastique comme quelque chose qui « ne dure que le temps d'une hésitation : hésitation commune au lecteur et au personnage qui doivent décider si ce qu'ils perçoivent relève ou non de la « réalité », telle qu'elle existe pour l'opinion commune. A la fin de l'histoire, le lecteur, sinon le personnage, prend toutefois une décision , il opte pour l'une ou l'autre solution, et par là même sort du fantastique. » dans Introduction à la littérature fantastique. Ici, on a une tension entre la réalité et la fiction comme dans l'Ancolie, recueil de nouvelles de Jean-Loup Trassard. Ainsi, le genre fantastique en France prend son essor des années 1830 jusqu'à la fin du XIXe siècle. Même si Jean-Loup Trassard ne se situe pas à cette époque mais au 20eme siècle, avec l'Ancolie publié en 1974, on retrouve tout de même des traces de fantastique dues à la précision de son écriture malgré le fait qu'il ne soit pas un auteur fantastique mais un écrivain du lieu, d'un micro-territoire. Jean-Loup Trassard se place en opposition avec la vision réaliste des choses propre au XIXe siècle ( réalisme, naturalisme) en affirmant dans un Entretien avec Philippe Savary dans le Matricule des Anges ( 2000) à propos de Dormance : « La précision confine au fantastique parce que vous atteignez ce que le commun des mortels laisse passer ». Cette affirmation de Jean-Loup Trassard montre le rôle de l'observateur, du guetteur de l'écrivain avec une attention extrême aux choses qui permet de découvrir des choses plus précises et plus vastes. La précision est donc proche du fantastique tout autant que du réel. L'écriture de Trassard est par nature claire, détaillée et rigoureuse, nous donnant des informations et des renseignements scientifiques ; par cela il accède à quelque chose que tout humain et lecteur ignorent, qu'ils ne voient pas dans la réalité et que seul Jean-Loup Trassard voit dans son imaginaire. Or, on pourrait penser que la précision est seulement du côté du réel avec des descriptions vraisemblables et rationnelles par rapport à la réalité (du style des naturalistes comme Emile Zola) et va à l'encontre du fantastique qui a une dimension plutôt fictive et irrationnelle. Or, il y a une double dimension de l'écriture de Trassard : le côté réaliste, très documenté et le côté onirique et fantastique. On pourrait donc se demander en quoi les œuvres de Trassard et notamment l'Ancolie relèvent d'une dualité inséparable entre le réel et l'imaginaire, tout en mettant en scène deux formes de précision différentes. Pour répondre à ce problème, nous verrons tout d'abord qu'il y a une dimension fantastique et précise d'écriture et de lecture des travaux de Trassard, puis au contraire une dimension réaliste et précise ; enfin ces deux dimensions sont-elles intrinsèquement séparées, ne peut-on pas les réunir pour former une poétique d'écriture ? I- Tout d'abord, l'écriture et la lecture de Trassard ont une dimension à la fois fantastique et précise, c'est-à-dire qu'on se situe dans l'onirique et le poétique : il s'agit de l'imaginaire de l'écrivain, son intérieur. Car selon Le Trésor de la Langue Française, le fantastique a deux dimensions : il signifie l'imagination, l'invention : « qui donne libre cours à son imagination, se forge des chimères », « dont l'existence est purement imaginaire, constitue une invention » mais aussi le surnaturel : «  Ce qui est surnaturel », « Qui paraît imaginaire, surnaturel », « Dont la réalité, pourtant fondée, dépasse l'imagination par une certaine démesure », « qui met en scène, présente des êtres irréels, , des phénomènes surnaturels ». L'Ancolie et les autres œuvres de Jean-Loup Trassard sont en apparence et à première lecture des nouvelles et récits fantastiques. La nouvelle appartient à la catégorie des formes narratives et plus spécifiquement des formes fictionnelles et brèves. Chaque nouvelle de l'Ancolie est énigmatique ; elles sont des découvertes, des surprises inattendues pour le lecteur. Les récits sont difficiles à pénétrer au premier abord. Même si elles ne font pas parti du