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Publié le 14/01/2013

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Thèse de Doctora t/ novemb re 2011 Université Panthéon-Assas école doctorale de Droit privé Thèse de doctorat en droit privé spécialité droit pénal (arrêté du 25 avril 2002) soutenue le 16 novembre 2011 Poursuites et sanctions en droit pénal douanier Auteur : Rozenn CREN Sous la direction du Professeur Jacques-Henri ROBERT Rapporteur : Professeur Claude J. BERR Membres du jury : Professeur Bernard BOULOC, Professeure Haritini MATSOPOULOU, M. Gérard SCHOËN, Sous-directeur en charge des affaires juridiques à la Direction générale des douanes CREN Rozenn Thèse de doctorat novembre 2011 Avertissement La Faculté n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. -2- CREN Rozenn Thèse de doctorat novembre 2011 Remerciements Je souhaite exprimer mes remerciements à Monsieur le Professeur Jacques-Henri Robert, Directeur de thèse, pour son aide à l'élaboration de cette thèse, sa patience et sa disponibilité, à Monsieur Pierre Magniet, Directeur interrégional, chef de la Direction nationale du recrutement et de la formation professionnelle, pour son soutien et son intérêt pour mon travail. -3- CREN Rozenn Thèse de doctorat novembre 2011 Résumé : Cette thèse est consacrée à l'étude des mécanismes de poursuites et de sanctions en droit pénal douanier afin d'en discerner les particularités et d'en comprendre les enjeux. Il s'agit de percevoir si ce droit demeure fondamentalement isolé au sein de la procédure pénale ou s'il tend à se normaliser. Dans une moindre mesure, il s'agit également de le resituer au sein des contentieux fiscaux que le législateur ne cesse de faire évoluer. La répression des infractions douanières est marquée par un fort particularisme, qui s'explique par l'histoire mais surtout par la spécificité de cette délinquance menaçant les intérêts financiers de l'État et de l'Union européenne et difficile à saisir en raison des moyens frauduleux utilisés. Elle a nécessité un renforcement considérable des pouvoirs de l'administration, tant au niveau de la recherche de l'infraction douanière, que de sa poursuite et de sa sanction. Aujourd'hui, le droit douanier est contraint d'évoluer dans un double mouvement : il doit répondre de ses différences avec la procédure pénale et de son caractère singulier au regard de la procédure fiscale. Il ne peut plus être exclusif des autres droits. La matière douanière se judiciarise et se constitutionnalise considérablement. Les deux juridictions européenne et nationale jouent chacune un rôle capital dans la mise en conformité du droit douanier. Les prérogatives particulières accordées à la douane sont en déclin. Pour autant, elles restent présentes dans les domaines où la marque de l'histoire est la plus prégnante. Le droit pénal douanier demeure original dans ses pouvoirs de constatation, singulier dans ses mécanismes de poursuites et dérogatoire dans ses sanctions. Descripteurs : Douane-Droit douanier-Droit pénal douanier Douane judiciaire - Poursuites douanières Transaction douanière - Sanctions douanières -4- CREN Rozenn Thèse de doctorat novembre 2011 Title and Abstract : Proceedings and Penalties of customs criminal law This thesis is devoted to the study of the prosecution and punishment mechanisms in criminal customs law, in order both to identify the derogatory nature of the criminal and enforcement law, and to understand the subsequent issues. The issue is also to determine if this law remains fundamentally apart from criminal procedure or if it tends to return to normal. To a lesser extent, it is also to put customs law into context of tax litigation, which constantly benefited from legislative developments in recent years. The repression of customs offences is thus characterized by a strong particularism which may be explained by History, but mainly by the specificity of this delinquency that threatens the financial interests of the State and of the European Union and that is also difficult to grasp regarding the diversity of the fraudulent means implemented. It required a considerable strengthening of the powers of the administration, relating to the research of customs offences, and to the subsequent proceedings and penalties. Nowadays, customs law has to evoluate according to a double trend. Its differences with criminal procedure, like its specific character regarding tax procedure, have to be justified. Customs law cannot be anymore exclusive of other laws. The customs criminal matter is subjected to a strong movement of judicialization and constitutionalism. Both Courts, the national one and the European one, play a decisive role in the compliance of customs law. The specific powers granted to customs are declining. However, they are still implemented in the areas marked by History. Criminal customs law remains original in its derogatory penalties, but also in its finding powers which are singular in their mechanisms of prosecution. Keywords : Customs - customs law - customs criminal law Judicial custums - customs proceedings Customs transaction - customs penalties -5- CREN Rozenn Thèse de doctorat novembre 2011 TABLE DES Matières INTRODUCTION ................................................................................................................. 1 PARTIE 1 : LA RECHERCHE ET LA CONSTATATION DE L'INFRACTION EN DROIT PENAL DOUANIER ............................................................................................. 24 TITRE 1 : LES POUVOIRS DE RECHERCHE ET DE CONSTATATION SELON LE DROIT PENAL DOUANIER.............................................................................................. 26 Chapitre 1 : La recherche de l'infraction douanière ............................................................. 30 Section 1 : Les pouvoirs généraux de contrôle des agents des douanes. ..................... 31 §1. Le contrôle des marchandises présentées pour dédouanement.......................... 31 §2. Un pouvoir général de contrôle des marchandises, des moyens de transport et des personnes. .......................................................................................................... 32 A. L'objet du droit de contrôle général ................................................................ 33 1. Le droit de visite des moyens de transport. .............................................. 37 2. Le droit de visite des marchandises............................................................... 39 3. Le droit de visite des personnes .................................................................... 40 B. Un contenu limité par la jurisprudence ........................................................... 43 § 3. Le droit d'appréhender les marchandises .......................................................... 45 A. Les droits de saisie et de rétention des marchandises ..................................... 46 1. Les droits de saisie des marchandises ........................................................... 46 2 . Le droit de rétention des marchandises ........................................................ 46 B. Les pouvoirs de contrôle des marchandises sensibles..................................... 47 1. La notion de marchandises sensibles. ........................................................... 48 2. Le contrôle des marchandises sensibles dans les relations intracommunautaires. ........................................................................................ 50 Section 2 : Les pouvoirs d'investigations des agents des douanes dans les lieux privés ..................................................................................................................................... 54 §1. Le droit de demander communication des documents professionnels .............. 56 A. Les lieux d'exercice du droit de communication............................................. 57 B. La notion de documents communicables ........................................................ 58 C. La remise volontaire des documents ............................................................... 60 §2. L'accès aux locaux professionnels ..................................................................... 63 §3. Le droit de visite domiciliaire............................................................................ 71 A. Les conditions du déroulement de la visite domiciliaire ................................ 73 B. La garantie de l'intervention de l'autorité judiciaire........................................ 77 Section 3 : Les opérations de surveillance et d'infiltration .......................................... 90 §1. Les atteintes au secret des correspondances ...................................................... 90 A. Le contrôle douanier des envois postaux ........................................................ 91 B. Les interceptions de communication douanières ........................................... 92 §2. Les livraisons surveillées ................................................................................... 95 A. La surveillance ou livraison surveillée passive.............................................. 96 B. L'infiltration ou livraison surveillée active ..................................................... 99 1. Les conditions nécessaires à l'autorisation d'accomplir des actes pénalement répréhensibles .............................................................................. 100 2. La protection des agents infiltrés. ............................................................... 103 3. L'entraide judiciaire en matière d'infiltration............................................. 104 Section 3 : Les pouvoirs de contrainte sur les personnes .......................................... 104 §1. La privation de liberté lors de l'enquête douanière : la retenue douanière ...... 105 A. L'évolution du régime juridique de la retenue douanière.............................. 105 B. Le régime de la retenue douanière ................................................................ 107 1. L'information du droit de garder le silence ................................................. 115 2. L'information d'un proche de la mesure de retenue douanière.................... 116 -6- CREN Rozenn Thèse de doctorat novembre 2011 3. Le droit à un examen médical ..................................................................... 117 4. Le droit à l'assistance d'un avocat ............................................................... 118 §2. Les autres mesures douanières de privation de liberté. ................................... 123 A. « Le maintien à disposition des personnes « dans le cadre du droit de contrôle général................................................................................................................ 123 B. La recherche des stupéfiants ingérés............................................................. 125 C. Le contrôle des personnes dans le cadre des accords de Schengen .............. 129 Chapitre 2 : La constatation par les procès-verbaux des actes d'enquête et des infractions selon le droit pénal douanier ............................................................................ 136 Section 1 : Des moyens de preuve propres au droit pénal douanier .......................... 136 §1. Les différents procès-verbaux douaniers ......................................................... 137 A. Le procès-verbal de saisie............................................................................. 137 B. Le procès-verbal de constat........................................................................... 139 Section 2 : La force probante particulière des moyens de preuve douaniers............. 142 Section 3 : Le contrôle par le juge des moyens de preuve douaniers ........................ 145 §1. L'appréciation de la loyauté dans la recherche de la preuve douanière. .......... 145 §2. L'appréciation du respect du contradictoire dans la recherche de la preuve douanière................................................................................................................ 147 §3. L'appréciation de la régularité des actes de procédure douaniers.................... 147 A. La nullité des actes de procédure douaniers ................................................. 148 B. La portée de l'annulation d'un procès-verbal douanier.................................. 151 TITRE 2 : LA RECHERCHE ET LA CONSTATATION DE L'INFRACTION EN APPLICATION DES POUVOIRS JUDICIAIRES DÉVOLUS AUX AGENTS DES DOUANES ........................................................................................................................ 155 Chapitre 1 : Les conditions d'exercice de missions de police judiciaire par les agents des douanes............................................................................................................................... 159 Section 1 : L'attribution de la qualité d'agent des douanes chargé de missions de police judiciaire.......................................................................................................... 159 §1. Les conditions d'attribution de la qualité d'agent des douanes chargé de missions de police judiciaire.................................................................................. 159 A. Première condition : justifier d'au moins deux ans de services effectifs en qualité de titulaire. ............................................................................................. 159 B. Deuxième condition : avoir satisfait aux épreuves d'un examen technique. 160 C. Troisième condition : recevoir l'avis conforme d'une commission.............. 160 §2. L'habilitation des agents des douanes chargés de missions de police judiciaire ............................................................................................................................... 161 Section 2. Le contrôle exerce sur l'activité des agents de douane judiciaire............. 162 §1. La direction administrative des agents des douane judiciaire par un magistrat de l'ordre judiciaire. ................................................................................................... 162 §2. La surveillance du Procureur général près la Cour d'appel de Paris................ 163 §3. Le contrôle de la chambre de l'instruction ...................................................... 165 Chapitre 2 : Les pouvoirs des agents de douane judiciaire. .............................................. 166 Section 1. Des pouvoirs judiciaires étendus. ............................................................. 166 §1. Une compétence d'attribution .......................................................................... 166 A. Un domaine d'intervention strictement défini .............................................. 167 B. Une vaste extension de ce domaine d'intervention par la notion de connexité. ........................................................................................................................... 168 C. Une compétence parfois partagée ................................................................. 170 §2. Des pouvoirs de police judiciaire..................................................................... 171 A. Une compétence nationale ............................................................................ 171 B. Des pouvoirs identiques à ceux des officiers de police judiciaire ................ 171 Section 2. Des pouvoirs strictement encadrés. .......................................................... 174 -7- CREN Rozenn Thèse de doctorat novembre 2011 §1. Des pouvoirs exercés exclusivement sur délégation........................................ 175 A. Les enquêtes effectuées sur réquisitions du Procureur de la République ..... 175 B. Les enquêtes effectuées sur commission rogatoire du juge d'instruction..... 176 §2. L'interdiction du cumul des pouvoirs douaniers et judiciaires........................ 176 §3. Douane judiciaire et exercice de l'action fiscale.............................................. 178 PARTIE 2 : LA CONDUITE DE L'ACTION EN DROIT PÉNAL DOUANIER............ 183 TITRE 1 : LES CONDITIONS D'EXERCICE DES POURSUITES EN DROIT PENAL DOUANIER....................................................................................................................... 184 Chapitre 1 : La répartition des compétences juridictionnelles en matière douanière ........ 188 Section 1 : La compétence des juridictions administratives ...................................... 189 Section 2. La compétence des juridictions judiciaires............................................... 191 Section 2 : La compétence des juridictions pénales et civiles en matière douanière. 192 §1. La compétence des juridictions pénales en matière douanière ....................... 193 A. La compétence matérielle des juridictions pénales....................................... 193 B. La compétence territoriale des juridictions pénales ...................................... 194 1. Les règles de compétence territoriale de droit commun. ............................ 194 2.Les critères de compétence territoriale particuliers prévus par le Code des douanes............................................................................................................ 195 3. Incidence sur la matière douanière de la compétence des juridictions spécialisées en matière économique et financière........................................... 196 §2. La compétence des juridictions civiles en matière douanière : le contentieux du recouvrement ......................................................................................................... 200 A. La compétence matérielle des juridictions civiles ........................................ 200 1. La contestation d'un avis de mise en recouvrement .................................... 200 2. La sanction des infractions sans gravité : la requête aux fins de confiscation ..................................................................................................... 201 3. Le contentieux civil par nature.................................................................... 201 B. La compétence territoriale des juridictions civiles........................................ 203 § 3 : La compétence des juridictions de degrés supérieurs en matière douanière . 204 Chapitre 2 : L'exercice des poursuites en droit pénal douanier.......................................... 206 Section 1 : Coexistence et indépendance des actions fiscale et publique. ................. 206 §1. Nature de l'action douanière ............................................................................ 207 §2. Indépendance de l'action publique et de l'action fiscale .................................. 208 Section 2 : L'exercice des poursuites douanières devant les juridictions répressives. ................................................................................................................................... 210 §1. L'exercice de l'action fiscale à titre principal par la douane ............................ 210 A. Les autorités chargées d'exercer l'action fiscale au nom de l'administration des douanes. ............................................................................................................. 211 B. La mise en mouvement de l'action fiscale par l'administration des douanes 213 1. La remise à parquet de l'auteur d'une infraction douanière flagrante.......... 213 2. La conduite de l'action douanière par citation directe................................. 213 3. La conduite de l'action douanière par l'acte introductif d'instance fiscale. . 215 C. Les modalités d'exercice de l'action fiscale par l'administration des douanes ........................................................................................................................... 216 1. L'exercice de l'action fiscale devant la juridiction d'instruction.................. 216 2. L'exercice de l'action fiscale devant les juridictions de jugement............... 219 §2. L'exercice de l'action fiscale à titre accessoire par le ministère public............ 222 §3. L'exercice à titre principal de l'action fiscale confié au ministère public ........ 224 Section 3 : L'exercice des voies de recours en droit pénal douanier.......................... 225 1. La contestation de l'instruction en matière douanière........................................ 225 §2. La contestation du jugement en matière douanière ......................................... 229 A. Le droit d'appel du ministère public.............................................................. 230 -8- CREN Rozenn Thèse de doctorat novembre 2011 B. Le droit d'appel de la douane ........................................................................ 233 §3. Le pourvoi en cassation en matière douanière................................................. 236 Chapitre 3 : Les obstacles aux poursuites en droit pénal douanier ................................... 238 Section 1: Les obstacles aux poursuites de droit commun ........................................ 238 §1. La prescription de l'action en répression des infractions douanières............... 239 A. Le délai de prescription de l'action en répression des infractions douanières ........................................................................................................................... 239 B. L'interruption du délai de prescription de l'action en répression des infractions douanières .......................................................................................................... 240 C. La suspension du délai de prescription de l'action en répression des infractions douanières .......................................................................................................... 241 §2 : Les autres causes d'extinction communes à l'action fiscale et à l'action de droit commun ................................................................................................................. 243 A. Le décès de l'auteur de l'infraction douanière ............................................... 243 B. L'amnistie de l'auteur de l'infraction douanière............................................. 244 C. L'abrogation de la loi douanière.................................................................... 245 D. L'autorité de la chose jugée........................................................................... 247 Section 2 : Les obstacles aux poursuites particuliers du droit pénal douanier .......... 248 §1. La transaction................................................................................................... 249 §2. L'acquiescement............................................................................................... 250 TITRE 2 : LE RÈGLEMENT AMIABLE DU LITIGE : LA TRANSACTION DOUANIÈRE .................................................................................................................... 252 Chapitre 1 : Le cadre juridique de la transaction douanière............................................... 254 Section 1 : Définition de la transaction douanière..................................................... 254 §1. La nature juridique de la transaction douanière............................................... 255 §2. Le contenu de la transaction douanière............................................................ 258 Section 2 : Les modalités de conclusion de la transaction douanière ........................ 260 §1. Les parties à la transaction douanière .............................................................. 260 A. Les autorités douanières compétentes pour la conclusion de la transaction . 260 1. Les agents habilités à faire souscrire des actes transactionnels à caractère provisoire......................................................................................................... 