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Douter, est-ce se détourner de la vérité ?

Publié le 02/02/2004

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Le sceptique n'est pas, comme on le pense parfois, celui qui refuse la vérité ou qui dit qu'il n'y a pas de vérité. Une telle affirmation serait d'ailleurs encore une position dogmatique (une certitude). Au contraire, le sceptique pense ou croit qu'il y a bien une vérité (il la cherche), mais que nous ne sommes jamais certains de l'avoir atteinte. Ce qui importe pour le sceptique, c'est donc de poursuivre indéfiniment la recherche de la vérité. Le mot sceptique vient du grec skeptesthai qui signifie : rechercher, examiner. Il n'est donc pas d'abord celui qui doute, il est d'abord celui qui est en recherche de la vérité. Mais pour poursuivre cette recherche de la vérité aussi loin que possible, pour ne jamais s'arrêter à une idée qui ne serait pas encore la vérité, le sceptique emploie un moyen qui lui est propre : le doute. Le sceptique met en oeuvre le doute pour poursuivre indéfiniment la recherche de la vérité. Il ne doute pas pour douter, mais pour poursuivre cette recherche. La suspension du jugement Qu'est-ce que douter, pour un sceptique ?

« sceptique qui doute ne dit pas d'une idée qu'elle est vraie.

Mais il ne dit pas non plus qu'elle est fausse.

Il se retientsimplement d'affirmer ou de nier.

Comme disent les sceptiques, douter, c'est suspendre son jugement .

Ils nomment épochè cette suspension du jugement. L'équilibre des raisons Mais il arrive qu'il soit difficile de douter.

Comment douter de ce que je vois à l'instant ou de ce que j'ai toujourstenu pour vrai ? Le doute est troublant et les certitudes réconfortantes.

Douter est donc parfois quelque chose dedifficile.

Pour nous aider, les sceptiques nous indiquent une méthode très concrète : à tout argument opposer un argument égal .

Ainsi, il se peut que cette tour ronde que je vois au loin m'apparaisse carrée lorsque je m'approcherai d'elle.

Il se peut que ce que la science d'aujourd'hui tient pour vrai soit considéré comme faux par lascience de demain.

Procéder de la sorte c'est créer l'équilibre des raisons , en se donnant autant de raisons de croire une chose que de raisons de croire son contraire.

Les sceptiques appellent isosthénie cet état d'équilibre. La conversion à la vérité Les sceptiques cherchent ainsi à développer une pensée toujours en mouvement, capable de changer sans cesse deposition.

Au contraire, la pensée figée et incapable de changer est la caractéristique du dogmatisme.

Le doutesceptique en sera le remède.

C'est le moyen par lequel nous prenons conscience que nous ne connaissons pasencore la vérité et qu'il nous faut la chercher.

C'est le premier moment de la recherche de la vérité ; le doute estune conversion à la vérité . Débat et enjeu Un remède périlleux C'est précisément parce que le doute apparaît être le meilleur remède pour nous libérer de nos préjugés queDescartes commence sa recherche de la vérité de manière sceptique, par le doute.

Il y a toutefois de grandesdifférences entre le doute des sceptiques et le doute cartésien.

Descartes remarque d'abord que le doute est certesun remède efficace, mais qu'il n'est pas bon pour tous les hommes.

Pour certaines personnes, le doute peut avoirdes conséquences néfastes.

Ainsi d'une part, certains esprits qui commencent à douter d'une idée ont parfoistendance à se précipiter dans l'opinion contraire, et la tiennent pour vraie sans plus d'examen.

Ils passent de laprévention (le fait d'avoir des préjugés) à la précipitation .

D'autre part, d'autres esprits peu assurés se perdent dans un océan d'incertitudes qui les amènent à douter même de l'idée de vérité et à mépriser la philosophie .

Pour tous ces esprits, il faudra, dit Descartes, « se contenter de suivre les opinions des autres ». Le faux comme voie d'accès au vrai Par ailleurs, lorsque Descartes doute, il ne cherche pas à suspendre son jugement, comme pouvaient le faire lessceptiques.

Pour Descartes, douter, c'est tenir pour faux : « Il fallait que je rejetasse comme absolument faux, toutce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute.

» Descartes confond volontairement le douteux et le faux et décidede tenir pour faux tout ce qui n'est que douteux ou seulement vraisemblable.

Le doute cartésien est ainsi comme undogmatisme à l'envers .

Un lecteur sceptique de Descartes, Gassendi, ne manquera pas de lui faire remarquer qu'il s'agit là d'une faute logique.

Descartes répond à Gassendi qu'un philosophe n'aurait pas dit cela : il ne suffit pas dedire qu'il faut se libérer des préjugés, il faut encore se donner des moyens concrets et efficaces de le faire.

L'idéede Descartes est que parfois, pour se libérer de certains préjugés profondément enracinés en nous, il faut leuropposer un autre préjugé, de même que pour redresser un bâton tordu, il faut aussi le tordre, mais en sens inverse.Le doute est alors au service du dogmatisme : il permet, selon Descartes, d'atteindre l' indubitable qui lui résiste, c'est-à-dire le certain . « Douter, c'est examiner, c'est démonter et remonter les idées comme des rouages, sans prévention et sansprécipitation, contre la puissance de croire qui est formidable en chacun de nous.

» Alain, Propos du 8 juin 1912. Socrate: « Je suis plus sage que cet homme-là.

Il se peut qu'aucun de nous deux ne sache rien de beau ni debon; mais lui croit savoir quelque chose, alors qu'il ne sait rien, tandis que moi, si je ne sais pas, je ne crois pas nonplus savoir.

» Platon, Apologie de Socrate, ive s.

av.

J.-C.. »

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