genre fantastique, les nouvelles ont les mêmes caractéristiques « l'évocation des thèmes surnaturels » ( Le Trésor de la Langue Française) au sens où l'entend Jean-Pierre Richard dans L'Univers imaginaire de Mallarmé. Ainsi, le fantastique ou genre fantastique a plusieurs caractéristiques fondamentales : il y a des événements totalement étranges, le plus souvent irrationnels ou incompréhensibles, hors d'atteinte de la puissance humaine ou de l'explication rationnelle ( apparition de doubles, fantômes, spectres, revenants, labyrinthes étranges, rêves, réincarnation, événements maléfiques inexpliqués, apparition de démons ou d'anges, objets usuellement inertes mais devenus vivants, etc). On a l'impression d'être dans des romans-fictions ou récits-fictions qui peignent un monde imaginaire rempli de « fantômes » ( page 93, « un miroir des ornières »). Par exemple dans «  Harloup » on a l'omniprésence de loups qui paraissent maléfiques ; plus la nouvelle avance plus les loups envahissent les pages et deviennent surnaturels et dangereux « La menace de sa présence fermait les murs autour d'une lampe, augmentait l'épaisseur des portes prises dans les murs, renforçait les verrous ». Dans « Reconnaissance des dehors et des dedans » la forêt normalement immobile devient vivante, mobile et diverse grâce aux animaux et aux bruits qui y courent mais également par l'écriture  : « Léger mouvement incessant , retenu, des milliards de feuilles » page 55 ; dans cette nouvelle on a toute une isotopie de la mouvance avec des verbes de mouvements ou d'action fréquents comme « Je roule », « je glisse », « je roule », « je me baisse », « je lance », « je m'y enfonce », « traverse », »je vais », « je cours ». On a également des adverbes de lieux très précis et nombreux. Dans les dernières pages de la nouvelle ( page de droite), on a un rythme qui s'accélère ; on le voit grâce aux accumulations. On trouve des accumulations de verbes de mouvement page 55 « je me baisse, me replie, je tombe sur les pentes, à quatre pattes […] » mais aussi des accumulations d'adjectifs page 57 dans la dernière phrase « A ma course bruissantes, silencieuses, bruissantes volent, soulevées, les feuilles mortes mêlées, enroulées, réunies sur le sol, d'un même roux final mais si différemment digitées, toutes ces mains tombées » : on a ici les adjectifs qui entourent le seul verbe de la phrase mis à peu près au milieu, ces adjectifs se rapportent toutes au même substantif « les feuilles » ; cela montre le mouvement de la forêt, les végétaux de la forêt entourent le seul individu humain. De même dans Dormance les protagonistes de la trame narrative Pek, Gaur, Muh, Souaou s'apparentent à la première lecture à des revenants du passé, des ancêtres de Jean-Loup Trassard ou peut-être des doubles comme le suggère Philippe Savary dans l'Entretien pour le Matricule des Anges (2000). De plus, le fantastique mêle le réel et le surnaturel. En effet, le point de départ est réaliste puis interviennent des éléments surnaturels qui ont été annoncé par divers indices. On a ainsi d'un côté la vie ordinaire de personnages ordinaires, puis de l'autre côté on a un élément surnaturel qui vient bouleverser cette vie banale. C'est le cas dans « Les patiences du bord de l'eau » où on passe d'une dimension réaliste au début de la nouvelle à une dimension surnaturelle à la fin. « Depuis quelques années déjà l'on disait qu'il n'y avait plus de saisons. Une fois encore, dès juillet, après un printemps plutôt sec, l'été s'était pourri. » on commence par une portée généralisante, une rumeur du village suivi de sa justification avec des termes campagnards qui font sens à tous paysans ; or au fur et à mesure de la nouvelle le fantastique apparaît avec des traces de surnaturel comme la déliquescence ou la dimension apocalyptique de la nouvelle. Enfin, la fin de la nouvelle est totalement irrationnelle avec la disparition supposée de la jeune fille par l'oiseau «  A part une trace de pied nu qu'ils disaient certaine, ils ne trouvèrent que, pris à la boue, un li...