261 2. Les agents habilités à faire souscrire des actes transactionnels à caractère définitif ............................................................................................................ 261 3. La compétence consultative du comité du contentieux fiscal, douanier et des changes...................................................................................................... 262 B. Les bénéficiaires de la transaction douanière................................................ 264 §2. Le rôle de l'autorité judiciaire dans la conclusion de la transaction douanière 265 A. La conclusion d'une transaction douanière en l'absence de poursuites judiciaires : un pouvoir discrétionnaire ............................................................. 265 B. La conclusion d'une transaction douanière après le déclenchement de poursuites judiciaires : une compétence liée...................................................... 265 1. La conclusion d'une transaction douanière lors des poursuites judiciaires . 266 Chapitre 2 : L'exécution de la transaction douanière ......................................................... 269 Section 1 : Les effets de la transaction douanière...................................................... 269 §1. Les effets de la transaction douanière à l'égard de l'autorité judiciaire ........... 269 §. 2. Les effets de la transaction douanière à l'égard des parties. .......................... 270 § 3. Les effets de la transaction douanière à l'égard des tiers. ............................... 272 Section 2 : La remise en cause des actes transactionnels .......................................... 273 §1. La révision des actes transactionnels ............................................................... 273 §2. La résolution pour inexécution des actes transactionnels................................ 274 §3. L'annulation des actes transactionnels ............................................................. 274 Partie 3 : La sanction des infractions en droit pénal douanier ........................................... 277 -9- CREN Rozenn Thèse de doctorat novembre 2011 Chapitre 1 : La nature des sanctions douanières ................................................................ 278 Section 1 : Les sanctions patrimoniales de nature fiscale.......................................... 279 §1. L'amende douanière ......................................................................................... 279 A. La nature et le régime juridique de l'amende douanière ............................... 279 B. L'assiette de l'amende douanière ................................................................... 281 §2. La confiscation douanière................................................................................ 284 A. La nature de la confiscation douanière ......................................................... 284 B. L'objet de la confiscation douanière.............................................................. 286 1.La confiscation de l'objet de fraude.............................................................. 286 2. La confiscation des moyens de transport .................................................... 287 3. La confiscation des objets servant à masquer la fraude .............................. 289 4. La confiscation des avoirs ........................................................................... 290 C. Les effets de la confiscation douanière ......................................................... 293 Section 2 : Les sanctions de nature pénale touchant à la personne............................ 294 §1. L'emprisonnement en droit pénal douanier...................................................... 295 §2. Les peines privatives de droits en droit pénal douanier................................... 296 A. Les peines privatives de droits judiciaires .................................................... 296 B. Les mesures privatives de droits administratives.......................................... 297 Chapitre 2 : L'appréciation par le juge répressif de la sanction douanière ........................ 299 Section 1 : L'atténuation des sanctions douanières.................................................... 299 §1. L'affirmation progressive du pouvoir modérateur du juge répressif dans le prononcé de la sanction douanière......................................................................... 299 §2. Les limites du pouvoir modérateur du juge répressif dans le prononcé de la sanction douanière ................................................................................................. 301 Section 2 : L'aggravation de la sanction douanière.................................................... 306 §1. Les circonstances aggravantes en droit pénal douanier ................................... 307 A. La récidive .................................................................................................... 307 B. Les autres circonstances aggravantes............................................................ 309 §2. Le cumul des sanctions douanières.................................................................. 310 Chapitre 3 : L'exécution des sanctions douanières............................................................. 313 Section 1 : Les privilèges de l'administration des douanes........................................ 313 §1. Les privilèges de l'administration des douanes avant jugement : la solidarité en matière douanière................................................................................................... 313 §2. Les privilèges et sûretés de l'administration des Douanes après jugement...... 315 Section 2 : Le contentieux civil du recouvrement de la sanction douanière.............. 318 §1. L'avis à tiers détenteur ..................................................................................... 319 §2. L'avis de mise en recouvrement....................................................................... 320 A. La nature de l'avis de mise en recouvrement ................................................ 320 B. Le contentieux de l'avis de mise en recouvrement........................................ 321 Section 3 : Le contentieux pénal du recouvrement de la sanction douanière. ........... 324 §1. La nature juridique de la contrainte judiciaire ................................................. 326 §2. Le domaine de la contrainte judiciaire............................................................. 331 §3. Le régime juridique de la contrainte judiciaire ................................................ 333 CONCLUSION.................................................................................................................. 340 - 10 - INTRODUCTION 1. La douane constitue sans conteste une administration au caractère régalien très affirmé, dotée de moyens d'action particuliers sur le plan juridique, notamment par l'étendue des pouvoirs de contrainte dont elle dispose et des sanctions prononcées à l'encontre des fraudeurs, au coeur d'un arsenal légal répressif spécifique et particulièrement efficace. La mise en place du marché unique le 1er janvier 1993, qui a concrétisé la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes par l'abandon de toutes formalités douanières à l'intérieur d'une zone formée par les États membres de la Communauté européenne a bouleversé les missions traditionnelles de l'administration des douanes. Elle a dû s'adapter à ce nouveau cadre d'intervention. 2. L'administration des douanes remplit tout d'abord une mission fiscale puisqu'elle perçoit, pour le compte de l'Union européenne, sur les produits importés des pays tiers, les droits de douane fixés par le tarif douanier commun ainsi que les droits antidumping. Pour le compte des recettes nationales, la douane est chargée de la perception de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, des taxes spéciales sur les moyens de transport (taxes à l'essieu, droit annuel de navigation sur les navires, taxes sur certains aéronefs). En 1993, a été confié à la douane le secteur des contributions indirectes : taxes sur la viticulture, les alcools, les tabacs, les céréales, les spectacles, les appareils de jeux automatiques, la garantie des métaux précieux par la perception des droits de circulation, de consommation.... La douane a ensuite un rôle économique puisqu'elle oeuvre afin d'assurer le respect des accords commerciaux conclus par l'Union européenne avec les pays tiers, c'est-à-dire les règles de contingentement de certains produits, le contrôle des marchandises soumises à des restrictions de circulation, en raison de leur nature particulière (armement, biens culturels, médicaments...). A l'échelle de l'Union, elle a, par ailleurs, conservé un droit de regard sur la TVA intracommunautaire puisqu'elle est également chargée de contrôler les manquements aux déclarations des acquisitions et des livraisons intracommunautaires, déclarations établies pour réunir des informations sur les échanges intracommunautaires tant à but statistique, qu'aux fins 1 d'orientation du contrôle fiscal. Les douanes jouent également un rôle non négligeable dans l'application de la politique agricole commune, notamment par le contrôle des bénéficiaires des aides du fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), la surveillance des procédures d'aide aux retraits agricoles. Au titre des missions économiques, on compte également la lutte contre la contrefaçon, extrêmement pénalisante pour l'économie nationale. Enfin, est particulièrement dévolue à la douane une mission de lutte contre la fraude, en matière de stupéfiants, de cigarettes, d'armes... mais également de lutte contre le blanchiment, notamment par le contrôle des mouvements de capitaux en provenance ou à destination de l'étranger. Cette mission de lutte anti-fraude comprend également les missions de protection : protection de l'environnement notamment, la douane a en charge l'application des conventions de protection de certaines espèces de la faune et de la flore 1 ou sur la circulation des déchets. Protection du consommateur, puisque la douane collabore aux contrôles sanitaires des services vétérinaires, et contrôle le respect de normes techniques de sécurité. Cette administration assure également la sûreté des ports, aéroports et gares... . Des missions extrêmement variées, certaines traditionnelles, d'autres plus nouvelles mais qui toutes nécessitent l'application d'une réglementation dense et très technique, qu'il s'agisse de la réglementation douanière issue du code des douanes ou de textes particuliers émanant de ministères ou d'organismes spécialisés et qu'il revient à la douane de faire appliquer en mettant en oeuvre autant de pouvoirs distincts. Si le coeur des missions douanières demeure la perception des droits et taxes au profit du Trésor public et le contrôle des personnes et des marchandises en vue d'écarter celles qui sont frauduleuses ou dangereuses, la finalité et les moyens d'exercice de ces missions ont subi de profondes mutations. La volonté politique de doter l'administration des douanes de moyens d'action exceptionnels, sur le plan juridique, par des pouvoirs de contrainte à l'encontre, tant des personnes que des marchandises soumises à son contrôle, et par le pouvoir de sanctionner les fraudeurs dans le cadre d'une procédure répressive, spécifique, et particulièrement efficace, fait du droit douanier un droit particulier, dérogatoire à la matière pénale. 3. A ce titre, cette thèse est consacrée à l'étude des mécanismes de poursuites et de sanctions en droit pénal douanier, en vue d'en discerner les particularités, d'en identifier le caractère dérogatoire dans la matière pénale répressive et d'en comprendre les enjeux. Il s'agit 1 Décret n° 78-959 du 30 août 1978 portant publication de de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacées d'extinction, ouverte à la signature à Washington jusqu'au 30 avril 1973 ; JORF 17 septembre 1978 2 aussi de percevoir, à travers les mutations de la matière contentieuse douanière, si ce droit demeure fondamentalement dérogatoire au sein de la procédure pénale ou s'il tend à se normaliser. Dans une moindre mesure, il s'agit également de la resituer, parfois, au sein de la matière des contentieux fiscaux dans leur ensemble, matière que le législateur ne cesse de faire évoluer ces dernières années. 4. Afin de percevoir la particularité des mécanismes de poursuites et de sanctions du droit douanier, il est nécessaire de rappeler les mutations historiques ayant fait de la douane une administration dotée de pouvoirs bien souvent dérogatoires au droit pénal commun, dont les règles procédurales sont avant tout dominées par le souci d'assurer l'efficacité et la rapidité de la répression des infractions douanières. Il s'agit de comprendre ce qui a conduit le législateur à accorder de telles prérogatives exorbitantes de droit commun à une administration. Police des relations commerciales extérieures, maillon essentiel des finances de l'État, l'image de la Douane est toujours associée à la sauvegarde des intérêts nationaux. Cette administration dispose d'un arsenal juridique « sur mesure «, dérogatoire au droit commun, et d'une implantation territoriale diversifiée et atypique. L'histoire particulière de l'administration des douanes et l'évolution de ses pouvoirs explique pour une grande part les particularismes de la matière pénale douanière. 5. Dès l'antiquité, les États ont prélevé des impôts sur les marchandises franchissant les frontières. Ces impôts, surtout perçus à l'importation, répondent pour l'essentiel à une préoccupation fiscale, la nécessité de remplir les caisses publiques. La prohibition est également pratiquée. Elle vise, à l'exportation, à protéger la collectivité contre les risques de pénurie des denrées et produits indispensables. 6. La ferme de douanes consistait à confier à des personnes privées le pouvoir de liquider et de recouvrer l'impôt durant un certain temps fixé par contrat, à charge pour les fermiers de verser au bailleur (le Seigneur, la ville....) des sommes forfaitairement convenues. L'affermage signifiait que le preneur assumait les charges du recouvrement et de l'administration placée à cette fin sous son autorité. Il supportait également les pertes si les rentrées fiscales ne s'élevaient pas à hauteur des prévisions fixées. On assiste à la prolifération des droits d'entrée et de sortie et des affermages, chaque fermier percevant son droit. A la fin du XVIème siècle, Sully, surintendant des finances, confie à une seule compagnie unique l'affermage de la majeure partie des taxes douanières pour la zone des « cinq grosses 3 fermes «, composée des provinces soumises aux droits du Roi. Il accompagne cette simplification de l'édiction d'un règlement général douanier2 afin de supprimer les frontières intérieures entre les « pays des cinq grosses fermes « et les « pays réputés étrangers «, pour constituer un territoire douanier unique, mais ces « provinces réputées étrangères « refusent l'unification. 7. Afin d'uniformiser le système fiscal du royaume, Colbert propose en 1661 un « tarif général des traites « et met en place en 1681 un système de bail unique, la ferme générale, pour la totalité des impôts indirects du royaume. Le colbertisme est fondé sur une politique interventionniste ayant une forte influence sur les droits de douane : surtaxation des transports sous pavillons étrangers, création d'entrepôts de réexportation sous contrôle douanier. Il institue, en 1664, un tarif douanier unique destiné à protéger les produits français. A la suite de Colbert seront abolies les barrières intérieures et les bureaux de douane seront établis aux seules frontières extérieures du royaume. Le rôle de la Ferme générale ne se limite pas à la perception des taxes. Elle a en charge les « douanes « (douanes extérieures aux frontières extérieures et aux frontières avec les provinces non assujetties au même régime fiscal et douanier), la « balance du commerce « (première forme de le statistique du commerce extérieur), les « aides « (taxes à la consommation, frappant notamment les boissons), les « privilèges de vente exclusive du tabac « et la « gabelle « (droit sur la vente du sel créé au XIVème siècle). Les fonctions dévolues à la ferme ressemblent considérablement à celles de la douane actuelle. Son organisation pyramidale également 3. Les grandes ordonnances de 1681 et de 1687 posent les bases de la législation douanière moderne. 8. La Ferme générale développe ainsi des mécanismes efficaces de contrôle des mouvements des personnes et des marchandises. Les plus gros mouvements de marchandises se font par la mer : les employés de la Ferme surveillent donc les côtes pour obliger les navires, conduits en douane, à décharger dans les ports. Les « douaniers « de la Ferme opèrent la prise en charge des marchandises débarquées, qui font l'objet d'une déclaration détaillée déposée au bureau de la Ferme, vérifiée par les employés qui comptent et contrôlent la marchandises. Ce service perçoit plus de cinquante pour cent des recettes publiques. Les 2 Le règlement des traites de 1607 3 Un « bureau central « coordonne les « départements «, qui encadrent des « directions provinciales «, qui elles mêmes coordonnent les « bureaux « (dont les agents ont pour mission de faire appliquer les règlements) et les « brigades « (dont les gardes ont pour mission de s'opposer à la contrebande). La ferme générale opère et ses agents sont soumis à une étroite tutelle du pouvoir royal. 4 bureaux vérifient, liquident et perçoivent les droits et taxes. Les brigades préviennent, surveillent et répriment la contrebande, leurs agents sont en uniforme et armés. La multiplicité des droits, la complexité des règlements et ordonnances régissant la matière, la sévérité de la répression, les sanctions étant prononcées par des juridictions d'exception, ajoutées au poids insupportable de la gabelle vont entraîner la colère populaire et conduiront à la fin de la Ferme générale à la Révolution. 9. L'exemple de la perception de la gabelle par la Ferme générale est une illustration remarquable des pouvoirs exorbitants mis à disposition de cette institution douanière dans l'exercice de l'une de ses missions, dont certains ont traversé les siècles. Compte tenu du poids, toujours plus lourd, de la gabelle, le faux-saunage, particulièrement lucratif, se développe. Pour lutter contre cette fraude, la Ferme est dotée de pouvoirs importants : ses agents sont armés, ils ont le droit de perquisitionner partout, y compris dans les lieux occupés par la noblesse et les ecclésiastiques, et ils peuvent verbaliser dans leur ressort et en dehors de leur ressort. En présence de contrebandiers, les douaniers ont le pouvoir, en cas de prise de sel étranger, de vendre le sel et la voiture, ainsi que de perquisitionner. La contrebande engendrant une perte de ressources financières et des atteintes à l'ordre et à la sécurité publics, une politique particulièrement répressive et de lourds moyens humains ont été mis en place, ainsi d'ailleurs que des mesures préventives de surveillance, par des brigades. Un droit de suite ou droit de poursuivre les fraudeurs au-delà de leur territoire, est accordé aux employés de la ferme. Des contrôleurs sont placés dans les salines et les magasins à sel, en vue d'assurer « la prévention des fraudes «, ils peuvent également perquisitionner en tout lieu. Il existe déjà à cette époque une culture du renseignement. 10. Le système répressif est maîtrisé par la ferme, la confusion entre autorité d'enquête et de poursuites demeure d'ailleurs l'une des particularités de la matière pénale douanière actuelle. Ainsi, lorsqu'un contrebandier est arrêté, on appelle le « chef douanier « ou capitaine pour dresser le procès-verbal des captures et des saisies. Le capitaine va alors saisir le juge, prérogative exclusive des employés de la ferme. Des textes prévoient l'attribution des biens saisis et des primes à ceux qui arrêtent les fraudeurs 4. Le pouvoir de saisir les juges s'est ensuite étendu aux gardes pour faciliter la rapidité et l'efficacité de la procédure et des poursuites et ils déterminent en opportunité le tribunal compétent en fonction des 4 Les chevaux, charrettes, armes et effets saisis appartiennent « à ceux qui en ont fait la capture «, et ces biens leur sont attribués lorsque la confiscation est juridiquement prononcée. Ils touchent également une prime dont le montant est lié à celui de la peine d'amende infligée au fraudeur. 5 circonstances de temps et de lieu. Les limites territoriales pour traquer les fraudeurs sont également repoussées hors des seules limites des terres royales par le biais « d'accords de coopération «. Sont également prises, à cette époque, des mesures techniques de lutte contre la fraude. Le sel est en effet transporté dans des tonneaux recouverts de « bauches « 5, méthode qui préfigure le plombage des camions, scellés de nos jours par des plombs douaniers. Une réglementation imposant des documents douaniers est créée. Les sauf-conduits jouent un rôle fondamental dans la lutte contre la fraude, en indiquant le nom, la qualité du saunier, son adresse, le prix de la marchandises. Le transporteur doit « desbaucher « son moyen de transport en présentant son sauf-conduit aux prévôts et maires du lieu de son activité. Lorsqu'il exporte son sel, il doit présenter le sauf-conduit à l'officier du dernier village avant la frontière et il doit présenter ce certificat au retour au gouverneur de la saline qui l'a fourni, sous peine d'une amende. En 1738, la réglementation évolue : les « douaniers « commis et préposés de la Ferme, sont établis sur les routes, dans le dernier village avant la frontière et se substituent aux officiers et maires pour délivrer les certificats. On constate ainsi la modernité des techniques inventées contre la fraude, des méthodes devenues des instruments classiques de l'action douanière dans la lutte contre la fraude. S'ajoute à ces techniques de lutte contre la fraude la création d'un outil statistique. Bulletins, registre double, permettent non seulement de traquer les fraudeurs, mais d'établir par addition des statistiques de consommation et de mesurer l'évolution de la consommation intérieure des marchandises , et les mouvements d'exportation et d'importation. 11. Le droit pénal douanier de l'époque confie également de redoutables pouvoirs à la Ferme. L'infraction peut être constatée en tout lieu, privilège douanier redoutable qui deviendra classique : les « douaniers « peuvent pénétrer en tous pays, terres, seigneuries, habitations, maisons religieuses sans que l'on puisse leur opposer une quelconque immunité. Ces pouvoirs exorbitants ont pour but de faire face à l'imagination des contrebandiers. La contrebande a en effet ses faussaires exerçant leur art pour de fausses signatures, de faux passeports, de faux sauf-conduits, de faux poids et fausses mesures. L'arrestation peut être pratiquée par toute personne qui constate l'infraction. La personne arrêtée doit être remise immédiatement aux officiers de justice et la procédure 5 Toile épaisse qui recouvre et protège le chargement. 