« puis interviennent des éléments surnaturels qui ont été annoncé par divers indices.

On a ainsi d'un côté la vie ordinaire de personnages ordinaires, puis de l'autre côté on a un élément surnaturel qui vient bouleverser cette vie banale.

C'est le cas dans « Les patiences du bord de l'eau » où on passe d'une dimension réaliste au début de la nouvelle à une dimension surnaturelle à la fin.

« Depuis quelques années déjà l'on disait qu'il n'y avait plus de saisons.

Une fois encore, dès juillet, après un printemps plutôt sec, l'été s'était pourri.

» on commence par une portée généralisante, une rumeur du village suivi de sa justification avec des termes campagnards qui font sens à tous paysans ; or au fur et à mesure de la nouvelle le fantastique apparaît avec des traces de surnaturel comme la déliquescence ou la dimension apocalyptique de la nouvelle.

Enfin, la fin de la nouvelle est totalement irrationnelle avec la disparition supposée de la jeune fille par l'oiseau « A part une trace de pied nu qu'ils disaient certaine, ils ne trouvèrent que, pris à la boue, un livre sans couverture – épais, les pages réunies – qui me fut ensuite apporté.

On a l'impression d'une présence maléfique qui aurait fait disparaître la jeune fille, c'est une allusion à la magie.

Il y a ainsi dans cette nouvelle le passage du concret de la campagne à l'abstrait.

En outre, certains lieux ( paysage lugubre, lieu isolé) et certains moments ( nuit, hiver) sont propices aux manifestations surnaturelles.

Dans « Reconnaissances des dehors et des dedans d'une forêt », la forêt est un lieu de mystère ; c'est un lieu où peut apparaître une sorcière, un hibou ( qui fait peur dans le monde paysan), ours, les loups ; il y a tout ce qui se cache ; c'est un espace où on est pas à l'aise, où il y a un imaginaire antique.

Dans « Canada » le leitmotiv de la neige qui en fait le protagoniste de la nouvelle est lié à l'hiver, on a donc une atmosphère mystérieuse : on ne voit plus le chemin, les lieux habituels sont transformés, les traces de pas disparaissent et on a l'ombre et le silence qui fait peur, propice au suspens dans les films fantastiques.

L'incertitude et le doute sont également au service du fantastique.

Comme le dit J.C Pirotte : « le récit incertain ne raconte pas une histoire, il présente un narrateur qui cherche à raconter une histoire, met en scène sa propre incertitude ».

Dans La Déménagerie on a une hésitation entre une lecture subjuguée par d' « anciennes gravures » et une nature subjugante où un « signe des morts, un principe d'eux émané qui se vêt aux nuances d'automne, tremble dans la campagne ».

Le doute fantastique est récurrent dans les nouvelles de Trassard ; l'importance est accordée aux fins ambiguës : dans la première nouvelle, on ne sait pas si la jeune femme s'est noyée, a été tué par le héron ou est montée avec l'oiseau ; le lecteur doit trouver un sens car le mystère de la disparition de la jeune femme n'est pas résolu, la nouvelle se finit par un blanc. 2) De plus, le fantastique est proche de la poésie : on est ici dans l'imaginaire de Jean-Loup Trassard, le côté onirique du fantastique.

Dans l'Ancolie , le champ lexical de la rêverie est omniprésent : « en rêvant » page 92, « lieux rêvés » page 97.

On a l'impression que certaines nouvelles sont des rêves.

Comme dit Abdelmadjid Kaouah dans La poésie à plusieurs voix : Rencontres avec trente poètes d'aujourd'hui : « Le fantastique est au cœur de la poésie, dans ce sens qu'elle dit les affres, qu'elle émerge toute gluante des profondeurs de l'être.

Aujourd'hui comme hier, nous sommes toujours affolés par ces profondeurs de nous-mêmes, par ces affres.

Toute la complexité de l'âme humaine est là : peur, désir de maîtrise, superstitions, inquiétude, conjurations, essai de rationalité, folie, adoration … L'homme est un être pour le fantastique.