6 engagée pour garantir les droits de celui qui est poursuivi. S'il a été tué lors de sa capture alors qu'il résistait, ceux qui en sont responsables ne seront pas poursuivis, aux termes de l'article 22 de l'ordonnance de 1733 : « Il ne sera fait aucune poursuite contre ceux qui auront tué des faux sauniers résistant à la capture ; imposons silence dans ce cas à nos procureurs «. Lors des embuscades, les combats entre douaniers et contrebandiers sont en effet violents. La douane a également de larges pouvoirs à l'encontre des faux sauniers qui ont pu être reconnus mais s'enfuient lors d'un contrôle. Ils peuvent être sur la base des procès-verbaux des commis de la Ferme, « décrétés de prise de corps «. Sur ce simple fondement, les juges les considèrent comme arrêtés et sans autre forme de recherche peuvent les condamner sans qu'ils soient présents devant la juridiction. Seul le contrebandier qui connaît la procédure peut mettre en cause les procès-verbaux par la procédure d'inscription de faux, dont le régime juridique, fixé par une ordonnance de 1720 sera transformé en 1754. Le délai pour former l'inscription de faux est de trois jours, une somme très importante est à consigner. Entre le moment de l'inscription et celui où les moyens de faux sont judiciairement déclarés pertinents et admissibles, s'écoule un délai qui paralyse l'application de la sanction et les contrebandiers utilisent cette procédure de façon dilatoire. En 1754, le montant de la consignation est alors porté à une somme égale au montant de l'amende susceptible d'être encourue, ce qui est dissuasif. En ce qui concerne les moyens de preuve, des méthodes résolument modernes sont déjà employées. En effet, la quantité et la qualité des sels éventuellement saisis est consignée, deux échantillons placés dans des enveloppes cachetées, scellées du sceau de la ferme et de celui du poursuivi éventuellement, sont transportés au greffe de la juridiction. Un procèsverbal est signé et remis à celui qui est poursuivi. Le juge convoque les parties et soumet les échantillons à des experts acceptés par les parties, ce qui garantit les droits de la défense : l'expert rédige un rapport sur la qualité, ou non, de « sel étranger «. La volonté est notable de recourir à une procédure extrêmement rapide puisqu'aux termes de l'ordonnance de 1733, le jugement doit être rendu « dans les vingt-quatre heures après l'instruction de la procédure 6 «. Le condamné a alors un mois pour consigner les sommes d'amendes auxquelles il est condamné. S'il les paie, l'affaire est terminée. A défaut, la sanction pourra être convertie en bannissement, ou en condamnation aux galères, à partir de 1738, à temps ou à perpétuité. 6 Article 29 de l'ordonnance de 1733. 7 L'appel n'a pas d'effet suspensif, le condamné doit consigner les sommes d'amendes et de restitution auxquelles il a été condamné, ou un tiers peut donner sa caution. Les sanctions sont donc lourdes et sévères : dommages et intérêts aux fermiers, amende, restitution, confiscation du moyen de transport 7. Selon la gravité des infractions, le taux de l'amende varie et des châtiments corporels peuvent être prononcés. A partir de 1756, les condamnés seront autorisés à payer leur amende, à tout moment, soit après le jugement de conversion, soit pendant la période où ils subissent leur peine : il s'agit d'une forme de transaction qui permet de rendre la peine non avenue. 12. L'efficacité de la répression douanière, facilitée par une procédure expéditive et la montée de la répression en réponse à la multiplication des infractions vont conduire à l'impopularité toujours grandissante de la Ferme et du système douanier. L'impopularité de la gabelle, impôt sur un produit de première nécessité, très lourdement taxé, car il rapporte beaucoup au Trésor public, va conduire à sa remise en question à l'approche de la Révolution. A la multiplicité des techniques de fraude répond la montée en dureté des réglementations répressives. La douane n'est plus seulement administrative et fiscale percevant des taxes sur divers produits pour alimenter le Trésor royal, elle bénéficie également de prérogatives régaliennes particulièrement développées, en vue de faire régner l'ordre public par la répression. Les misions d'ordre public deviennent alors de plus en plus importantes et les douaniers en uniforme plus nombreux que les gestionnaires et souvent assistés de la force militaire armée. La mise en oeuvre de sanctions juridictionnelles très lourdes engendre un sentiment de persécution douanière, qui tourne à l'hostilité publique organisée contre l'action de la douane. Les rapports des autorités publiques et les cahiers de doléances proposent plus de mesure dans la gabelle, ce qui devrait faire diminuer la fraude. Il faudrait ainsi agir sur les causes de la contrebande, à savoir le caractère excessif des droits perçus, et l'ingérence administrative pesante sur les modes de perception et non pas augmenter les pouvoirs de police de l'administration des douanes. 13. Cependant, le système de la Ferme fournit au budget de l'Etat des ressources qui augmentent compte tenu de l'accroissement des taxes, réponse aisée au déficit chronique des finances royales. De plus, s'accentuent les différences de régimes entre les provinces et entre les classes sociales, ce qui conduira au soulèvement des campagnes en juillet et août 1789. La suppression de la gabelle en 1790 sera une réponse à cette période de troubles. Les méfaits 7 En cas de récidive, de faux sauniers attroupés à plus de cinq et armés, la mort peut même être prononcée. 8 des tarifications douanières sont dénoncés par les philosophes. Ainsi, Voltaire dénonce les effets pervers « Du Tarif «, nom donné à un édit de Mazarin qui avait augmenté les droits d'entrée sur les denrées et les marchandises : « L'édit du tarif dans la minorité de Louis XIV fit révolter le parlement, et causa la guerre insensée de la Fronde : ou payer mille fois plus pour la guerre civile que le tarif n'aurait coûté « 8. Tout au long du XVIIIème siècle, un débat s'instaure parmi les esprits éclairés : les théories économiques y occupent une place de choix. On doute de la pertinence du colbertisme. Les Physiocrates prônent la liberté commerciale. Ils comptent de nombreux partisans au sein de la classe dirigeante. L'abolition des barrières intérieures, le transfert dès bureaux des traites aux frontières du Royaume, l'élaboration du tarif douanier unique sont autant d'objectifs auxquels Trudaine, Necker et Calonne travaillent sans les atteindre, tant est forte la résistance des bénéficiaires du régime. Montesquieu dans « l'Esprit des lois « définit le rôle de la douane dans ses liens avec le commerce : « Là où il y a du commerce, il y a des douanes. L'objet du commerce est l'exportation et l'importation des marchandises en faveur de l'Etat ; et l'objet des douanes est un certain droit sur cette même exportation et importation, aussi en faveur de l'Etat. Il faut donc que l'État soit neutre entre sa douane et son commerce, et qu'il fasse en sorte que ces deux choses ne se croisent point ; et alors on jouit de la liberté du commerce. « 9. Il ne faut pas méconnaître non plus l'autre face de la douane, gardienne des frontières contre la pénétration de marchandises des pays ennemis, dans le cadre d'une action stratégique faisant participer la douane à la guerre entre les nations, par son rôle économique. 14. Necker, ancien contrôleur général des Finances déplore en 1784 la sévérité des lois douanières : « C'est assez d'avoir vécu sous des lois de finances véritablement ineptes et barbares, ... c'est assez d'avoir rempli les prisons et les galères de malheureux qui ne sont souvent instruits de leurs fautes que par les punitions qu'on leur inflige ; c'est assez d'avoir mis en guerre une partie de la société contre l'autre... «10. Autant que l'institution, ce sont les hommes qui la dirigent que l'on condamne au nom de la morale et parce que les fermiers, hommes nouveaux, aux fortunes immenses et subites, semblent le produit d'une perversion de l'ordre social. La multiplicité des droits et la complexité des règlements sont, dans les bureaux, une source de retards, voire de tracasseries. Les manières, parfois rudes, des gardes des brigades ne contribuent pas à rendre cette fiscalité indolore. Il est vrai que leur métier est 8 Voltaire, Dictionnaire philosophique au mot Tarif 9 Montesquieu, « Esprit des lois «, Livre XX, chapitre XIII 10 J. Necker, « De l'administration des finances de la France «, Paris 1784 9 dangereux et les conduit à d'importants massacres de "gapians" isolés et souvent désarmés. En faisant réprimer très sévèrement la fraude par des juridictions d'exception qui envoient aux galères nombre de contrebandiers, le Roi paraît soutenir les abus que l'on impute, à tort ou à raison, à la Compagnie et à ses agents. Partout, la gabelle, de tous les droits le plus impopulaire car le plus injuste, entretient la colère du peuple. Cependant, de cette expérience douanière issue de la Ferme générale survivent d'importants éléments de la réglementation et de la culture douanière. Les méthodes douanières et la spécificité du contentieux s'intègrent toujours à la réglementation douanière et à la culture douanière, en dépit des profonds changements apportés par la Révolution française. La colère populaire était notamment suscitée par le système des impôts indirects et de la Ferme. L' Assemblée Constituante tient alors compte de ces considérations et supprime les impôts indirects. Elle ne conserve que l'enregistrement et les douanes. Ainsi, aucun droit n'est plus levé sur les marchandises circulant à l'intérieur du Royaume, mais les douanes extérieures sont maintenues et soumises en 1791 à un nouveau tarif et à un code fortement inspiré des ordonnances de Louis XIV. 15. La période révolutionnaire est marquée par la nationalisation des douanes et l'apparition de son nouveau statut. Le 21 mars 1791 la Ferme générale est nationalisée, elle est alors remplacée par la « Régie nationale pour la perception des douanes extérieures « 11, qui s'accompagne de l'abolition des droits de traite dans l'intérieur du Royaume. L'État reprend ainsi à sa charge une fonction régalienne à savoir l'application des lois douanières. L'Assemblée dote la Régie de deux outils de base : un tarif des droits à percevoir l'entrée et à la sortie du royaume, d'inspiration modérément protectionniste et un code qui reprend l'essentiel des procédures jusqu'alors en vigueur. Dans cette même période, un code des Douanes sera adopté par la loi des 6-22 août 1791 12. Les droits de traite sont remplacés par un tarif unique et uniforme perçu 11 Loi du 9 novembre 1790 La loi du 1er mai 1791 et le décret du 23 avril 1791 portent sur l'organisation de la régie des douanes. 12 Suite à la résiliation du bail Mager le 21 mars 1791, la Ferme générale est nationalisée alors que ses effectifs sont ramenés à 15 000 agents. D'anciens fermiers généraux deviennent les premiers administrateurs en 1790 puis les régisseurs des douanes en 1791. ils sont destitués au mois d'octobre 1792 pour être traduits en justice. Les commis de la Ferme 10 à toutes les entrées et sorties du royaume. Ainsi, le tarif général est promulgué dans les lois des 2 et 15 mars 1791. Il s'agit d'un recueil alphabétique reprenant des produits et fixant des droits de douane à l'importation comme à l'exportation, certains produits sont exemptés de droits, d'autres sont prohibés à l'entrée. Ni les hommes ni les méthodes ne sont vraiment nouveaux, mais une administration d'État vient de naître. La douane est un service public géré directement par l'Etat et scindé en préposés au commerce et en brigades de surveillance quasimilitaire. C'est une loi des 23 avril et 1er mai 1791 qui organise la régie des douanes, chargée de percevoir des droits fixés par ce tarif. Elle crée huit régisseurs des douanes nationales. Sous leurs ordres, des préposés seront affectés à des bureaux, des brigades et des directions. Les brigades ont une double mission : assurer la perception des droits et s'opposer aux importations et exportations en fraude des droits. L'ensemble est surveillé par des inspecteurs et est réparti en vingt directions. L'un des éléments les plus important de l'élan de modernisation de l'administration des douanes est la codification des règles douanières. Le monument législatif le plus important est constitué par la loi précitée des 6 et 22 août 1791. Cette loi fixe quelques principes importants. Elle définit les règles principales du transit douanier, fixe avec précision les conditions d'entrée et de sortie des marchandises, de déclaration et de visite, l'obligation de passer par les bureaux, de présenter les marchandises entrant par terre ou par mer. La déclaration en douane doit contenir des mentions légales très précises quant à la nature des marchandises, leur valeur, le lieu de chargement et celui de la destination.... A défaut de déclaration satisfaisante, les marchandises sont déposées dans les bureaux ou magasins de la Régie. Une fois les déclarations faites, et les marchandises visitées, pesées ou dénombrées, les droits sont perçus. Une fausse déclaration entraîne la confiscation et une amende. Les marchandises en transit sont exemptées de droit, mais déclarées, vérifiées et expédiées par acquit à caution, imposant de rapporter un certificat de l'arrivée ou du passage des marchandises au bureau désigné : à défaut, les droits sont doublés. Les expéditionnaires doivent fournir une caution solvable. Certaines marchandises sont alors plombées. Ces régimes douaniers s'accompagnent de la fixation des limites d'un rayon douanier, qui imposent la déclaration de toutes marchandises circulant dans cette zone. Les marchandises prohibées à l'entrée ou à la sortie sont confisquées, ainsi que les moyens de transport. Outre des régimes douaniers, qui constituent encore le fondement des régimes actuels, des générale sont remplacés par les « préposés à la police du commerce extérieur « de la Régie des douanes. 11 pouvoirs étendus en matière de saisie et de poursuites sont également accordés à la douane. Cette loi réglemente ainsi les saisies pour fraude ou contravention, qui sont constatées par un procès-verbal contenant des mentions obligatoires : qualités, résidence, tribunal lieu de leur serment..., circonstances et motifs des saisies. Sommation doit y être faite à ceux auxquels la saisie est déclarée d'assister à la description des marchandises et à la rédaction du procèsverbal. Le saisi est sommé de signer le procès-verbal, s'il refuse, il en est fait mention. L'acte contient assignation à comparaître devant le tribunal. A défaut de sa présence, signification du procès-verbal et assignation se font par les préposés ou par huissier, à son domicile, dans les vingt-quatre heures. La collaboration entre les services policiers, militaires et douaniers dans la lutte contre la fraude est également prévue. L'efficacité de la répression est garantie par le fait que les juges ne peuvent modérer les confiscations et amendes. La régie ne peut pas transiger sur les confiscations et amendes lorsqu'elles auront été prononcées par un jugement en dernier ressort ou ayant acquis force de chose jugée. Avant le jugement, la transaction est un mode de règlement des infractions douanières. Tous les mécanismes caractéristiques de la législation douanière qui perdurent encore aujourd'hui sont donc posés avec une étonnante modernité par cette législation de 1791. Par ailleurs, les 7 et 8 juillet 1793, la Convention prononce un arrêté qui marque la naissance des bataillons douaniers, la naissance du statut militaire des Douanes. 16. Le 16 septembre 1801 est créé la Direction Générale des douanes. Les conquêtes de territoires élargissent le champ d'action de la douane, au point d'en faire un territoire douanier européen, où agissent des douaniers français, mais aussi des douaniers des territoires conquis, placés sous les ordres de la direction des douanes française. La guerre contre l'Angleterre n'est pas qu'une guerre militaire, c'est aussi une guerre économique ; l'Empereur signe en 1806 le blocus continental, en fermant tous les ports de l'Europe aux navires anglais et en interdisant aux commerçants de France, mais aussi des pays annexés ou alliés de commercer avec l'Angleterre. Se développe alors un formidable réseau de fraudes. L'Empire y répond en « musclant « son administration douanière, par des changements, dont certains seulement seront éphémères 13. La création d'une administration des douanes, qui, au départ dépend en partie du 13 L'administration des douanes sous l'Empire, Les cahiers d'histoire des douanes et des droits indirects, AHAD, n° 24, 2001, p. 4 et suivantes 12 ministère de l'Intérieur et en partie du ministère des finances, conduit à une administration centralisée ; la Direction générale exerce son autorité hiérarchique sur les services extérieurs, placés sous l'autorité de directeurs régionaux, et divisés en bureaux sédentaires, en brigades mobiles et militarisées. Le territoire est divisé en quatre divisions au sein desquelles se trouvent plusieurs directions régionales. En 1811, la ligne des douanes impériales va de Hambourg à Rome. Au fil des années, les compétences de la douane s'accroissent. La Régie des droits réunis issue de la loi du 23 février 1804 marque le retour des impôts indirects. L'accroissement des effectifs douaniers est à cette période spectaculaire. 17. On assiste à un renforcement des pouvoirs de la douane face à une contrebande suscitée par les déséquilibres économiques. C'est une véritable guerre douanière que la France a connue avec l'Angleterre. Les marchandises britanniques sont prohibées à l'entrée en France, mais la contrebande sera d'autant plus florissante que la France va annexer la Belgique, qui borde la Mer du Nord et a une forte tradition de commerce avec l'Angleterre. Au Nord, les pays conquis et annexés par Napoléon, sont incorporés dans le territoire douanier français. Devant la résistance de ces pays, dont le commerce et l'industrie sont en partie ruinés par ce blocus, le nombre des douaniers est porté à près de 40000 agents. En plus des moyens matériels et humains, les armes juridiques sont renforcées de deux manières, d'une part par l'augmentation des pénalités applicables à la contrebande et d'autre part, par le dessaisissement des juridictions de droit commun, jugées trop clémentes, au profit de juridictions d'exception pour les matières du droit pénal douanier 14. La loi prévoit également de nouvelles peines 15. Il n'y a plus de transaction possible pour les infractions les plus graves. Des mesures juridiques exceptionnelles concernent aussi bien la constatation des infractions, que la procédure et des peines, le droit douanier ordinaire sort ainsi de la sphère du droit commun, privilégiant l'efficacité de la répression et l'exemplarité des peines 16. A cette époque également, les douanes adoptèrent un nouvel uniforme 17. 18. La douane apparaît à la fin du Premier empire comme un corps puissant, hiérarchisé, 14 Un décret du 18 octobre 1810 crée la juridiction spéciale chargée de connaître des actes de contrebande, une Cour prévôtale des douanes, une véritable juridiction de guerre, établie « jusqu'à la paix générale «. La loi crée également des tribunaux locaux, baptisés « tribunaux ordinaires des douanes «, juridictions à compétences spécialisées dans les affaires douanières moins importantes 15 Peines allant jusqu'à 10 ans de travaux forcés et la marque des lettre V.D. (voleur des douanes). 16 Peine de mort, travaux forcés, carcan, flétrissure sanctionnent les contrebandiers comme de grands criminels, cf J. Clinquart « Les juridictions d'exception en matière douanière sous le Premier Empire «. 17 Le premier uniforme date du 14 février 1800, mais il n'est attribué qu'aux brigades, il sera généralisé à l'ensemble des douaniers en 1801. Cet uniforme dit « à la française « était similaire à ceux de l'armée, la seule différence étant sa couleur vert chasseur. 13 disposant de prérogatives importantes et remplissant une mission économique par la perception des droits, et une mission de garde des frontières, devenues européennes. Les structures et les éléments de culture de l'administration douanière sont donc en place et les mutations postérieures au Premier Empire ne seront que mineures. Ainsi, sous la Restauration, la douane affirme son rôle de régulateur du commerce extérieur. En 1825, sont éditées pour la première fois les statistiques du commerce extérieur. L'époque du Second empire connaît une période de menaces pour la suprématie douanière, en raison de la volonté de Napoléon III d'instituer avec l'Angleterre une politique de libre échange. L'abaissement des tarifs douaniers entre les principaux pays partenaires commerciaux de la France et la multiplication des échanges privilégient certains régimes douaniers. Les services des douanes se développent dans les territoires coloniaux. Le Second empire connaît également une réforme administrative cherchant à rationaliser les contributions indirectes. 18 La IIIème République marque le retour du protectionnisme fondé sur le tarif de 1881 et l'imposition de droits de douane régulateurs. Malgré la volonté de la société des Nations d'assurer, après le premier conflit mondial, la promotion du libre échange, le traumatisme créé par la crise économique de 1929 assure le retour du protectionnisme, ce qui rend à la douane l'importance qu'elle avait en partie perdue. Jusqu'à la seconde guerre mondiale, le statut des agents des brigades des douanes prévoyait la formation d'un corps militaire selon les circonstances en raison de leurs positions géographiques stratégiques et le fait qu'ils circulaient en uniforme et armés a contribué à la reconnaissance de la fonction militaire de cette administration financière 19. La seconde guerre mondiale conduit la France à remettre en vigueur, sous la forme moderne du contingentement, le système des prohibitions abandonné en 1860 et à instituer le contrôle des changes. Au début de la IVème République, la douane bénéficie d'une architecture solide qui résulte d'une culture et d'éléments d'organisation remontant pour partie à l'époque de la Ferme générale. Elle dispose de pouvoirs de commandement, de contrainte et de contrôle très étendus pour assurer la perception des droits. C'est avec des effectifs à peu près constants, voire réduits, qu'elle doit appliquer des tarifs complexes, développer ses contrôles, s'adapter aux progrès technologiques, faire face à de 18 Par un décret du 27 décembre 1857. 19 Le douanier, fonctionnaire d'une administration civile porte un uniforme bleu céleste en 1835, bleu marine depuis 1904, la bande garance du pantalon est apparue en 1852 14 nouvelles formes de fraude, consécutives à l'apparition de nouveaux modes de transport que sont l'automobile et l'avion. Au lendemain du conflit, l'intervention de l'Etat dans le domaine du commerce extérieur et, par conséquent, celle de la douane sont plus poussés que jamais. A partir des années cinquante, les échanges se libèrent progressivement. Le développement spectaculaire du commerce extérieur de la France, la complexité des réglementations à mettre en oeuvre, les aléas de la construction européenne conduisent la douane à adapter constamment son organisation, ses procédures et ses méthodes d'intervention. 19. Pour accélérer les opérations de dédouanement de nouvelles méthodes de travail voient le jour, notamment les procédures sont simplifiées. La création de bureaux de contrôles juxtaposés, l'ouverture de bureaux à l'intérieur du territoire, le traitement des opérations de dédouanement par informatique sont des étapes importantes de l'adaptation de la douane à son nouvel environnement. Membre fondateur du Conseil de Coopération douanière, qui regroupe aujourd'hui plus de cent états, la douane française s'engage dans une politique volontariste de coopération internationale. Ainsi, peu à peu, l'effacement progressif des frontières douanières se réalise. L'application des accords du GATT, la création des unions douanières notamment de la Communauté européenne, la mise en place des règles tarifaires plus favorables au profit des pays en voie de développement aboutissent à une réduction sensible, voire à une disparition, des droits et taxes à percevoir lors du franchissement des frontières. L'enjeu de la construction européenne va profondément bouleverser l'activité douanière, voire son identité. La douane va être amenée à incorporer dans l'exercice de ses missions des réglementations communautaires qui influent profondément sur la nature de celles-ci. L'union douanière est effectivement réalisée en 1968. La disparition des frontières fiscale en 1993 est l'aboutissement de cette évolution. Elle permet, depuis le 1er janvier 1993, la libre circulation des personnes, des marchandises, des capitaux et des services à l'intérieur de la Communauté européenne. La douane continue à assurer ses missions dans ce nouvel environnement avec des méthodes d'intervention et un dispositif adaptés. La mise en place du Grand Marché Intérieur au 1er janvier 1993 n'implique pas que la libre circulation des marchandises soit affranchie de toute entrave. Outre la régulation des flux de marchandises, le rôle de la douane est de s'assurer que ces marchandises ne font pas l'objet de trafics illicites, ne nuisent pas à certains impératifs de protection du patrimoine national, de protection du consommateur, de 15 santé publique et d'environnement. On élargit alors dans ces domaines les missions administratives de la douane à l'intérieur du territoire. En effet, la douane a reçu de nouvelles missions puisque la loi du 17 juillet 1992 a transféré à la douane l'ensemble des compétences de la Direction générale des impôts en matière de contributions indirectes 20. L'activité douanière s'intensifie et se diversifie. 20. Actuellement, l'administration douanière est confrontée à la difficile recherche d'un équilibre entre facilitation des échanges et garantie de la sécurité publique. Une administration partenaire des entreprises, « une douane de service « qui se doit d'être concurrentielle et de maintenir les parts du « marché douanier « sur le territoire et qui se doit de demeurer une administration de contrôle garante de la sécurité des personnes et des marchandises. La douane connaît un bouleversement culturel fondamental ces dernières années, s'engageant dans un processus de dématérialisation des documents accompagnant les marchandises, « la douane sans papier «, en réseau avec les autres administrations européennes, ce qui a d'ores et déjà conduit à une refonte complète de l'informatique douanière. Cette révolution de la « douane sans papier « s'accompagne d'une nouvelle politique des contrôles douaniers, de nouvelles méthodes de contrôle et nécessitera l'évolution des pouvoirs de l'administration douanière, qui en a déjà déduit une nouvelle organisation des bureaux de douane. On peut citer l'importance prise par le contrôle des documents comptables et commerciaux des entreprises au détriment des contrôles sur les marchandises mêmes, pour tenter de déceler les infractions. Cette intensification des contrôles a posteriori, destinée à faciliter la circulation rapide des marchandises, a pour conséquence de reporter parfois dans le temps le traitement de l'infraction, mise à jour par les services d'enquêtes. Cette évolution entraine de profondes mutations dans l'application du droit douanier. 21. L'histoire de l'administration des douanes est, pour plusieurs raisons, singulière. Dépendante du contexte historique général, la douane est l'une des administrations les plus sensibles aux variations politiques et économiques. Elle se présente comme une administration financière originale, expression la plus perfectionnée de l'administration d'Ancien Régime. Sa construction procède de sa finalité, affirmée par le législateur de 1790 21, 20 Les contributions indirectes englobent les droits d'accises : droits sur les huiles minérales, les tabacs et les boissons alcoolisées, et les impôts indirects spécifiques : droit de garantie sur les métaux précieux, impôts sur les spectacles, taxes parafiscales sur les céréales... 21 Décret de l'Assemblée Constituante du 5 novembre 1790 16 qui est « d'assurer la police du commerce extérieur «. « Comme cette police ne répond pas à des préoccupations de nature exclusivement fiscale (percevoir les droits inscrits au tarif douanier), mais aussi des préoccupations économiques (protéger la production nationale contre la concurrence étrangère) et comme par ailleurs, elle utilise d'autres moyens que l'impôt (en particulier les prohibitions et autres formes de restriction à la liberté des échanges), il est impossible de réduire la douane au rôle d'administration fiscale « 22. La singularité des services douaniers au regard des administrations financières va perdurer jusqu'à nos jours. Elle tient à ce que la police du commerce extérieur, c'est à dire le contrôle des personnes et des marchandises, implique une grande variété de missions dont la majorité excède la compétence des seuls ministères de l'économie et des finances. L'originalité de la douane réside dans cette polyvalence et tient également aux particularités des réglementations qu'elle applique et des pouvoirs qu'elle met en oeuvre. L'une des principales difficultés auxquelles la douane a toujours dû faire face réside à la fois dans le fait qu'elle doit remplir une multitude de missions et dans le fait qu'elle doit constamment s'adapter aux évolutions qui transforment selon les circonstances, certaines de ses missions prioritaires en tâches marginales, le contrôle des changes en fournit par exemple une illustration. Originale par sa polyvalence, la douane l'est également par le statut de ses agents, hérité de la Ferme générale, qui les divise en deux catégories, les agents armés en uniforme, constituant la branche de « la surveillance « et ceux qui ne le sont pas, regroupés au sein de la branche « administration générale, opérations-commerciales «. 22. Le cadre de l'administration des douanes déborde le cadre national, il est communautaire. La création de l'union douanière a rapidement conduit à restreindre les compétences des États membres et à confier l'élaboration de la réglementation douanière aux autorités communautaires. Le droit douanier s'est peu à peu développé jusqu'à devenir l'un des droits les plus intégrés de la Communauté européenne. On ne peut alors que constater les mutations profondes réalisées dans le traitement juridique des échanges internationaux de marchandises, ainsi que dans les missions et les modes d'action des administrations douanières nationales. Le droit douanier, traditionnellement fiscal, a développé ses instruments au service de l'économie. Ainsi, la Communauté européenne s'est dotée d'une infrastructure et d'un arsenal juridique lui permettant d'affirmer l'union douanière, jusqu'à l'adoption en 1993 du Code des 22 « La Douane et les Douaniers. De l'ancien Régime au marché commun «, J. Clinquart, avant-propos 17 douanes communautaire, symbole de l'unification de la législation douanière. A ceci s'ajoute que le budget de l'Union européenne est alimenté par les droits de douane et les perceptions recueillies. L'objet de la réglementation douanière est l'organisation des politiques commerciales des états de l'Union avec les pays tiers, dans le souci de la protection de ses intérêts financiers. L'obligation de défendre les intérêts financiers de l'Union européenne entraîne pour les États membres l'obligation de prévoir des mesures propres à combattre les fraudes et de poursuivre l'application de sanctions en ce domaine 23. La construction européenne a communautarisé un droit et une administration qui figure parmi les plus régaliennes puisqu'elle représente l'exercice de la souveraineté aux frontières. Les États membres ont ainsi dû inscrire dans leurs dispositions pénales nationales des incriminations définies de manière conventionnelle 24, et surtout ont dû garantir « des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives «. Il est primordial que les différentes administrations douanières nationales, non seulement appliquent le droit de la même manière, mais aussi agissent avec la même célérité notamment quant à la sanction des manquements. La coopération administrative mais aussi judiciaire en matière douanière est devenue un impératif. 23. Au stade actuel de la construction communautaire en matière douanière, le droit pénal douanier demeure « un îlot national «. Malgré les tentatives répétées de la Commission européenne en vue d'obtenir des états membres une vision commune de la question des sanctions douanières, le contentieux douanier répressif demeure hors du champ de l'harmonisation. Alors que le Code des douanes communautaires impose à tous les opérateurs économiques des obligations identiques, quel que soit le lieu où ils accomplissent leurs formalités douanières, toute violation des ces obligations est traitée par chaque État selon les règles de procédure et de fond qui lui sont propres. Les dispositions relatives aux poursuites et sanctions douanières demeurent de droit national. Deux infractions identiques à une même législation peuvent donc entrainer des sanctions différentes selon l'État dans lequel elles sont commises. Ainsi, certains États, dont la France, réservent un traitement pénal à toute méconnaissance de la réglementation douanière qui revêt la nature d'une infraction pénale. D'autres distinguent les irrégularités soumises à un traitement administratif de régularisation, des agissements délictueux qui seuls ont un développement pénal. La CJCE a imposé aux 23 CJCE 2 sept 1989, Commission c/ Grèce, Aff. 68/88, Rec p. 2965 24 Convention du 26 juillet 1995 « convention relative à la protection des intérêts financiers des communautés européennes «. 18 états membres le respect de principes généraux du droit comme le principe de proportionnalité de la sanction. Les procédures relatives à la poursuite et à la sanction des infractions douanières, qu'elles soient pénales ou civiles, ne sont donc définies que par des textes nationaux. Il s'agit d'un droit qui appartient à la matière pénale de par sa fonction tant répressive que réparatrice, bien que quelques dispositions soient de nature purement civile. Mais situer le droit douanier par rapport aux autres branches du droit n'est pas toujours chose facile, dans la mesure où il est autant dirigé vers le contrôle des mouvements internationaux de marchandises, que vers la protection de l'ordre public national. Le droit douanier demeure ainsi à la croisée de diverses disciplines du droit. L'étude des poursuites et sanctions renvoie cependant principalement au droit pénal interne en raison de la nature même, pénale, du droit douanier 25. Pour une part le droit douanier est communautaire, dans la définition des régimes douaniers et de la taxation des marchandises, pour le reste, la partie contentieuse, il demeure national. Elle dispose à cette fin de techniques juridiques particulièrement efficaces, voisines de celles du droit fiscal commun mais adaptée à la nature propre des mécanismes douaniers. 1. Parler de droit pénal douanier signifie que l'on considère le rattachement de ces dispositions à la branche du droit pénal. La situation peut cependant apparaître moins tranchée, tant la matière douanière a des contours imprécis. Ce qui rend difficile sa définition. Comme le propose le Professeur BERR 26, on peut tout à fait définir le droit douanier comme « l'ensemble des règles dont l'application rentre dans les attributions exclusives de l'administration des douanes «. Si l'auteur rejette cette définition organique comme trop restrictive au regard de la variété des règles appliquées par l'administration des douanes, fiscalité indirecte, droit maritime..., elle n'en demeure pas moins intéressante. D'un point de vue criminologique, la fraude douanière revêt une originalité indéniable, tantôt proche de la criminalité de droit commun en ce qu'elle suppose des moyens matériels dédiés et une organisation souvent en réseau, tantôt proche du droit fiscal, voire du droit civil dans les litiges entre opérateurs économiques et administration des douanes en cas de désaccord portant par exemple sur l'origine, l'espèce, la valeur des marchandises. 25 S. Rideau-Valentini, « Contribution à l'étude des particularismes de la matière pénale douanière «, thèse 1999, p. 10 à 12 26 Introduction au droit douanier, Economica, p.2 19 Par rapport au droit pénal commun, le droit pénal douanier se distingue sur le fond par deux caractéristiques essentielles. D'une part, l'infraction douanière est essentiellement matérielle. D'autre part, le droit pénal douanier déroge considérablement en matière de responsabilité au droit pénal, son histoire a conduit à la construction d'un système de responsabilité pénale qui reste, aujourd'hui encore, très particulier. Il se caractérise notamment par un principe d'imputabilité à l'auteur apparent de l'infraction sans qu'il soit nécessaire pour la douane de rechercher l'auteur réel de la fraude. C'est donc une conception très large de la responsabilité qui prévaut en matière douanière, qui permet de ne pas laisser l'infraction impunie et de dissuader quiconque de s'associer d'une manière ou d'une autre à sa réalisation. C'est pourquoi, à côté des règles qui gouvernent le droit pénal général, et qui trouvent à s'appliquer 27, le droit douanier s'est doté du concept de « l'intérêt à la fraude «, qui diffère sensiblement de celui de la complicité du droit pénal, ainsi que d'un ensemble de présomptions légales de responsabilité 28. L'intérêt de ces mécanismes étant de dispenser le ministère public, et donc, l'administration des douanes, de faire la preuve de l'intention coupable et de favoriser le recouvrement des sanctions et des droits en réclamant le paiement aux personnes les plus solvables, à savoir les personnes morales. Le contentieux douanier ne connaît qu'une forme de sanction, qui est pénale. Or les fiscalistes distinguent ce qui relève de l'irrégularité proprement dite et mérite un redressement ou une sanction administrative et ce qui est du ressort de la fraude fiscale, qui justifie une véritable peine. En droit douanier, la moindre irrégularité est constitutive d'une infraction pénalement sanctionnée. Certes le droit douanier ne connaît pas l'opposition entre agissements délictueux qui méritent une qualification pénale, par opposition aux irrégularités ou erreurs qui relèvent d'un traitement de type fiscal, mais il comprend notamment une classification en cinq classes de contraventions pour les irrégularités les moins sévèrement sanctionnées 29. La plupart de ces infractions, qui qualifient les irrégularités, « omissions « ou « inexactitudes « ne donnent lieu qu'à la mise en oeuvre d'une action purement fiscale et ne sont sanctionnées que d'une amende. Dans cette matière contraventionnelle, le particularisme de la matière douanière fait que l'on tient compte également de la nature de la marchandise pour catégoriser ces infractions et leurs sanctions. De plus, il ne faut pas sous estimer, dans ce cas, le large 27 L'article 398 du Code des douanes prévoit que les dispositions des articles 121-6 et 121-7 du code pénal sont applicables aux complices des délits douaniers. 28 Article 399 du Code des douanes 29 On notera que l'article 413 du Code des douanes qui prévoit la quatrième classe de contraventions douanières a été abrogé. 20 recours à la transaction douanière qui permet une atténuation plus que conséquente de la sanction, qui est alors le fruit d'une négociation entre son auteur et la douane. Des raisons tenant à la spécificité de la nature de la fraude douanière sont avancées pour justifier un droit douanier, qui non seulement dans les prérogatives de police, mais également dans la définition même de l'infraction douanière, reste particulier, exorbitant du droit commun. L'analyse brève de ce qu'est une infraction douanière et de ce que sont les règles gouvernant la responsabilité en matière de douane permet de prendre la mesure du caractère dérogatoire du droit douanier, qui déborde largement la seule sphère des pouvoirs confiés aux agents des douanes. 2. Tant la doctrine que la jurisprudence ont toujours qualifié la matière pénale douanière de droit particulier, mais les dispositions du Code des douanes relatives à la responsabilité pénale et au contentieux douanier demeurent. Les juridictions pénales nationales, mais également le Conseil constitutionnel ont joué un rôle déterminant dans l'évolution de ce droit spécial 30. Mais le véritable facteur d'évolution du droit répressif douanier réside dans le droit conventionnel européen et particulièrement les décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme qui exerce une influence déterminante sur le droit douanier, comme sur l'ensemble de la matière pénale 31. La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme a permis aux justiciables de porter à la connaissance d'un juge différent d'un juge national un droit spécial, parfois dérogatoire, parfois en contradiction manifeste avec le droit positif. La Cour européenne en se livrant à un contrôle de compatibilité du droit douanier avec le droit conventionnel a ainsi contribué au rapprochement de ce des principes fondamentaux du droit européen. Jouant un rôle fondamental dans la mise en conformité de la matière pénale douanière, à la mesure de son influence sur le droit pénal en général, le droit européen de la protection des droits de l'Homme demeure un point central de l'évolution du droit de la poursuite et de la sanction douanière. 30 Les rapports annuels de la Cour de cassation constitue à ce propos une source d'informations fondamentale. 31 M. Delmas-Marty... « la matière pénale au sens de la CEDH, flou du droit pénal «, Rev. sc. crim. 1987 p. 819 21 3. L'octroi de pouvoirs spécifiques et la définition d'un droit exorbitant sont les composantes structurels du droit douanier. On a assisté à travers les époques à un élargissement progressif de la zone d'intervention de la douane. Le contrôle frontalier des marchandises et des moyens de transport s'est doublé d'un contrôle des opérations de commerce international, nécessitant des pouvoirs s'exerçant sur tout le territoire. Dans le même temps cependant, la douane a vu certaines de ses prérogatives traditionnelles plus strictement encadrées ; un mouvement de judiciarisation tend à estomper les aspects les plus exorbitants du droit douanier et un rapprochement, encore timide, avec le droit commun s'amorce. 4. De fait, les prérogatives que les agents des douanes sont autorisés à mettre en oeuvre pourraient varier selon la nature, préventive ou répressive, de leur activité. Ainsi, dans le cadre de sa mission de surveillance de la régularité des opérations de dédouanement et plus généralement de la régularité des opérations de commerce international et de circulation des marchandises sur les personnes ou dans le fret se déroulant sur le territoire douanier, la douane comme toute autre administration investie d'une mission de police générale veille à l'application de la réglementation qui relève de sa compétence tout en restant maîtresse de l'opportunité de son action. Lorsqu'elle agit en revanche dans le cadre de la recherche de la fraude, son activité s'apparente à celle de l'activité de police judiciaire et la proximité avec le droit répressif justifie l'instauration un encadrement de plus en plus protecteur des libertés individuelles. La judiciarisation et l'harmonisation des droits de communication, de perquisition et d'accès aux locaux professionnels accordés aux administrations financières, et plus généralement aux administrations investies de prérogatives de police judiciaire sont réelles. En revanche, l'exercice par l'administration des douanes de ces pouvoirs de police générale, lorsqu'elle a la charge de sa mission de surveillance des opérations de commerce international et des activités relevant de sa compétence, ne présente pas toujours le même niveau de garanties réelles tant pour les particuliers que pour les entreprises contrôlés. Si cet état de fait s'explique par la spécificité de l'action conduite par l'administration des douanes, elle peut néanmoins paraître choquante. Malgré un contrôle des pratiques exercé par les juridictions nationales, les administrations douanières disposent d'une large marge d'appréciation dans la mise en oeuvre de leurs activités de surveillance. Ce qui guide des revendications vers plus d'encadrement de ce volet du droit douanier à l'image de ce qui se fait en matière fiscale. 22 La répression des infractions douanières est ainsi marquée par un fort particularisme, qui s'explique certes par l'histoire mais surtout par la spécificité de cette délinquance qui menace les intérêts financiers de l'Etat et est difficile à saisir en raison de la diversité des moyens frauduleux utilisés. Les intérêts financiers de l'Etat et de l'Union européenne étant gravement menacés, on comprend que les règles spécifiques applicables à la matière soient d'une rigueur particulière. Longtemps, tout s'est passé comme si, en matière douanière, la fin justifiait les moyens, qui consistent en l'occurrence en un renforcement considérable des pouvoirs de l'administration, tant au niveau de la recherche et de l'infraction douanière , que de sa la constatation de poursuite, ainsi que de sa sanction. La priorité pour l'administration des douanes demeure le contrôle des marchandises, l'implication des personnes dans leur acheminement a depuis toujours été traitée comme une incidence par le Code des douanes. Aujourd'hui, le droit douanier est contraint d'évoluer dans un double mouvement. Il doit à la fois répondre de ses différences avec la procédure pénale et répondre de son caractère dérogatoire au regard de la procédure fiscale, dans un mouvement général de volonté de conformité aux principes posés par la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et par la Constitution . Le droit douanier ne peut plus être exclusif des autres droits. La matière pénale douanière se judiciarise et se constitutionnalise considérablement. Les deux juridictions, l'une européenne, l'autre nationale, jouent chacune un rôle capital dans la mise en conformité du droit douanier. Les prérogatives particulières accordées à la douane sont en déclin. Pour autant, elles restent présentes dans les domaines où la marque de l'histoire est la plus prégnante. Le droit pénal douanier demeure original dans ses pouvoirs de constatations (Partie 1), singulier dans ses mécanismes de poursuites où coexistent l'exercice des deux actions fiscale et pénale (Partie 2) et dérogatoire dans ses sanctions (Partie 3). 23 PARTIE 1 : LA RECHERCHE ET LA CONSTATATION DE L'INFRACTION EN DROIT PENAL DOUANIER 5. Le Code des douanes français, même s'il n'a pas été formellement modifié a subi l'influence de la communautarisation de la matière douanière sans pour autant remettre en question le principe du règlement par le droit national des litiges douaniers. Le droit européen des droits de l'Homme a lui aussi contribué à faire évoluer la matière contentieuse douanière, parallèlement à l'évolution de la matière pénale, et notamment de la procédure pénale. Plus récemment, on assiste également à la pression des opérateurs économiques et des parlementaires tendant à un alignement de la procédure douanière sur le contentieux fiscal dans ce qu'il a de plus protecteur des droits du contribuable contrôlé. L'organisation nationale du contentieux douanier est le fruit d'une longue tradition issue de l'Ancien Régime et l'histoire de cette administration puissante explique pour une large part certains de ses particularismes tant dans la procédure que dans les règles de fond, par exemple, le rattachement des affaires de douane au droit privé, sa prédilection pour le droit pénal, la capacité laissée à l'administration des douanes d'ester en justice... Qu'il s'agisse des règles qui gouvernent la répartition de la connaissance des litiges, ou celles qui concernent le déroulement des instances, on ne peut que constater leur complexité. Il en va de même de l'ensemble des règles de fond et de procédure qui gouvernent le contentieux pénal douanier, qui répondent ainsi au particularisme de la délinquance douanière. Cet arsenal répressif réputé pour sa sévérité reste encore largement à l'abri des évolutions qu'ont connues d'autres secteurs du droit, même si la « normalisation « du droit douanier est de plus en plus perceptible . Son caractère exorbitant est particulièrement éclatant tant à travers la conception même de l'infraction douanière, évoquée dans l'introduction qu'en ce qui concernent les sanctions encourues par les contrevenants 32. Sa procédure connait ces dernières années des évolutions lourdes, qui en changent considérablement le sens, la 32 Qui feront l'objet de la troisième partie de la présente étude. 