En littérature le fantastique rejoue une scène, remet en scène ce qui échappe à l'homme, ce qu'il n'advient pas à admettre le concernant : qu'il demeure, malgré toutes les avancées de la science et de la technologie, malgré les reculs des premières obscurités, des peurs primales, de toutes les élaborations de sa pensée et de ses projets, un être archaïque, puéril, pulsionnel, voué à la mort.

Misérable.

Le fantastique exprime la dualité humaine, ses déchirements, le non-sens apparent du monde ; il témoigne de l'existence de l'inconscient.

Ma poésie tente de ramener tout cela à la surface, pétrit cette matière : la sexualité, les pulsions, les rêves, les peurs, la monstruosité, l'animalité.

...

».

Comme tous les poètes romantiques, Trassard utilise l'écriture pour exprimer la vie, le monde, la condition de l'homme et de l'écrivain : en somme toutes les choses qui l'entourent.

Ici, la précision se trouve dans l'intérieur de Jean-Loup Trassard.

Il nous montre que « la littérature c'est la vie » comme nous le dit Proust, et même la liberté.

Pour lui, écrire c'est se libérer, et un « moyen pour [lui] dans la rêverie et l'écriture de fuir la condition humaine, ses interrogations, sa douleur, l'écoulement dramatique du temps » ( Entretien avec Arlette Bouloumié dans L'écriture du bocage ) et même peut-être oublier ou faire son deuil ( notamment la mort de sa mère qu'il a perdu à 11 ans : « l'eau nous rend notre mère » Bachelard dans L'eau et les rêves ).

L'Ancolie apparaît donc comme une « quête intime du sens et des signes » d'après la quatrième de couverture.

Ainsi, l'imaginaire de Jean-Loup Trassard est très précis : il s'agit de l'imaginaire rural de la Mayenne, et plus précisément de sa maison natale, son micro-territoire.

Il utilise cet espace comme arrière-plan et tisse une trame narrative et un style poétique autour, comme c'est le cas dans « Canada » où Trassard se rêve en voyageur et met en scène un paysan dans son territoire qui rêve d'être un trappeur.

Dans cette nouvelle, Trassard joue avec les attentes du lecteur pour l'amener dans son imaginaire : il décrit le paysage mayennais avec une telle précision qu'on croirait être au Canada : « Il était bien vivant, nomade emportant son feu, mais ceux de la civilisation n'en pourraient recevoir aucune nouvelle, on attend que fonde la neige sans doute pour voir resurgir les trappeurs », ici on a l'impression d'avoir sous nos yeux un chasseur, le vocabulaire rural canadien est dominant « nomade », « feu », « trappeurs », « neige » , celui-ci se confond avec le vocabulaire rural mayennais dans le reste de la nouvelle.

Ceci montre une envie d'ailleurs, de voyage, de sauvage.

Il en va de même de l'oeuvre Eschyle en Mayenne qui est une relecture du théâtre d'Eschyle en Mayenne et non en Grèce, on peut voir la sensation du sable qui donne l'impression d'être transporté en Grèce.

On a alors le rassemblement de deux mondes géographiques réels et de l'imaginaire.

Deux autres imaginaires de Trassard sont nettement exploités dans les nouvelles : celui du végétal et celui de l'eau. 3) Puis, la précision est au service du fantastique chez Trassard.

Ici la précision est dans l'écriture poétique.

Ainsi, l'écriture de l'Ancolie est un univers fantastique à la poétique très marquée où les personnages sont en quête d'une fusion avec le règne animal ou végétal.

Les métamorphoses ou transformations chères à l'univers fantastique et surnaturel sont récurrentes dans l'imaginaire de Jean-Loup Trassard.

C'est la « materia mater » ( Jean-Pierre Richard) qui est un désir de fusion avec toutes les formes de la matière.

Chaque nouvelle ou presque comprend des éléments métamorphosés : on a la présence de la sève qui est le fruit d'une métamorphose dans « Reconnaissance des dehors et des dedans d'une forêt », on passe du jour en demi-nuit ; « la neige » page 140 est la fusion d'eau et de glace, « la boue » celle de la terre et de. »

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