24 poussant résolument vers le droit commun de la procédure pénale, tant dans les aménagements successifs des pouvoirs de recherche et de constatation contenus dans le Code des douanes (Titre 1), que dans la volonté même d'attribuer à certains agents des douanes des pouvoirs issus du Code de procédure pénale (Titre 2). 25 TITRE 1 : LES POUVOIRS DE RECHERCHE ET DE CONSTATATION SELON LE DROIT PENAL DOUANIER 6. Historiquement, les agents des douanes ont reçu des pouvoirs étendus pour la recherche et la constatation des infractions, des pouvoirs dérogatoires leur ont été consentis, certains depuis les ordonnances de Colbert. Les pressions venues de la Convention européenne des droits de l'Homme et de la jurisprudence qui en découle ont contribué à mettre en conformité la procédure douanière avec le droit commun et notamment à rapprocher procédure douanière et procédure pénale. Cependant, le droit douanier confère de puissants moyens d'investigation aux agents des douanes et demeure dérogatoire, alors que les réformes de la procédure pénale ont également affecté la procédure douanière. Cette rigueur se remarque notamment quant à la phase de constitution et de préservation de la preuve. Ces particularismes sont présents dans le Code des douanes, qui renferme les pouvoirs traditionnels des agents des douanes en prévoyant des modalités de contrôle des marchandises, des moyens de transport, des voyageurs, ainsi que des lieux susceptibles d'abriter la fraude. On pourrait comparer ces pouvoirs avec ceux dont disposent les agents des douanes en vertu du livre des procédures fiscales, pour le contrôle de la réglementation des contributions indirectes, mais ils ne constituent pas à proprement parler le droit pénal douanier. Il est incontestable que le législateur a opéré une judiciarisation de la procédure douanière. Le rapprochement de la matière pénale douanière des principes du droit commun est indéniable, il en est de même du renforcement des garanties judiciaires en matière de procédure répressive. Cette volonté s'est exprimée dans deux directions : restaurer la protection du domicile privé en assortissant le droit de visite domiciliaire de garanties supérieures à celles qu'offre le Code de procédure pénale, encadrer le droit de retenue des personnes un cadre juridique comparable à celui de la garde à vue. A chacune de ces catégories de pouvoirs correspond un degré d'implication et de 26 contrôle de l'autorité judiciaire. 7. Le législateur a souhaité la judiciarisation des principaux pouvoirs de recherche et de constatation des infractions douanières. Le parquet ou le juge du siège sont amenés à contrôler, voire à autoriser la mise en oeuvre par les agents des douanes de leurs pouvoirs. L'action de l'administration des douanes s'inscrit en premier lieu dans un contexte de collaboration avec l'autorité judiciaire par un échange d'informations nécessaire à une bonne marche de la justice. La collaboration et le contrôle de l'autorité judiciaire sur l'activité douanière comportent un aspect général, dont le respect d'obligations respectives d'information constitue l'un des éléments majeurs. Ainsi, pèse sur la douane une obligation de collaboration avec le ministère public. A ce titre, l'article 40 du Code de procédure pénale fait obligation à tous les fonctionnaires de dénoncer au procureur de la République les crimes et délits dont il a connaissance dans l'exercice de ses fonctions ; « ... tout fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. «. Or, à l'occasion de l'exercice de leurs missions, les agents des douanes peuvent être en présence de faits susceptibles de constituer un crime ou un délit de droit commun. L'article 40 du Code de procédure pénale vise les crimes et les délits de droit commun que les agents des douanes ne sont pas habilités à constater. Il ne concerne donc pas les infractions de droit commun que ces agents peuvent légalement constater en mettant en oeuvre leurs propres pouvoirs de recherche, comme les infractions relatives au travail dissimulé, ou des pouvoirs particuliers, prévus hors du code des douanes et du livre des procédures fiscales 33, ni le cas propre des agents des douanes habilités au titre de l'article 28-1 du Code de procédure pénale. Par ailleurs, les agents des douanes sont également parfois eux-mêmes informés par des plaintes et dénonciations. Cette obligation d'information se traduit par des renseignements, des rapports ou procès verbaux. S'agissant des modalités de l'information du procureur de la république, la chambre criminelle a précisé que « les renseignements fournis, laissant présumer l'existence d'une infraction, ne sont astreints à aucune condition de forme. « 34. L'obligation prévue à l'article 40 du Code de procédure pénale n'est assortie d'aucune sanction pénale, le contrôle du parquet sur la diligence dont font preuve les fonctionnaires dans cette obligation reste donc 33 Par exemple, un délit de trafic de stupéfiants en haute mer 34 Cass. Crim. 28 janv. 1992, Gaz. Pal. 1992, 1, 365 27 marginal et ne repose que sur une entente mutuelle. De manière réciproque, il existe à la charge de l'autorité judiciaire une obligation de transmission à la douane des informations intéressant son activité. L'article 343 bis du Code des douanes dispose en effet « qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information, même terminée par un non lieu, l'autorité judiciaire doit donner connaissance au service des douanes de toutes indications qu'elle peut recueillir de nature à faire présumer une fraude commise en matière douanière ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat d'enfreindre les dispositions soit législatives, soit réglementaires se rattachant à l'application du code des douanes « . Cette disposition doit permettre à l'autorité judiciaire de fournir à l'administration des douanes des éléments dont l'exploitation peut aboutir à la constatation d'une infraction douanière. De même, au stade de l'instruction, sur la base de constatations faites par le juge d'instruction en droit commun, il peut permettre, en communiquant ces informations à la douane, l'ouverture d'une procédure douanière. Si une infraction douanière connexe est relevée, la douane peut alors joindre son action à celle de droit commun. L'application de ce texte permet désormais la saisine par le parquet de la douane judiciaire en enquête préliminaire en application de l'article 28-1 du code de procédure pénale lorsque les faits sont suffisamment précis. 8. A cette obligation de collaboration réciproque, on peut ajouter que, de manière plus marginale, il existe pour les agents des douanes une obligation de collaborer avec l'autorité judiciaire comme tout citoyen, mais qui prend ici une dimension particulière. Le Code de procédure pénale, dans son article 73, donne qualité à tout citoyen pour appréhender l'auteur d'un crime ou d'un délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement et de le conduire devant l'officier de police judiciaire. Ce texte, qui concerne toute personne qui est témoin d'une infraction flagrante trouve des exemples particuliers d'application à l'administration des douanes dans le cadre notamment de la mise en oeuvre de la convention de Schengen. Par exemple, à l'occasion des contrôles douaniers, les agents des douanes, en retrait des frontières extérieures Schengen, c'est à dire en dehors du champ de compétence que leur confère l'article 67 quater 35, peuvent découvrir des faits constitutifs d'une infraction à la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers sur le territoire français. Deux hypothèses sont alors à distinguer dans la mesure où les agents des douanes n'ont de compétence en matière de contrôle de l'immigration qu'aux frontières extérieures Schengen et dans les lieux où se 35 Au-delà de 20 km des frontières Schengen, hors des ports, aéroports et gares internationales 28 déroule le transport international des personnes. Si l'infraction présente les caractères de la flagrance au sens de l'article 53 du Code de procédure pénale, les agents des douanes peuvent appliquer l'article 73 du Code de procédure pénale et retenir la personne afin de la conduire à l'officier de police judiciaire le plus proche. Si l'infraction n'est pas flagrante, les douaniers peuvent appliquer l'article 40 du Code de procédure pénale et informer le procureur de la République territorialement compétent, qui décide des suites utiles. L'article 73 du Code de procédure pénale ne prévoit pas expressément l'usage de la coercition, mais la jurisprudence autorise l'usage des moyens nécessaires et adéquats à condition de respecter le principe fondamental de proportionnalité des moyens employés 36. Au-delà de cet aspect général de collaboration entre la douane et l'autorité judiciaire, le code des douanes dans ses dispositions relatives à la recherche (chapitre 1) et à la constatation de l'infraction douanière (chapitre 2). 36 Cass. crim. 13 avr. 2005, Bull; crim; n°131 29 CHAPITRE 1 : LA RECHERCHE DE L'INFRACTION DOUANIÈRE 9. Le Code des douanes prévoit des modalités de contrôle des marchandises, des moyens de transport et des voyageurs. Mais le rôle des agents des douanes ne se cantonne pas à la recherche et à la saisie des marchandises de fraude. Leur rôle essentiel est l'établissement de l'infraction et la découverte des délinquants. Le contrôle des marchandises permet également celui de l'expéditeur, du destinataire et du transporteur. Ainsi, bien qu'elle porte traditionnellement sur la marchandise, l'activité de surveillance et de contrôle s'est étendue aux opérations commerciales, la conciliation de la liberté de circulation et de la protection du territoire et des intérêts communautaires ne pouvant que favoriser le recours à des formes de contrôle a posteriori. La marchandise représente la pierre angulaire du droit douanier et c'est historiquement autour d'elle que s'articule toute la réglementation. Pendant longtemps, l'infraction douanière ne pouvait être que flagrante et la marchandise constituait seule la preuve de cette infraction. Il était donc indispensable que les douaniers disposent pour celle-ci d'un droit d'accès particulièrement étendu (section 1). Si cette « visite « des marchandises s'effectuait prioritairement au bureau lors du passage frontière, le dispositif a ensuite été complété par la reconnaissance d'un droit d'accès aux locaux pouvant contenir des marchandises. Pour cela, l'administration des douanes a donc également le pouvoir de « visiter « les lieux professionnels ou privés qu'elle soupçonne d'abriter des marchandises ou des documents de fraude. Il s'agit d'atteintes au droit de propriété et à la protection du domicile strictement encadrés par le législateur (section 2) . S'ils doivent pouvoir pénétrer dans les lieux privés, les agents des douanes doivent aussi pouvoir procéder à la capture des auteurs d'une infraction douanière (section 4). Ainsi, les pouvoirs de contrainte sur les personnes, nés de la pratique ont été consacrés par la loi dans un cadre juridique strict. Enfin, dans le cadre de la lutte contre certains trafics particuliers, le législateur a accordé de larges pouvoirs aux agents de douanes, à la mesure des moyens employés par les réseaux organisés (section 3. Cet ensemble formant les pouvoirs mis à la disposition des agents des douanes par le code des douanes pour la recherche des infractions douanières. 30 Section 1 : Les pouvoirs généraux de contrôle des agents des douanes. 10. L'administration des douanes, « police des marchandises « possède des pouvoirs généraux de visite des marchandises, des moyens de transport, mais également des personnes. Ces pouvoirs, d'une portée très générale, sont étroitement réglementés. Ils s'exercent lorsque les marchandises sont présentées dans les locaux de la douane afin de procéder aux formalités de dédouanement (§ 1). Le lieu traditionnel d'exercice de cette mission de surveillance des marchandises faisant l'objet du commerce international reste le bureau de douane. C'est l'évitement de ce lieu et des formalités qui sera sanctionné et qualifié d'acte de contrebande. Mais la douane possède également un pouvoir général de contrôle qui s'exerce sur tout le territoire douanier et non pas simplement au franchissement d'une frontière (§2). Ces pouvoirs de contrôle s'accompagnent également nécessairement de pouvoirs d'appréhender les marchandises (§3). §1. Le contrôle des marchandises présentées pour dédouanement. 11. Le contrôle des marchandises présentées à la douane afin de procéder aux formalités de dédouanement est évidemment la mission principale de cette administration. Ces contrôles lors du dédouanement sont effectués sur le fondement des articles 101 et 102 du Code des douanes et de l'article 68 du Code des douanes communautaire. Il s'agit d'un contrôle après acceptation de la déclaration en douane avant d'accorder la mainlevée des marchandises présentées : on parle de vérification des marchandises. Il s'agit de vérifier la conformité de la nature, l'origine, la valeur réelles des marchandises avec celles figurant sur la déclaration en douane. La douane contrôle également le respect de normes techniques, sanitaires... Cette vérification ne pouvait, en principe, avoir lieu que dans le cadre du bureau de douanes, pendant ses heures d'ouverture. Cependant, à la demande du déclarant en douane et à ses frais, cette vérification peut cependant avoir lieu à d'autres heures et dans d'autres lieux soumis à sujétion douanière. La vérification se fera alors dans les locaux de l'entreprise qui 31 bénéficie d'une procédure de dédouanement domiciliée, type de procédures de plus en plus appliquées. La mise en place des procédures informatisées de dédouanement dans le souci d'accélérer l'accomplissement des formalités douanières et de ne pas retarder et pénaliser les opérateurs économiques a pour conséquence de généraliser le traitement des déclarations en douane par des procédures domiciliées 37 et de réduire considérablement « le taux de contrôle des marchandises ex-ante «, c'est à dire avant dédouanement. La douane a dû ainsi repenser l'ensemble de l'organisation des contrôles tant en termes de structures de contrôles que de méthodes de contrôles, ainsi que l'articulation de la collecte du renseignement, du ciblage des marchandises à contrôler et de l'exécution même des contrôles douaniers. A l'origine, c'est donc sur des obligations pesant sur les usagers que repose la surveillance des opérations régulières transfrontalières et sur le système de la déclaration spontanée. Le champ d'intervention des agents des douanes n'est toutefois pas limité aux bureaux de douane ou aux lieux sous contrôle douanier. De nombreuses dispositions du Code des douanes permettent aux agents des douanes d'opérer des contrôles à la circulation, sur la voie publique. Des prérogatives leur permettent également d'étendre leur champ d'intervention en se rendant dans les lieux privés, notamment au sein des entreprises, mais aussi au domicile des personnes. §2. Un pouvoir général de contrôle des marchandises, des moyens de transport et des personnes. 12. L'article 60 du Code des douanes attribue aux agents des douanes un pouvoir général de contrôle 38, dont le fondement législatif est extrêmement vaste. Il s'agit de rechercher la fraude relevant des dispositions du Code des douanes. Le caractère de la spécialité de la loi pénale interdit aux agents des douanes de mettre en oeuvre leurs pouvoirs pour la recherche 37 Procédures par lesquelles les entreprises réalisent elles-mêmes les formalités douanières 38 Article 60 du Code des douanes : « Pour l'application des dispositions du présent code et en vue de la recherche de la fraude, les agents des douanes peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celles des personnes. « . 32 d'infractions qui ne relèvent pas du droit douanier 39. La chambre criminelle a précisé que les agents ne pouvaient opérer en vertu des dispositions de l'article 60 du Code des douanes, qu'en vue de la recherche de la fraude douanière ou cambiaire 40. En dehors des restrictions posées par la jurisprudence (B), son objet est extrêmement vaste (A). A. L'objet du droit de contrôle général 13. Contrairement à certaines idées reçues, la surveillance du service des douanes s'exerce sur l'ensemble du territoire douanier, qui est le territoire national. Elle ne se limite pas au franchissement de la frontière, ni à la surveillance du rayon douanier. L'efficacité de la surveillance des marchandises circulant sur le territoire implique nécessairement la possibilité de procéder à la visite des moyens de transport et des personnes pouvant transporter ces marchandises, « comment pourrait-on, en effet, s'assurer de la situation régulière des marchandises transportées sans un droit de visite général ? « 41. La recherche de la fraude douanière ne se limite pas à la circulation des marchandises à travers les frontières ou sur le territoire. Le droit douanier s'intéresse aussi à la détention proprement dite qui peut être exclusive de toute circulation, puisqu'une marchandise de contrebande peut avoir échappé au contrôle en frontière et être détenue sur le territoire, le droit de visite est là encore, le moyen de s'assurer de la situation régulière ou non des marchandises détenues. 14. Le Code des douanes prévoit l'un des corollaires indispensables à la mise en oeuvre du droit de visite qui est un droit d'injonction42. L'article 61 du Code des douanes confère aux agents des douanes le moyen d'exercer leur droit de visite des moyens de transport sous la forme d'un droit d'injonction afin de faire stopper tout véhicule en vue de le contrôler. L'alinéa 1er de l'article 61 du Code des douanes dispose que « tout conducteur de moyen de transport doit se soumettre aux injonctions des agents des douanes « . Il étend donc le droit 39 Cass. crim. 18 déc. 1989, Bull. crim. n° 485 40 Cass. crim. 18 avril 1988, Gaz. Pal. 1988.2, p. 608 41 J. Pannier, « le droit de visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes «, Gaz. Pal. 1992, chron. p. 8 42 Article 61 du Code des douanes : « 1. Tout conducteur de moyen de transport doit se soumettre aux injonctions des agents des douanes. 2. Ces derniers peuvent faire usage de tous engins appropriés pour immobiliser les moyens de transport quand les conducteurs ne s'arrêtent pas à leurs injonctions. « . 33 d'injonction au delà de la simple immobilisation du véhicule. Par exemple, tout conducteur d'un véhicule doit, en application de cet article procéder à l'ouverture de son coffre ou de sa remorque 43. Les agents des douanes peuvent à ce titre faire usage de tous engins appropriés pour immobiliser le moyen de transport lorsque le conducteur n'obtempère pas. Le refus de se soumettre aux injonctions des agents des douanes est sanctionné par une contravention douanière prévue par l'article 413 bis du Code des douanes. Il faut préciser que ce droit d'injonction ne peut être mis en oeuvre que pour la recherche d'une fraude douanière. Ainsi, la jurisprudence a fait condamner l'usage des articles 60 et 61 du Code des douanes, à la demande de la police pour la constatation d'une infraction à la circulation routière, en l'espèce, la détention d'un détecteur de radar 44. 15. Si l'article 61 du Code des douanes s'applique quelque soit le moyen de transport en cause, le droit douanier contient également des dispositions qui concernent spécifiquement les moyens de transport maritimes 45. L'article 62 du Code des douanes donne aux agents des douanes un droit d'accès aux navires se trouvant à l'intérieur du rayon maritime (12 milles marins) ou de la zone contiguë (24 milles marins). L'usage de ce pouvoir a pour objectif de procéder au contrôle des différents documents de bord (les actes de nationalité, le journal de bord, les passeports, les certificats de jauge, les manifestes). L'article 63 du Code des douanes fait référence aux navires se trouvant dans les ports, rades, ou sur les rivières et canaux, y compris les navires de guerre s'ils sont français. Les agents des douanes peuvent donc monter à bord de ces navires et y demeurer jusqu'à leur déchargement ou leur départ. De plus les capitaines et commandants de bord sont tenus d'accompagner les agents des douanes pour, à leur demande, faire ouvrir les écoutilles, les chambres, les armoires du bâtiment ainsi que tous les colis désignés par les agents. Le Code des douanes précise qu'en cas de refus, les agents des douanes pourront demander l'assistance d'un magistrat. Par un arrêt du 24 mars 1999, la Cour d'appel de Rennes a assimilé les parties habitables d'un voilier de plaisance à un domicile et a annulé la procédure douanière initiée sur la base des articles 60 et 62 du Code des douanes. La portée des articles 62 et 63 du Code des douanes pourrait ainsi être restreinte selon le caractère habitable ou non des zones du navire. Enfin, outre ce droit de visite, il est également prévu un droit de poursuite hors du rayon douanier maritime et de la zone contiguë à la condition que la poursuite ait été initiée à 43 Cass. crim. 28 mai 1984, Bull. crim. n° 192 44 Cass. crim. 18 déc. 1989, Bull. crim. n° 485 45 Articles 62 et 63 du Code des douanes. 34 l'intérieur du rayon douanier ou de la zone contiguë. Cette prérogative permet aux agents des douanes d'arraisonner ou saisir un navire hors de cette zone afin de le ramener dans un port où s'exerce un contrôle douanier. Cette poursuite devra, en tous les cas, cesser dès l'entrée dans les eaux territoriales étrangères, d'où la nécessité de développer une collaboration douanière bilatérale et internationale en ce domaine. 16. Dès l'immobilisation du moyen de transport, le contrôle d'identité pourra être effectué. Sans plus de précision, l'article 67 du Code des douanes prévoit en effet que « les agents des douanes peuvent contrôler l'identité des personnes qui entrent dans le territoire douanier ou qui en sortent, ou qui circulent dans le rayon des douanes « . Contrairement aux restrictions et limites posées par le Code de procédure pénale aux différents cadres de contrôles et vérifications d'identité, aussi bien par la loi que par le Conseil Constitutionnel 46, le contrôle d'identité douanier demeure général. De plus, les prérogatives douanières en la matière ont été étendues dans le cadre des accords de Schengen puisque l'article 67 quater du Code des douanes prévoient des dispositions identiques à celles inscrites à l'article 78-2 alinéa 4 du Code de procédure pénale 47. Le contrôle douanier d'identité demeure ainsi un contrôle préventif qui n'a pas dans le cadre de l'application de l'article 60 du Code des douanes a être motivé. 17. La jurisprudence a précisé le champ d'application des dispositions de l'article 60 du Code des douanes. La doctrine se divisait en effet quant à la question du champ d'application territorial de l'article 60 du Code des douanes. Pour une partie de la doctrine, ces prérogatives exorbitantes ne pouvaient être applicables qu'aux contrôles frontaliers, dans le rayon des douanes 48. Pour un autre courant doctrinal, l'article 43 du Code des douanes autorisait les agents des douanes à faire usage du pouvoir qu'ils tiennent de l'article 60 du Code des douanes 46 DC n° 936323 du 5 août 1993, Voir J. Buisson « Contrôles d'identité «, J-Cl. proc. pen. , articles 78-1 à 785, Fasc. 10. 47 Article 78-2 alinéa 4 du Code de procédure pénale : « Dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et une ligne tracée 20 kilomètres en deça, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté, l'identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi... « . arrêté du 5 novembre 2008 désignant les ports, aéroports et gares ferroviaires et routières ouverts au trafic international dont les zones accessibles au public peuvent donner lieu à l'application de l'article 78-2 du code de procédure pénale et 67 quater du code des douanes. 48 C.-J. Berr note sous Cass. crim. 15 oct. 1984, JCP 1984, II, 20410. 35 en tout point du territoire 49. Par un arrêt du 23 mars 1992, la chambre criminelle a fait une interprétation large de l'article 60 du Code des douanes, en appliquant le droit de visite à l'ensemble du territoire soumis au contrôle de la douane, et non pas à la seule zone frontalière. Ce droit de visite s'exerce aux frontières tierces à l'Union européenne, dans les ports et plus largement sur la voie publique. La notion de voie publique a d'ailleurs été précisée par la jurisprudence et complétée par celle de « lieu d'activité normale du service « . En l'état actuel de la jurisprudence, la notion de voie publique s'entend de « tout lieu ouvert à la circulation publique et leurs extensions « 50, c'est à dire, outre les voies de circulation, les terrasses de café installées sur la voie publique, non couvertes et comportant un accès direct, les marchés installés sur des lieux ouverts au public, qu'ils soient ou non couverts, les étals de marchandises entreposées dans les passages ouverts au public (marchés aux puces, foires organisées sur des lieux auxquels le public a libre accès), les chantiers situés sur la voie publique, les halls et cours de gares ou d'aéroports ouverts à la circulation publique. Mais, sont exclus de cette notion de voie publique, notamment les débits de boissons, les discothèques, les espaces de vente agencés en boutiques fermées, qui peuvent éventuellement se trouver sur les marchés publics, les foires dès lors qu'elles sont organisées dans des espaces clos avec un guichet d'entrée, les allées des centres commerciaux. Au delà de cette notion de voie publique entendue largement, la jurisprudence a déterminé que les agents des douanes peuvent également intervenir dans les lieux dits « d'activité normale du service « 51. Ces lieux d'exercice normal de l'activité douanière comprennent les bureaux de douane, les zones frontières, les ports et aéroports internationaux, les entrepôts sous douane, les magasins et aires de dépôt temporaire : en effet, certaines marchandises peuvent arriver sur notre territoire et ne pas faire l'objet d'un dédouanement immédiat, la destination finale de ces marchandises n'étant pas forcément connue. Ces marchandises peuvent alors être placées dans des magasins et aires de dépôt temporaire. Ces magasins et aires de dépôt temporaire sont considérés par la jurisprudence comme des lieux d'activité normale des agents des douanes puisque les marchandises y sont sous surveillance douanière. L'article 60 du Code des douanes est donc applicable sur l'ensemble du territoire 49 Article 43,1 du Code des douanes : « L'action du service des douanes s'exerce sur l'ensemble du territoire douanier dans les conditions fixées par le présent code. «. 50 Cass. crim. 24 janv. 1994, Bull; crim. n° 32 51 Cass. crim. 23 mars 1992, Bull. crim. n°124 36 douanier et en tout lieu placé sous sujétion douanière, à l'exception des lieux privés au sens de la jurisprudence de la chambre criminelle de la cour de cassation 52. Encadré dans son champ d'application, qui reste cependant très large, l'article 60 du Code des douanes est également large dans son objet. Il prévoit, en effet, le droit pour les agents des douanes de procéder à la visite des moyens de transport (1), des marchandises (2), et des personnes (3). 1. Le droit de visite des moyens de transport. 1. L'article 60 du Code des douanes qui n'évoque que « les moyens de transport « sans autres précisions permet l'exercice d'un droit de visite quelle que soit la nature du moyen de transport : terrestre, ferroviaire, aérien ou maritime. Il s'exerce autant à l'égard des transports publics que privés. A part cette disposition, d'autres articles du Code des douanes s'appliquent au droit de visite de moyens de transport particuliers 53. L'article 60 permet par ailleurs une visite de la totalité du moyen de transport , ce qui signifie que les agents des douanes peuvent aller au-delà du simple contrôle des marchandises transportées. Ainsi, lors de la visite d'un véhicule automobile, la mise en oeuvre de l'article 60 du Code des douanes permet d'inspecter le coffre du véhicule mais également son habitacle, les vides poches et autres « caches naturelles « d'un véhicule. Lors du contrôle d'un ensemble routier, outre les remorques, les agents des douanes peuvent procéder à la visite du véhicule, y compris de la cabine. L'étendue de ce droit de visite des moyens de transport peut s'expliquer par la finalité de ce pouvoir. Il poursuit en effet un double objectif. Le premier est de vérifier que les obligations déclaratives pesant sur le moyen de transport ont été effectuées et que toutes les taxes pesant sur le véhicule ont été acquittées. Du fait des compétences de la douane en matière de fiscalité pétrolière, les agents des douanes peuvent par ailleurs vérifier la nature du carburant utilisé dans le véhicule. Le second objectif est de vérifier que le moyen de transport n'est pas pas « un instrument de fraude « . Les moyens de transport sont des vecteurs d'importation et d'exportation de marchandises non déclarées ou illicites. Le contrôle des moyens de transport a donc pour finalité la découverte de cette marchandise et des cachettes aménagées ou 52 Cass. crim 24 janvier 1994, Bull. crim n° 32, lieux privés où doivent être respectées les dispositions de l'article 64 du Code des douanes. 53 L'article 63 du Code des douanes évoquent « tous les bâtiments y compris les navires de guerre... « et l'article 63 bis du Code des douanes concernent « les installations et dispositifs du plateau continental et de la zone économique... et les moyens de transport concourant à leur exploration ou à l'exploitation de leurs ressources naturelles.... « 37 naturelles utilisées. Lorsqu'il a été fait usage de ces cachettes naturelles ou aménagées pour dissimuler la marchandises de fraude, la saisie du véhicule est d'ailleurs systématique afin de demander sa confiscation à la juridiction répressive. Lorsqu'il n'a pas été fait usage de cachettes aménagées, la saisie du moyen de transport est facultative. Elle répond alors à deux objectifs différents. Soit les marchandises découvertes sont fortement taxées ou prohibées, il s'agit alors de la commission d'un délit douanier de première classe. La confiscation du moyen de transport est prévue par l'article 414 du code des douanes. Sa saisie est donc une mesure conservatoire, dans l'attente du prononcé de cette confiscation par le magistrat. Soit les marchandises découvertes ne sont ni prohibées, ni fortement taxées, il s'agit alors d'une contravention douanière pour laquelle la confiscation n'est pas prévue. Mais, le moyen de transport peut encore être saisi aux fins de sûreté des pénalités, ce que prévoit expressément l'article 323, 2 du Code des douanes. Si le fraudeur n'est pas le propriétaire du véhicule, l'article 326, 3 du Code des douanes prévoit la restitution à son véritable propriétaire de bonne foi. A titre de comparaison, le Conseil constitutionnel a eu à se prononcer sur un projet de loi concernant la police judiciaire lui accordant le droit de fouiller les véhicules, même sans l'existence d'une infraction flagrante. Ce projet a été déclaré inconstitutionnelle en raison de la généralité de ses termes et de l'absence de tout contrôle judiciaire sur les conditions de mise en oeuvre, ce que le Conseil constitutionnel a jugé attentatoire à la liberté individuelle, « principe fondamental reconnu par les lois de la République, dont le juge est le garant au titre de l'article 66 de la Constitution de 1958 54. Le principe reste donc qu'une infraction flagrante est exigée pour permettre à la police de faire ouvrir le coffre d'un véhicule 55. Mais les articles 78-2-2, 78-2-3 et 78-2-4 du Code de procédure pénale prévoient des cadres légaux permettant aux officiers de police judiciaire de fouiller des véhicules, sur instructions du procureur de la République et sous son contrôle, dans des conditions strictement définies. Il ne s'agit pas d'un pouvoir général mais exceptionnel en vertu duquel le législateur autorise les membres de la police judiciaire à effectuer des visites de véhicules, hors de tout cadre d'enquêtes, lorsque les infractions graves sont susceptibles d'être réalisées. Appréhendant les infractions terroristes, le législateur a donné aux officiers de police judiciaire la faculté de contrôler les véhicules qui sont sur la voie publique, et ce, sur réquisitions du procureur de la République. Une première 54 DC n° 76-75 du 12 janv. 1977 relative à la loi autorisant la visite des véhicules en vue de la recherche et de la prévention des infractions pénales, JORF du 13 janv. 1977, p. 344 55 Cass. crim. 8 nov. 1979, D. 1980, chron. p. 99, P. Chambon ; JCP 1980, I, 2983. 38 loi du 15 novembre 2001 était intervenue une première fois pour mettre en place un tel dispositif 56. C'est la loi n°2003-29 du 18 mars 2003 qui a complété et rendu permanent ce pouvoir. La loi n°2011-266 du 14 mars 2011 est venue préciser ce dispositif en ce qui concerne l'article 78-2-2 du Code de procédure pénale. En réalité, le Code de procédure pénale prévoit trois situations distinctes dans lesquelles sont permises les visites de véhicules répondant à un régime différent. L'une relève de la police administrative alors que les deux autres sont mises en oeuvre par la police judiciaire. On est donc bien éloigné du régime très large et permissif pour les agents de la visite douanière des véhicules. Outre les moyens de transport en tant que tels, l'article 60 du Code des douanes permet aux agents des douanes de contrôler les marchandises situées dans ce moyen de transport. 2. Le droit de visite des marchandises 2. Si le Code des douanes prévoit que les marchandises peuvent être visitées, c'est pour s'assurer de la régularité de leur présence sur le territoire douanier national et communautaire. Les textes communautaires ont posé pour principe la libre circulation des marchandises. Cependant, les articles 2bis et 2ter du Code des douanes prévoient la possibilité de dérogations particulières, de restrictions pour certaines marchandises. Ce texte s'applique aux marchandises situées sur le territoire douanier communautaire qui présentent un intérêt douanier. La conséquence de la nature particulière de ces marchandises est de les soumettre à des règles spécifiques de détention et de circulation, même sur le territoire de l'union européenne. L'article 215 du Code des douanes complété par l'arrêté du 11 décembre 2001, prévoient que la détention des marchandises énumérées 57 nécessite la production de quittances attestant que ces marchandises ont été régulièrement importées dans le territoire 56 Loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 57 L'arrêté du 11 décembre 2001 portant application de l'article 215 du Code des douanes reprend une liste de marchandises soumises à un régimes particuliers de détention dont les stupéfiants ; les armes, munitions et explosifs ; les objets ou support à caractère pornographique comportant la représentation d'un mineur, ; les marchandises présentées sous une marque contrefaite ; les marchandises relevant de la réglementation communautaire au titre des biens à double usage ; les spécimens d'espèces de la faune et de la flore menacées d'extinction, inscrites aux annexes de la convention signée à Washington le 3 mars 1973 ; les marchandises faisant l'objet d'un courant de fraude international dont l'alcool, les tabacs et les perles fines. (JO 26 déc. 2001) 39 douanier communautaire, des factures d'achat ou de fabrication ou tout autre justificatif d'origine émanant de personnes ou sociétés régulièrement établies à l'intérieur du territoire douanier communautaire. A défaut de production d'un tel document, l'infraction de contrebande de marchandises prohibées est constituée 58. La question du statut douanier particulier de certaines marchandises ne se pose que dans la mesure où le plus souvent elles font l'objet de prohibitions pour des motifs de sécurité publique, comme les stupéfiants, les armes ou pour des impératifs d'ordre également économique comme la contrefaçon. Relèvent d'un régime communautaire dérogatoire les marchandises énumérées à l'article 38 du Code des douanes 59. Le paragraphe 5 de l'article 38 du Code des douanes permet d'accroître cette liste par arrêté 60. Les personnes qui détiennent de telles marchandises doivent en application de l'article 215 du Code des douanes « à première réquisition des agents des douanes produire soit des documents attestant que ces marchandises ont été introduites sur le territoire douanier en conformité avec les dispositions portant prohibition d'importation ou que ces marchandises peuvent quitter le territoire douanier en conformité avec les dispositions portant prohibition d'exportation, soit toute justification d'origine émanant de personnes ou de sociétés régulièrement établies à l'intérieur du territoire douanier « . La découverte de ces marchandises résultera le plus souvent de la fouille du véhicule utilisé comme moyen de transport mais l'article 60 précise que les agents des douanes peuvent également procéder à la « visite des personnes « . 3. Le droit de visite des personnes 1. Cette notion de visite des personnes recouvre plusieurs cas allant du contrôle simple de l'identité déjà évoqué à la véritable fouille à corps. Dans cette hypothèse du droit de visite, entendu largement, le douanier a la faculté de procéder à une fouille pour découvrir l'infraction, alors que le policier ne peut user de ses 58 Cass. crim. 14 nov. 1996, Dr. pénal 1997, comm. n° 49. 59 L'article 38 alinéa 4 du Code des douanes, complété en 2008, vise notamment les précurseurs de drogues, les matériels de guerre, les produits à double usage, les produits du corps humain, aux tissus ou cellules embryonnaires ou foetaux, aux sources artificielles et naturelles de radionucléïdes, les substances classées comme stupéfiants ou psychotropes, certaines catégories de médicaments, les marchandises contrefaites, les déchets, les objets comportant l'image d'un mineur à caractère pornographique, les biens culturels. 60 Ce qui a été le cas pour les viandes bovines par arrêté du 24 juillet 2001 portant application de l'article 38alinéa 5 du Code des douanes. Voir également l'arrêté du 1è janvier 2007, JO é « janv. 2007, p. 1291 40 pouvoirs de contrainte que dans la mesure où il a déjà démontré l'existence d'une flagrance. L'exercice du droit de visite douanier est toujours préventif, c'est à dire, sans nécessité de l'existence d'un indice apparent. Cette caractéristique du droit de visite douanier exorbitant du droit commun n'est pas contestée. De plus, le fait pour le Code des douanes d'évoquer la « visite des personnes « sans autre précision laisse la possibilité de contrôles variés. La pratique douanière a eu tendance à retenir une conception large de l'exercice du droit de visite des personnes conduisant ainsi a jurisprudence à poser certaines limites. Toute la difficulté consiste dans la nature des opérations douanières réalisées au cours de la visite des personnes. La palpation de sécurité est admise, comme en droit commun, afin de garantir la sécurité des fonctionnaires procédant au contrôle. Les agents des douanes peuvent ainsi vérifier également que la personne ne dissimule pas de marchandise de fraude. La question qui a dû alors être précisée par la jurisprudence est celle de « l'étendue de la personne « . Où s'arrête « la personne «, en d'autres termes, la visite des personnes s'étend-elle aux accessoires portés sur elle ? La question est celle de la frontière entre droit de visite et acte assimilable à une perquisition, nécessitant une autorisation judiciaire. La jurisprudence autorise ainsi sur le fondement de l'article 60 du Code des douanes la fouille des bagages et sacs à main, attachécase portés par la personne contrôlée 61. Des arrêts concernant la fouille de porte-documents ou d'agenda ont réaffirmé que la procédure de l'article 60 du Code des douanes pouvait s'appliquer à la découverte des éléments permettant de caractériser une infraction, qui sont trouvés lors de la fouille de bagages 62. La chambre criminelle avait antérieurement semblé poser une limite au droit de visite en faisant valoir le caractère non volontaire de la remise de documents trouvés dans un portefeuille, ce qui s'apparentait à une perquisition 63. Si l'on admet aisément le droit pour les agents des douanes de procéder à une palpation de sécurité, comme tout agent de la force publique, l'article 60 du Code des douanes autorise les douaniers à pratiquer la fouille à corps pour la recherche de la fraude. Et non pas, là encore, comme le ferait la police judiciaire uniquement dans les cas de flagrance. La personne contrôlée ne peut s'y opposer. Cette dernière en cas de refus, verrait relever à son encontre l'infraction d'opposition à fonction, contravention prévue à l'article 413 bis du Code des 61 Cass. crim. 26 fev. 1990, Bull. crim. n° 93 ; Cass. crim. 27 juin 1988, Bull. crim. n° 290 62 Cass. crim. 18 avr. 1988, Bull. crim. n° 162 Cass. crim. 20 fev. 1990, Bull. n° 93, D. 1991, somm. p. 171 note Pannier, Rev. sc. crim. 1991, p. 96, obs. J. Beaune. 63 Cass. crim. 15 oct. 1984, Bull. crim. n° 298, JCP 1984, II, 20410, note C.J. Berr. 41 douanes. L'exercice du droit de visite à corps suppose la rétention de la personne, ce qui est doublement attentatoire aux libertés individuelles. Cette rétention ne doit donc pas excéder la durée strictement nécessaire au contrôle, c'est à dire à la réalisation de la visite et à l'établissement du procès-verbal 64. 2. Sur le fondement de l'article 60 du Code des douanes, au sein de la notion de « visite des personnes «, les agents des douanes peuvent proposer à la personne contrôlée de se soumettre à un test de dépistage de la présence de stupéfiants dans le corps. Les douaniers proposent l'examen médical à la personne suspectée. Le consentement préalable de l'intéresse doit être recueilli. A défaut de l'accord de l'intéresse, la loi prévoit une seconde procédure de fouille in corpore qui permet de passer-outre le refus de la personne suspectée. La personne contrôlée doit être avisée dans une langue qu'elle comprend de la faculté de refuser un tel test. Le refus de se soumettre à un tel test n'est pas sans conséquence, puisqu'il peut constituer « un indice sérieux « permettant la mise en oeuvre de l'article 60 bis du Code des douanes. La loi n° 87-1157 du 31 décembre 1987 a en effet intégré dans la législation une procédure propre au droit douanier. Cette loi autorisant la visite in corpore prévoit deux situations en fonction de l'attitude de la personne que les douaniers entendent soumettre au contrôle. L'article 60 bis du Code des douanes suppose « des indices sérieux laissant présumer qu'une personne transporte des produits stupéfiants dissimulés dans son organisme « . Une circulaire du Ministère de la justice définit des indices de nature à susciter l'intérêt des douaniers pour le contrôle d'un voyageur 65 . Il s'agit de « l'absence de bagages ; la brièveté de la durée du séjour en France ; le pays de provenance, cas, en particulier, des pays producteurs de substances stupéfiantes ; la date et le lieu de délivrance du passeport ; le mode de paiement du billet d'avion ; le lieu de délivrance du billet par rapport au domicile ; la découverte en quantité importante de certains types de produits pharmaceutiques dans les bagages du voyageur ; son comportement et sa gène pour se déplacer ; la communication par des services tiers, services de police ou de douane étrangers, de renseignements circonstanciés désignant le passager concerné comme étant porteur de stupéfiants « . Ces indices dont certains sont précis, d'autres généraux restent étrangers à toute notion de flagrance, l'infraction n'étant pas encore constatée c'est le résultat positif des examens médicaux qui fait débuter la flagrance et permettra la retenue douanière. 64 Cass. crim. 15 juin 1987, Bull. crim. n° 249 65 Circulaire du ministère de la justice du 1er février 1988, Gaz. Pal. 1988, legis. p. 163 ; JCP 1988, II, 61245 42 L'article 60 bis du Code des douanes prévoit une première phase non judiciaire. Mais s'agissant d'une mesure particulièrement attentatoire aux libertés individuelles, l'autorisation de l'autorité judiciaire est nécessaire, juge des libertés et de la détention, un juge du siège garant des libertés individuelles. De plus, la circulaire du Ministère de la justice du 1er février 1998 impose aux douaniers de fournir à l'autorité judiciaire suffisamment de renseignements circonstanciés, même si des procédures d'urgence avec un formalisme allégé ont été prévues. La découverte de la marchandise de fraude constituant la flagrance, elle revêt une grande importance dans le déroulement de la procédure douanière puisqu'elle permet le placement en retenue douanière et les opérations de visite domiciliaire. La jurisprudence a été amenée à préciser les conditions du contrôle opéré sur le fondement de l'article 60 du Code des douanes, en particulier la durée de ce contrôle et les moyens coercitifs à la disposition des agents des douanes lors d'un tel contrôle. B. Un contenu limité par la jurisprudence 1. La jurisprudence a dû poser certaines limites à l'article 60 du Code des douanes, qui donne aux agents des douanes de vastes prérogatives du fait de sa rédaction sommaire en termes très généraux et dont la mise en oeuvre ne nécessite pas que soient réunis au préalable des indices laissant présumer l'existence d'une infraction douanière 66. Si l'usage des pouvoirs des agents des douanes n'est possible que pour la recherche d'infractions douanières, lorsqu'ils agissent dans ce cadre, ils peuvent néanmoins relever une infraction qui n'est pas de nature douanière et qu'ils découvrent de manière fortuite. Dans cette hypothèse, soit les agents des douanes sont habilités à constater cette infraction, soit elle ne relève pas de leur compétence et ils en informent le parquet conformément à l'article 40 du Code de procédure pénale. Le droit de visite douanier ne nécessitant aucune infraction flagrante, deux questions ont été soulevées en jurisprudence : quelle est la limite de la période pendant laquelle le contrôle est effectué ? Les agents des douanes peuvent-ils user de moyens de coercition durant le temps du contrôle ? 66 Cass. crim. 28 fev. 1995, inédit 43 La chambre criminelle de la Cour de cassation s'est prononcée sur la durée du contrôle exercé au titre de l'article 60 du Code des douanes et sur la légalité même de la rétention par un arrêt du 15 juin 1987 67. En l'espèce, des agents des douanes d'Orly avaient retenu une personne qu'ils suspectaient de contrebande de produits stupéfiants plus de quinze heures afin d'attendre l'arrivée de ses bagages, la personne ayant, au cours du contrôle, avoué transporter des produits stupéfiants. L'annulation de la procédure douanière a été prononcée aux motifs que « si la faculté pour les agents des Douanes de retenir les personnes découle implicitement mais nécessairement du droit, qui leur est reconnu par l'article 60 du même Code, de procéder à la visite des marchandises, des moyens de transport et à celle des personnes, cette mesure ne peut s'exercer que pendant le temps nécessaire à ces visites et à l'établissement du procèsverbal qui les constate «. En l'absence de dispositions précises, une partie de la doctrine considère que la rétention des personnes découle nécessairement du droit de visite. Les juridictions répressives estiment que la rétention ne peut durer que « le temps strictement nécessaire au contrôle « . La notion de durée nécessaire est appréciée en fonction de l'objet du contrôle. Ainsi, la Cour de cassation estime que l'article 60 du Code des douanes autorise la fouille d'un manteau et d'un bagage à main, ainsi que le maintien à disposition de la personne pour la rédaction du procès-verbal pendant plus de cinq heures 68. Le droit de rétention, corollaire du droit de visite, sera apprécié par les juridictions en fonction des circonstances de fait. Par exemple, la chambre criminelle a estimé que la visite d'un voilier durant près de vingt-trois heures n'entache pas la procédure d'irrégularité 69, ni le maintien à la disposition des agents des douanes d'un navire et de son équipage pendant une vingtaine d'heures, dès lors que les douaniers ont procédé à la visite « sans discontinuer « 70. La Cour de cassation a renouvelé sa jurisprudence sur cette question en posant cependant une limite : les personnes contrôlées ne doivent pas être retenues contre leur gré et ne doivent faire l'objet d'aucune mesure coercitive 71. En dehors de la découverte d'une infraction flagrante et donc sans la possibilité d'un placement en retenue douanière sur le fondement de l'article 323-1 du Code des douanes, les douaniers n'ont aucun moyen de coercition. Le refus de se soumettre à la visite sera constitutif d'une opposition à fonction, contravention de cinquième classe prévue à l'article 413 bis du Code des douanes. La personne doit se soumette aux injonctions des agents 67 68 69 70 71 44 Cass. crim. 15 juin 1987, Bull. crim. n° 249, Gaz. Pal. 1987, 2, p. 796 Cass. crim. 22 fév. 2006, Bull. crim n° 53, AJ pénal 2006, p. 219 Cass. crim. 17 sept. 1991, D. 1993, somm. p. 79, note J. Pannier ; Gaz. Pal. 1992, 2, 585 note J. Pannier Cass. crim. 13 juin 1996, Bull. crim; n° 252, Gaz. Pal. 1996, 3, chron. p. 175 Cass. crim. 4 déc. 1997, Bull. crim. n° 416, Gaz. Pal. 1997, chron. p. 54 des douanes mais également aux demandes des douaniers visant à accomplir leur mission 72. La jurisprudence étend largement la notion de respect des injonctions des douaniers concernant aussi celles destinées à permettre, en vue de la recherche de la fraude, la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes. L'opposition à fonction, qui se distingue des qualifications pénales de rébellion et de violences aggravées par la qualité d'agents de la force publique, notamment d'agents des douanes, existe en droit douanier, quelle que soit la modalité du droit de visite mis en oeuvre. Il revient alors aux agents des douanes de préciser lors de la rédaction des procès verbaux les données factuelles relatives aux caractéristiques du moyen de transport et à l'emplacement de la marchandise, qui permettent à la juridiction répressive d'évaluer si la visite pouvait nécessiter le temps de rétention indiqué. De même qu'il existe des pouvoirs spécifiques de contrainte sur les personnes, le code des douanes prévoit des pouvoirs d'appréhension des marchandises de fraude et des marchandises dites « sensibles « en raison de leur nature particulière. § 3. Le droit d'appréhender les marchandises 2. La mission traditionnelle de l'administration des douanes est d'assurer « la police des marchandises «. Les saisies douanières de marchandises recouvrent deux hypothèses. Soit les agents des douanes peuvent saisir des marchandises parce qu'ils constatent une infraction ; soit ils estiment, dans le cadre de leurs investigations, qu'il serait utile notamment pour la sûreté des pénalités ultérieures de saisir des marchandises et des biens et dans ce cas, ils doivent solliciter l'autorisation d'un magistrat. Il est intéressant de constater que l'on retrouve un mécanisme comparable dans le cadre des pouvoirs de perquisition des lieux privés. Les pouvoirs des agents des douanes ont donc pour finalité soit de rechercher la preuve de l'infraction douanière commise ou de préserver cette preuve, soit de sauvegarder les droits du Trésor public en prenant des garanties nécessaires pour le recouvrement des sommes dues. Les pouvoirs de rétention et de saisie des marchandises sont donc multiples (A). Ils sont 72 Cass. crim. 28 mai 1984, Bull. crim. n° 192, Rev. sc. crim. 1985, p. 573 obs. J.-P. Delmas Saint-Hilaire ce que critiquent messieurs Berr et Trémeau p. 51 n° 83 45 complétés par des dispositions spécifiques relatives aux marchandises dites sensibles (B). A. Les droits de saisie et de rétention des marchandises Aux termes de l'article 323, 2ème alinéa du Code des douanes, « ceux qui constatent 3. une infraction douanière ont le droit de saisir tous objets passibles de confiscation, de retenir les expéditions et tous autres documents relatifs aux objets saisis et de procéder à la retenue préventive des objets affectés à la sûreté des pénalités. « . L'article 378 du Code des douanes prévoit également que « dans tous les cas de constatation d'infraction douanière flagrante, les moyens de transport et les marchandises litigieuses non passibles de confiscation peuvent, pour sûreté des pénalités encourues, être retenus jusqu'à ce qu'il soit fourni caution ou versé consignation du montant desdites pénalités. « . Il convient donc de distinguer les droits de saisie des marchandises et les droits de rétention. 1. Les droits de saisie des marchandises Le droit de saisie prévu à l'article 323, 2ème alinéa du Code des douanes a 4. essentiellement une vocation conservatoire des droits du Trésor. Il ne peut donc concerner que des marchandises confiscables. Ce pouvoir de saisie s'exerce soit à l'encontre de marchandises réellement appréhendées, soit à l'encontre de marchandises dites « échappées «, qui n'ont pu être appréhendées par les agents des douanes. Cette saisie des objets passibles de confiscation douanière prévue à l'article 323 du Code des douanes n'est pas limitée au cas d'infraction flagrante 73. Ce pouvoir peut être mis en oeuvre chaque fois qu'une infraction douanière est constatée, qu'elle soit ou non flagrante. Il a pour finalité ici de préparer la confiscation définitive. 2 . Le droit de rétention des marchandises 73 Cass. crim. 9 avr. 1999, Bull. crim. n° 125 46 5. Ce pouvoir de retenir la marchandise remplit deux objectifs. Le premier objectif, prévu par l'article 323, 2ème alinéa du Code des douanes, est de permettre aux agents des douanes de retenir l'objet de la fraude ou les éléments de preuve lorsque l'infraction est établie. Le second objectif du droit de rétention, prévu tant par l'article 323, 2ème alinéa que par l'article 378 du Code des douanes, qualifié de « droit de retenue préventive « a pour but de garantir le paiement de l'amende douanière. Il s'agira le plus souvent d'un droit de rétention soit sur la marchandise, objet de la fraude, lorsqu'elle n'est pas illicite, soit sur le moyen de transport. Il importe peu dans ce cas que la marchandise soit ou non susceptible de confiscation. La jurisprudence a précisé que les dispositions de l'article 323, 2ème alinéa du Code des douanes permettent que la retenue préventive des objets affectés à la sûreté des pénalités soit prononcée, par les agents des douanes qui constatent l'infraction douanière, comme « complément « à la saisie des objets passibles de confiscation. L'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 6 avril 198774 précise que la retenue préventive prévue à l'article 323, 2ème alinéa du Code des douanes peut être mise en oeuvre par les agents des douanes à l'encontre de tous les objets qui peuvent être affectés à la sûreté des pénalités. Il faut donc la distinguer de celle de l'article 378 du Code des douanes qui ne prévoit la retenue des marchandises qu'en cas de constatation d'une infraction flagrante et qui ne s'applique qu'aux marchandises litigieuses, qui ne sont pas passibles de confiscation et à leurs moyens de transport. Le Conseil constitutionnel lors de l'examen en question préalable de constitutionnalité a réaffirmé la constitutionnalité des dispositions du 2ème alinéa de l'article 323 du Code des douanes, qui « ne méconnaissent aucun droit ou liberté que la Constitution garantit «75. B. Les pouvoirs de contrôle des marchandises sensibles. 6. Il existe un certain nombre de marchandises dites sensibles du fait de leur nature, de leur valeur ou de la fiscalité dont elles font l'objet. L'administration des douanes dispose de pouvoirs particuliers afin de contrôler les flux de ces marchandises dont l'importation peut 74 Bull. crim. n° 156, Gaz. Pal. 1988, 2, 573 note J. Pannier 75 Cons. Const., 22 sept 2010, n° 2010-32 QPC, JORF du 23 septembre 2010, p. 17291 47 être particulièrement réglementée voire prohibée. Ces pouvoirs existent bien évidemment dans le cadre des échanges avec les états qui ne sont pas membres de l'Union européenne. Mais même au sein de l'Union européenne, malgré le principe de libre circulation des marchandises, les agents des douanes peuvent continuer à opérer un certain nombre de contrôles des flux de marchandises sensibles et disposent à cette fin de prérogatives particulières. 1. La notion de marchandises sensibles. L'article 38 du Code des douanes définit la notion de marchandise prohibée, cette prohibition s'appliquant à l'entrée ou à la sortie du territoire communautaire. L'article 215 du Code des douanes énumère également des catégories de marchandises soumises à des mesures de contrôle renforcées. a. La notion de marchandises prohibées 7. Les marchandises prohibées sont les marchandises dont l'exportation ou l'importation est interdite à quelque titre que se soit, ou soumise à des restrictions, à des règles de qualité, de conditionnement ou à des formalités particulières. Cette définition permet de distinguer les prohibitions absolues des prohibitions relatives. La notion de prohibition absolue signifie que la marchandise qui en est frappée ne peut en aucun cas être importée ou exportée sur le territoire douanier communautaire. En revanche, la notion de prohibition relative signifie que l'importation ou l'exportation des marchandises est possible sur présentation d'une licence, autorisation ou certificat. En effet, l'importation ou l'exportation n'est prohibée que dans la mesure où les marchandises ne sont pas accompagnées des documents précités ou lorsqu'elles sont accompagnées de documents inapplicables. Il y a souvent identité entre les produits visés à l'article 38 du Code des douanes et ceux qui sont visés aux articles 215, 215 bis, 215 ter du Code des douanes. Toutefois, les dispositions de ces articles ne sauraient se confondre. Les articles 215 et suivants réglementent la détention de ces produits, l'article 38 du Code des douanes leur importation ou exportation. 48 b. Le contrôle des marchandises dont la détention est réglementée. 8. Les marchandises concernées par l'article 215 du Code des douanes sont définies par l'arrêté du 11 décembre 2001 portant application de l'article 215 du Code des douanes modifié 76. Il s'agit des marchandises dangereuses pour la santé publique (les produits classés comme stupéfiants, psychotropes, oestrogènes et anabolisants), des marchandises dangereuses pour la sécurité publique (armes, munitions, explosifs), toute image ou représentation pornographique mettant en scène un mineur, des marchandises contrefaites, des marchandises prohibées au titre d'engagements internationaux (faune et flore protégée au titre de la convention de Washington du 3 mars 1973 par exemple), des marchandises « faisant l'objet d'un courant de fraude international et d'un marché clandestin préjudiciant aux intérêts légitimes du commerce régulier et du trésor « (alcools, tabacs, perles et pierres). La détention de ces marchandises est soumise à l'obligation de présenter un justificatif de l'origine de cette détention. Les contrôles peuvent se faire en tout point du territoire, notamment sur la base de l'article 60 du Code des douanes. Toute personne qui détient l'une de ces marchandises doit pouvoir produire, à la demande des agents des douanes, soit des quittances attestant que ces marchandises ont été régulièrement importées sur le territoire douanier de l'Union européenne, soit des factures d'achat, bordereaux de fabrication ou toutes autres justifications d'origine émanant de personnes ou de sociétés régulièrement établies à l'intérieur du territoire douanier communautaire. L'article 215 alinéa 2 instaure un droit de suite, c'est à dire que toute personne qui a, par le passé, détenu, transporté, vendu, cédé ou échangé ces marchandises doit pouvoir présenter aux agents des douanes des documents justifiant de leur origine, pendant une période de trois ans. De plus, toute personne ayant établi un justificatif d'origine devra pouvoir présenter les documents prouvant une importation régulière sur le territoire douanier communautaire ou tout autre justificatif de l'origine communautaire de la marchandise. Depuis l'ouverture du grand marché intérieur, seules les marchandises en provenance ou à destination d'un état non-membre de l'Union européenne peuvent faire l'objet de 76 Arrêté publié au JO n° 299 du 26 décembre 2001 p. 20606, modifié par arrêté (JO 24 janvier 2002, p. 1603) 49 contrôle à la frontière. Il s'agit donc des contrôles à l'entrée ou à la sortie du territoire douanier communautaire, tel qu'il est défini à l'article 3 du Code des douanes communautaires. L'article 38 du Code des douanes ne s'applique qu'à l'entrée ou à la sortie du territoire douanier communautaire de marchandises qui n'ont pas une origine communautaire. Mais des restrictions quant à l'introduction ou à la détention des marchandises sensibles ont été étendues aux marchandises communautaires. 2. Le contrôle des marchandises sensibles dans les relations intracommunautaires. 9. Un article 2 bis a été inséré dans le Code des douanes après l'ouverture du Grand marché intérieur, le 1er janvier 1993. Cet article prévoit que les dispositions du Code des douanes ne s'appliquent pas à l'entrée de marchandises communautaires sur le territoire douanier national et à la sortie du territoire douanier national de marchandises communautaires à destination des autres états membres de l'Union européenne. En d'autres termes, cet article consacre la disparition des contrôles des échanges de marchandises entre états membres de l'Union européenne. Toutefois, par dérogation à cet article, certains contrôles peuvent subsister. Le Code des douanes communautaires prévoit le maintien d'un certain nombre de contrôles, par exemple, une déclaration en douane doit être déposée pour tous les échanges de marchandises communautaires avec certaines parties du territoire douanier communautaire tels que les départements d'outre-mer, les îles anglo-normandes..., qui n'appartiennent pas au territoire fiscal de l'Union européenne. Par ailleurs, les réglementations nationales restent applicables, par exception, à certains échanges intracommunautaires. Il s'agit de contrôler la circulation sur le territoire national de produits dits sensibles. L'article 38 alinéa 4 du Code des douanes étend les règles de prohibitions énumérées par l'article 38 aux échanges intracommunautaires de certaines marchandises. Pour la mise en oeuvre des dérogations au principe de libre circulation des marchandises entre états membres prévues à l'article 2 bis, l'article 65 C du Code des douanes précise que les dispositions prévues par les articles 1, 2 et 3 des titres II, XII et XV du même code sont applicables en ce qui concerne les produits dits « sensibles « énumérés à l'article 38 alinéas 4 et 5. C'est dans ce cadre que les agents des douanes disposent d'un droit de consignation leur 50 permettant d'immobiliser ces marchandises ainsi que le véhicule qui les transporte77. Les douaniers disposent également, par l'article 465 du Codes des douanes, du droit de consigner les sommes, titres ou valeurs n'ayant pas été déclarés lors de leur départ ou arrivée en France 78. La Cour de cassation a estimé que cette disposition était conforme aux articles 6§2 et 7 de la Convention européenne des droits de l'Homme 79. a. Le contrôle de la détention des produits relevant des articles 38 alinéas 4 et 5 et 215 bis du Code des douanes. 10. Afin d'assurer le contrôle des marchandises sensibles dans les relations intracommunautaires, l'article 38 alinéa 4 du Code des douanes étend les règles de prohibition énumérées par l'article 38 alinéa 1 aux échanges intracommunautaires de certaines marchandises, fixant la liste des marchandises soumises à des formalités spécifiques qui peuvent faire l'objet de contrôles douaniers : les produits et technologies à double usage (il s'agit de produits qui peuvent avoir un usage aussi bien civil que militaire), les armes et munitions, les trésors nationaux et les biens culturels, les produits stupéfiants et psychotropes, les médicaments à usage humain, les organes, tissus et gamètes, le sang issus du corps humain, les radioéléments artificiels, les contrefaçons de marques, les déchets, les représentations de mineurs ayant un caractère pornographique 80. La détention de tous ces produits est réglementée par l'article 215 bis qui prévoit que tout détenteur des produits énumérés à l'alinéa 4 de l'article 38 devra produire à la demande des agents des douanes soit des documents attestant que ces marchandises ont été introduites sur le territoire national, ou ont quitté ce territoire en conformité avec les dispositions portant prohibition d'importation ou d'exportation, soit toute justification d'origine émanant de personnes ou de sociétés régulièrement établies sur le territoire national. Il s'agit donc d'un dispositif similaire à celui de l'article 215 du Code des douanes mais qui s'applique dans le cadre des échanges 77 Article 322 bis du Code des douanes. 78 Article 465, II, alinéa 1 du Code des douanes : « En cas de constatation de l'infraction mentionnée au I par les agents des douanes, ceux-ci consignent la totalité de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction, pendant une durée de trois mois, renouvelable sur autorisation du procureur de la République du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure, dans la limite de six mois au total.3 79 Cass. crim. 11 janv. 2006 : Bull. crim. n° 14 80 Les marchandises communautaires à caractère pornographique ne mettant pas en scène des mineurs ne sont pas prohibées au titre de l'article 38 alinéa 4 du Code des douanes, mais l'article 227-4 du Code pénal pourrait éventuellement s'appliquer à la demande du parquet. 51 intracommunautaires. L'article 215 bis diffère cependant de l'article 215 en ce qu'il ne prévoit pas de droit de suite à la disposition des agents des douanes. L'article 215 bis permet donc à la douane de contrôler les conditions d'entrée ou de sortie du territoire national des marchandises énumérées dans l'article 38 alinéa 4 du Code des douanes. Une loi du 4 janvier 2001 a permis d'étendre ce mécanisme à des marchandises, dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé des douanes et du ou des ministres concernés 81 . Un arrêté du 24 juillet 2001 prévoyait notamment l'application de ces restrictions à la circulation des marchandises communautaires pour les « produits bovins et les produits carnés originaires du Royaume-Uni et du Portugal « lors de la crise de la « vache folle « . L'ajout de cet article 38 alinéa 5 à la législation douanière permettra donc au coup par coup à la douane de faire face à des crises notamment sanitaires et de lutter contre la circulation de produits dangereux pour la santé humaine. Une telle disposition manquait jusqu'alors pour permettre une réponse rapide à de telles crises. Lors des contrôles qu'il effectue, un agent des douanes doit donc déterminer s'il est en présence de marchandises relevant ou non des articles 38 alinéas 4 ou 5 du Code des douanes. A cette fin, la législation douanière prévoit une prérogative spécifique qui est le droit de consignation 82. Ces marchandises ne font donc pas l'objet d'une déclaration en douane d'importation ou d'exportation mais elles peuvent être soumises à des contrôles à la circulation (article 60 du Code des douanes), ou dans les locaux professionnels (article 63 du Code des douanes) ou privés (article 64 du Code des douanes), sur le fondement de l'article 215 bis du Code des douanes, afin de vérifier le caractère régulier du transport ou de la détention de celles-ci. 81 Loi n° 2001-6 du 4 janvier 2001portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de santé des animaux et de qualité sanitaire des denrées d'origine animale et modifiant le code rural, JORF du 5 janvier 2001, version consolidée au 27 mai 2005 82 Article 322 bis du Code des douanes : « Les agents des douanes peuvent consigner les marchandises visées au 4 et au 5 de l'article 38 ci-dessus ou susceptibles d'appartenir à l'une des catégories de marchandises énumérées dans ces mêmes dispositions, et éventuellement les véhicules qui les transportent, dans les locaux professionnels ou dans tout autre lieu autorisé par le service, aux frais du propriétaire, du destinataire, de l'exportateur ou , à défaut, de toute autre personne qui participe à l'opération d'importation o d'exportation, pendant une durée de dix jours, renouvelable sur autorisation du procureur de la République dans la limite de vingt et un jours au total, aux fins de vérification pour laquelle ils peuvent procéder ou faire procéder au prélèvement d'échantillons pour analyse. Ils peuvent, le cas échéant, contraindre le transporteur à se rendre sur un lieu approprié. « Les marchandises et les véhicules consignés sont confiés à la garde du détenteur ou de toute autre personne sur les lieux de la consignation. « 52 b. Le droit de consignation des produits relevant de l'article 38 alinéas 4 et 5 du Code des douanes 11. Le droit de consignation prévu à l'article 322 bis du code des douanes ne concerne que les marchandises visées aux alinéas 4 et 5 de l'article 38 du Code des douanes ou susceptibles d'appartenir à l'une des catégories de marchandises énumérées dans ces dispositions. Les agents des douanes ont la possibilité de consigner ces marchandises et éventuellement les véhicules qui les transportent, afin, en cas de soupçon de fraude, d'effectuer les investigations nécessaires à la réunion des éléments de preuve de l'infraction. Les marchandises, et le cas échéant leur moyen de transport, sont consignés dans les locaux professionnels ou « dans tout autre lieu autorisé « par les agents des douanes, aux frais du propriétaire, du destinataire, de l'exportateur ou, à défaut, de toute autre personne qui participe à l'opération d'importation ou d'exportation. Cette consignation a pour objectif de vérifier la nature exacte de ces marchandises. C'est pourquoi les agents des douanes peuvent procéder à des prélèvements d'échantillons aux fins d'analyse et, le cas échéant, peuvent contraindre le transporteur à se rendre dans un lieu approprié pour effectuer ces prélèvements. Il ne s'agit donc pas d'une saisie des marchandises à la suite de la constatation d'une infraction, telle que le permet l'article 323 du Code des douanes, mais d'une mesure à caractère provisoire facilitant les investigations. La mise en oeuvre de ce droit de consignation prévu à l'article 322 bis du Code des douanes est strictement encadrée. La consignation est en principe limitée à dix jours. Si au terme du délai de dix jours prévus pour la consignation une prolongation s'avère nécessaire afin d'effectuer les investigations nécessaires à la preuve de l'infraction, notamment l'analyse des échantillons prélevés, elle ne peut être acquise qu'après autorisation du procureur de la République. Elle ne peut cependant pas excéder vingt et un jours. Pendant cette période, les marchandises et les véhicules consignés sont confiés à la garde du détenteur ou de toute autre personne sur les lieux de la consignation. S'agissant d'une atteinte au droit de propriété, l'autorité judiciaire, par l'autorisation du procureur de la République intervient donc pour en limiter la durée. Cette demande n'est soumise à aucun formalisme, le contrôle du parquet est donc peu pesant. Lorsque les marchandises consignées en application de l'article 322 bis du Code des douanes sont en infraction avec les dispositions douanières, les agents des douanes peuvent procéder à leur saisie. En l'absence d'infraction douanière, la consignation est levée et les biens, marchandises et véhicule, sont restitués. En revanche, le Code des douanes ne prévoit aucune sanction en cas de violation par 53 le gardien, détenteur de la marchandise consignée, de son obligation de la conserver. S'il ne garde pas dans ses locaux professionnels la marchandise dans le délai prescrit, les agents des douanes ne peuvent que constater la disparition de la marchandise et dénoncer les faits au parquet en application de l'article 40 du Code de procédure afin que soit relevée une infraction de droit commun. L'autorité judiciaire pourrait relever une infraction à l'article 434-4 du Code pénal 83. Pour être exhaustif, il faut ajouter qu'il existe une obligation de présenter en douane certaines marchandises qui font l'objet d'une introduction en provenance d'un État de l'Union européenne ou d'une expédition à destination de l'un de ces États. Cette obligation pèse par exemple sur les matériels de guerre, les armes, les produits classés comme stupéfiants ou psychotropes, qui doivent être accompagnés d'une autorisation spécifique. Des réglementations particulières sont donc applicables à certains produits. Ces réglementations impliquent le maintien de contrôles douaniers, y compris dans le cadre d'échanges intracommunautaires et donc la mise en place de pouvoirs spécifiques pour les agents des douanes ou l'utilisation de leurs pouvoirs traditionnels dans le cadre de ces missions spécifiques. Tel est le cas, par exemple pour les biens culturels, le matériel de guerre, ou les contrôles effectués dans le cadre de la protection des consommateurs, contrôles sur le respect des normes de sécurité notamment. Section 2 : Les pouvoirs d'investigations des agents des douanes dans les lieux privés 12. Les multiples contrôles de régularité que les agents des douanes effectuent, qu'il s'agisse de s'assurer de la correcte utilisation par une entreprise du régime économique qui lui a été accordé, de contrôler en douane les marchandises pour lesquelles une telle présentation est prévue, de procéder après mainlevée des marchandises à la révision de la déclaration ou encore de contrôler un état récapitulatif d'échange de biens, concourent à la surveillance 83 Article 434-4 du Code pénal : « Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, en vue de faire obstacle à la manifestation de la vérité .....2° De détruire, soustraire, receler ou altérer un document public ou privé ou un objet de nature à faciliter la découverte d'un crime ou d'un délit, la recherche des preuves ou la condamnation des coupables « 54 générale des opérations de commerce international. Ces vérifications sont pour la plupart nécessairement réalisées dans les locaux d'une entreprise. Ils n'en sont pas pour autant des actes coercitifs de police judiciaire. Afin de mener à bien leurs investigations, les agents des douanes doivent pouvoir accéder à certains documents ou à certaines marchandises. De telles investigations ne peuvent être menées au titre de l'article 60 du Code des douanes, dont la mise en oeuvre est limitée à la voie publique et aux lieux de l'activité normale du service. Ont donc été insérées dans le Code des douanes des dispositions permettant à la douane d'intervenir en dehors de ce cadre restreint. Les agents des douanes peuvent ainsi demander communication de tous documents relatifs à des opérations relevant de leur compétence (§1) et lorsque cela est utile, ils peuvent également accéder aux locaux professionnels (§2). Les agents des douanes possèdent des pouvoirs d'investigation dans les locaux. Au sein de ces pouvoirs, une distinction s'impose puisque la jurisprudence accorde en effet une protection particulière au lieu d'habitation à laquelle le droit douanier ne déroge pas (§3). En dehors du domicile, les agents des douanes peuvent être amenés à accéder aux locaux professionnels, afin de s'y faire remettre des documents ou pour une visite plus approfondie de ces locaux dans le but de trouver des éléments de preuve d'une fraude douanière. La question du droit pour l'administration de visiter ou d'accéder à des locaux de nature privée, qu'il s'agisse d'un lieu d'habitation ou d'un local professionnel a été très débattue. Le conseil constitutionnel a notamment consacré la valeur constitutionnelle du principe de l'inviolabilité du domicile 84. Sous les orientations du Conseil constitutionnel, le législateur s'est efforcé d'encadrer l'exercice du pouvoir de perquisition des administrations par un renforcement des garanties accordées aux personnes et un rapprochement avec les pouvoirs de droit commun, prévus par le Code de procédure pénale. S'agissant des droits de visite de l'administration des douanes, le cadre juridique demeure propre à la matière douanière mais d'autres administrations ont été dotées de pouvoirs similaires. Le Conseil constitutionnel s'était prononcé lors de l'examen de l'article 94 de la loi de finances pour 1985, qui avait pour objet de donner à l'administration fiscale la possibilité d'effectuer des perquisitions pour rechercher les infractions en matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires 85. Il avait considéré que dès lors que les dispositions législatives permettait de déterminer le « domaine ouvert aux investigations par une définition précise des 84 Dec n° 83-164, DC du 29 déc. 1983 sur la loi de finances pour 1984 et Déc. n° 76-75, DC du 12 janv. 1977 85 Dec n° 84-184, DC du 29 déc. 1984 sur la loi de finances pour 1985, JORF du 30 déc. 1984, p. 4167 Article L 16 B du Livre des procédures fisclaes 55 infractions «, qu'elles assurent un contrôle effectif par le juge de la nécessité de procéder à chaque visite « et lui donne les pouvoirs d'en suivre effectivement le cours, de régler les éventuels incidents et, le cas échéant, de mettre fin à la visite à tout moment «, elles étaient conformes aux exigences de l'article 66 de la Constitution. Au titre des pouvoirs d'enquête confiés aux agents des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence, l'ordonnance du 13 novembre 2008 leur attribue un droit général d'accès aux locaux professionnels 86. En revanche, le champ d'application de leur droit de visite dans les lieux privés est restreint au cadre des « enquêtes demandées par la Commission européenne, dans les conditions prévues à l'article L450-4 du Code des commerce. Il est cependant apparu nécessaire, dans un souci de respect des décisions prises par la Cour européenne des droits de l'Homme de renforcer les garanties juridictionnelles offertes aux personnes concernées par une investigation douanière, ou plus largement de certaines administrations, dans leur domicile. §1. Le droit de demander communication des documents professionnels Le droit de communication dont peuvent faire usage les agents des douanes est prévu par l'article 65 du Code des douanes. Ce texte accorde des pouvoirs d'investigations en termes très généraux aux fonctionnaires titulaires des grades mentionnés par cette disposition. La loi mentionne toute une série de professionnels et de lieux d'exercice (A) de ce droit de communication 87 ainsi que les documents communicables (B) et les conditions de leur remise 86 Ordonnance n° 2008-1161 du 13 nov. 2008, art L450-3 du Code de commerce 87 Article 65 du Codes des douanes : « 1. Les agents des douanes ayant au moins le grade de contrôleur peuvent exiger la communication des papiers et documents de toute nature relatifs aux opérations intéressant leur service, quel qu'en soit le support : a) Dans les gares de chemin de fer (lettres de voiture, factures, feuilles de chargement, livres, registres, etc.) ; b) Dans les locaux des compagnies de navigation maritimes et fluviales et chez les armateurs, consignataires et courtiers maritimes (manifestes de fret, connaissements, billets de bord, avis d'expédition, ordres de livraison, etc.) ; c) Dans les locaux des compagnies de navigation aérienne (bulletins d'expédition, notes et bordereaux de livraison, registres de magasins, etc.) ; d) Dans les locaux des entreprises de transport par route (registres de prise en charge, carnets d'enregistrement des colis, carnets de livraison, feuilles de route, lettres de voiture, bordereaux d'expédition, etc.) ; e) Dans les locaux des agences, y compris celles dites de « transports rapides «, qui se chargent de la réception, du groupage, de l'expédition par tous modes de locomotion (fer, route, eau, air) et de livraison de tous colis (bordereaux détaillés d'expédition collectives, récépissés, carnets de livraison, etc.) ; f) Chez les commissionnaires ou transitaires ; 56 (C). A. Les lieux d'exercice du droit de communication 13. Ce droit, traditionnel pour les administrations financières, revêt différents aspects. Son intérêt majeur réside dans le fait qu'il permet à l'administration des douanes d'effectuer des investigations aussi bien chez la personne directement concernée par l'opération litigieuse que chez des tiers, sans que ceux-ci ne puissent opposer le secret professionnel. Plus largement, le droit de communication peut s'exercer chez les destinataires ou les expéditeurs réels des marchandises déclarées en douane mais aussi, chez toutes les personnes physiques ou morales, qui sont directement ou indirectement intéressées à des opérations régulières ou même irrégulières relevant de la compétence de la douane. Qu'il s'agisse d'établissements bancaires 88, de partenaires commerciaux ou d'organismes publics, le droit de communication ne connaît pas de limite autre que l'existence d'un lien nécessaire entre les pouvoirs spéciaux dévolus à la douane et les opérations relevant de sa compétence. Ainsi, l'article 65 du Code des douanes « permet à cette administration d'exercer son droit de communication à l'occasion de toutes opérations régulières ou irrégulières, pourvu que ces opérations relèvent de la compétence du service des douanes et que les documents demandés soient propres à faciliter l'accomplissement de sa mission « 89. La Cour de cassation a confirmé que le droit de communication prévu « dans des conditions strictement définies et proportionnées à ce qui est strictement nécessaire pour assurer le respect de l'ordre public économique et la prévention des infractions « n'est contraire ni aux dispositions de l'article 8, ni à celles de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés g) Chez les concessionnaires d'entrepôts, docks et magasins généraux (registres et dossiers de dépôt, carnets de warrants et de nantissement, registres d'entrée et de sortie des marchandises, situation des marchandises, comptabilité matières, etc. ) ; h) Chez les destinataires ou expéditeurs réels des marchandises déclarées en douane ; i) Chez les opérateurs de télécommunications et les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, pour les données conservées et traitées par ces derniers dans le cadre de l'article L 34-1 du code des postes et télécommunications ; j) Et, en général, chez toutes les personnes physiques ou morales directement ou indirectement intéressées à des opérations régulières ou irrégulières relevant de la compétence du service des douanes. « 88 Cass. crim. 20 janv. 1975, Bull. crim. n° 36, JCP 1975, II, 18137 note C. Gavalda Cass. crim. 3 mai 2001, Bull. crim. n° 107 : la Cour de cassation a estimé que le secret bancaire ne peut être opposé aux agents des douanes dans l'exercice du droit de communication. 89 Cass. crim. 20 janv. 1975, Bull. crim. n° 36 57 fondamentales 90. Mais elle a également précisé les conditions du droit de communication en sanctionnant les procédures douanières qui sortaient du cadre légal. Le Code des douanes prévoit expressément, à l'article 64A, l'exercice du droit de communication auprès des « administrations de l'État, les départements et les communes, ainsi que les entreprises concédées par l'État, les département et les communes, de même que tous les établissements ou organismes quelconques soumis au contrôle de l'autorité administrative «, « ainsi que des organismes et caisses de sécurité sociale et les organismes gestionnaires du régime d'assurance-chômage «, qu'il distingue des opérateurs économiques dont la liste est fournie par l'article 65 du Code des douanes 91 . Pour être exhaustif, il faut ajouter que dans le cadre de l'une de leurs missions particulières, les agents des douanes sont également habilités à contrôler les bénéficiaires de fonds alloués par les Fonds européens d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) ainsi que les redevables de sommes dues à cet organisme et qu'ils peuvent en cette matière faire usage du droit de communication 92. Les caractères généraux du droit de communication sont toutefois identiques dans tous ces différents cas. B. La notion de documents communicables 14. La Cour de cassation entend largement le droit de communication puisqu'elle exige simplement que les documents demandés se rapportent à des opérations relevant de la compétence des douanes, et soient propres à faciliter l'accomplissement de sa mission 93. La jurisprudence considère comme document tout support écrit mais la loi du 30 décembre 2004 est venue compléter les dispositions du code puisqu'il peut s'agir de documents « quel qu'en 90 Cass. crim. 5 fev. 1998, Bull. crim. n° 47 91 L'article 64 B du Code des douanes prévoit par ailleurs que « les documents et informations mentionnés aux articles L 330-2 et L 330-4 du Code de la route sont communiqués, sur leur demande aux fonctionnaires des douanes. 92 Ces dispositions sont prévues par les articles 65 A et 65 A bis du Code des douanes 93 Cass. crim. 30 janv. 1975, JCP 1975, II, 18137, note C. Gavalda ; Cass. crim. 15 janv. 1977, JCP 1977, II, 18651, note C. Gavalda 58 soit le support «, y compris les supports télématiques et informatiques 94. La loi n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 a étendu le droit de communication aux données conservées et traitées dans le cadre de l'article L 34-1 du Code des postes et télécommunications par les opérateurs de télécommunications. Ce droit de communication peut être mis en oeuvre auprès des personnes physiques ou morales dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication en ligne autre que de correspondance privée. Il s'agit notamment des données relatives à la facturation et au paiement des prestations de télécommunications, et des données déterminées par décret en Conseil d'État, après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui sont « nécessaires à la recherche, à la constatation et à la poursuite des infractions pénales «. En revanche, ces données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunications ou d'internet portent exclusivement sur l'identification des personnes utilisatrices des services fournis et sur les caractéristiques techniques des communications assurées. En aucun cas elles ne peuvent porter sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées sous quelque forme que ce soit, dans le cadre des communications. Ainsi, quel que soit le support de ces informations, l'article 65 du Code des douanes permet de demander communication de tous les documents, dont la tenue ou la possession est obligatoire mais également de tout document dont la douane peut prouver l'existence, y compris par exemple les notes internes ou externes sans qu'il soit question qu'elles aient dû ou non être obligatoirement ou nécessairement détenues par la personne physique ou morale à laquelle la communication est demandée 95. La jurisprudence a également posé pour principe que le droit de communication peut s'exercer sur des documents dont la personne a la disposition, soit directement, soit par l'intermédiaire d'autrui 96. Il peut donc s'agir d'une communication indirecte des documents par l'intermédiaire d'un tiers. De plus, la Cour de cassation a affirmé que le secret bancaire prévu par l'article 57 de la loi bancaire du 24 janvier 1984 ne pouvait être opposé aux agents des douanes exerçant leur droit de communication 97. Il faut souligner que si le droit de communication permet d'avoir accès à tout 94 La loi n°2004-1485 du 30 décembre 2004 a complété par cette mention les articles 64 A et 65 du Code des douanes 95 CA Paris 30 oct. 1976, JCP 1976, II, 18252, note C. Gavalda Cass. crim. 11 avr. 1997, Bull. crim. n° 143 96 Cass. crim. 21 nov. 1983, Bull. crim n° 304 ; Cass. crim. 23 nov. 1987, Bull. crim. n° 422 97 Cass. crim. 3 mai 2001, Bull. crim. n° 107 59 document, de toute nature, il ne s'applique en aucun cas aux marchandises elles-mêmes 98, même remises volontairement par son propriétaire99. Il ne permet pas davantage d'effectuer des prélèvements d'échantillons de marchandises en vue de les soumettre à une analyse 100. En complément de l'arrêt du 19 juillet 1995, le législateur a adopté un texte permettant aux agents des douanes de pénétrer dans les locaux professionnels et d'y effectuer des prélèvements d'échantillons. Cet article 63 ter du Code des douanes, introduit par la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 se rattache davantage au droit de visite domiciliaire qu'au droit de communication, puisqu'il s'agit de pénétrer dans un lieu privé. Pour assurer une certaine efficacité au droit de communication des agents des douanes, il est prévu à la charge des détenteurs des documents professionnels visés par l'article 65 du Code des douanes (manifestes attestant du transport, factures, bordereaux de livraison, comptabilité matière...) une obligation de conservation de ces documents pendant un délai de trois ans à compter de l'expédition ou de la réception des marchandises (article 65 alinéa 3 du Code des douanes). Outre cette disposition, la réglementation comptable ou fiscale implique la tenue et la conservation de certains documents pendant des délais couvrant au minimum les délais de prescription des infractions en ces matières. C. La remise volontaire des documents 15. L'article 65 du Code des douanes est clair dans sa rédaction, il s'agit uniquement de demander communication, ce qui signifie que ce pouvoir est fondé sur une communication volontaire. La communication des documents demandés doit être « spontanée et librement consentie « 101. Cependant le refus de communication est constitutif d'une opposition à fonction, contravention de cinquième classe prévue à l'article 413 bis du Code des douanes, pouvant s'accompagner d'une astreinte 102, ce qui tempère le principe selon lequel la communication doit être « volontaire et librement consentie « . Ce d'autant plus que l'on se 98 CA Paris 15 fev. 1990 : « la saisie d'un téléviseur par les agents des douanes, dans le but de prouver la fausse indication d'origine, ne peut être considérée comme la remise volontaire d'un document «. La saisie de l'appareil ne peut donc être effectuée sur le fondement de l'article 65 du Code des douanes. 99 Cass. crim. 10 juil. 1995, Bull. crim. n° 250 100 Cass. crim. 19 juil. 1995, JCP, p. 1257 101 Cass. crim. 15 oct. 1984, Bull. crim. n° 298 102 Une astreinte prévue par l'article 431 du Code des douanes Cass. crim. 7 juin 1993, Bull. crim. n° 202 60 passe en revanche du consentement des intéressés pour la saisie des documents ainsi remis, prévue par l'alinéa 5 de l'article 65 du Code des douanes 103. 16. Conformément à la volonté ministérielle de renforcer l'action de la douane en matière de lutte contre la cyberdélinquance, a été mis en place au sein de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières un service « Cyberdouane «, chargé d'une mission dite « de veille « en cette matière dans les domaines de la contrefaçon, de la contrebande d'alcool et de cigarettes, d'armes et de stupéfiants. Ce service fait également partie intégrante du dispositif de coopération opérationnelle interministérielle destiné à favoriser l'échanges de renseignements entre services de l'État en charge de la lutte contre la délinquance. Cette coopération passe notamment par le biais de la plateforme de signalement « PHAROS « ayant vocation à traiter les renseignements concernant tous les contenus illicites identifiés sur internet, et à les transmettre aux services les mieux à même d'en assurer le traitement 104. Le dispositif légal actuel permet aux « cyberdouaniers « d'exercer, pour le compte de l'administration, le droit de communication prévu à l'article 65, 1, i du Code des douanes à l'égard des opérateurs d'internet et dans le cadre de la coopération avec les groupements de cartes bancaires 105. Les données sollicitées au titre du droit de communication sont strictement définies et sont celles ayant trait à la recherche et à la constatation des infractions douanières. Elles ne peuvent en aucun cas porter sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées, il ne s'agit pas de l'exercice d'un pouvoir d'interception de communications. Concrètement les données faisant actuellement l'objet du droit de communication sont celles relatives à l'identité du titulaire d'un site, d'une adresse mail, des personnes étant en contact avec lui, ainsi que leurs coordonnées bancaires éventuelles et les « adresses IP « utilisées pour la création des comptes. Lorsqu'il s'agit d'un « annonceur « 106, la douane peut également obtenir l'historique des achats et ventes depuis 103 Cass. crim. 5 mai 1997, Bull. crim. n° 164 Cass. crim. 31 oct. 2000, Bull. crim. n° 324 104 PHAROS : Plateforme d'Harmonisation, d'Analyse, de Recoupement et d'Orientation des Signalements, regroupant notamment la douane, la DGCCRF, la police et la gendarmerie 105 Article 65, 1, i du Code des douanes : « Les agents des douanes ayant au moins le grade de contrôleur peuvent exiger la communication des papiers et documents de toute nature relatifs aux opérations intéressant leur service... i) chez les opérateurs de télécommunications et les prestataires mentionnés aux 1et 2 du I de l'article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, pour les données conservées et traitées par ces derniers, dans le cadre de l'article L.34-1 du Code des postes et télécommunications. « 106 Professionnel responsable d'une opération ou campagne publicitaire, qui insère des messages sur internet dans le but de promouvoir un produit ou un service. 61 l'ouverture d'un compte. Dans le cadre de la lutte contre la fraude par internet ces agents des douanes pourront également disposer également des pouvoirs de visite des locaux professionnels et privés du droit commun douanier. Pour être exhaustif, il faut encore signaler la dimension internationale du droit de communication apportée par l'alinéa 6 de l'article 65 du Code des douanes. En effet, cette disposition prévoit que par le biais de conventions d'assistance, l'administration des douanes est autorisée, sous réserve de réciprocité, à fournir aux autorités des pays adhérents des renseignements, procès-verbaux, documents susceptibles d'établir la commission d'une infraction, recueillis après usage du droit de communication. L'article 342 alinéa 2 du Code des douanes prévoit la réciproque en autorisant la douanes à faire état, à titre de preuve, de tous renseignements ou documents fournis par les autorités des pays étrangers. 17. Selon la doctrine, il est difficile de trouver le cadre et les limites du droit de communication. Alors qu'il est unanimement présenté comme relevant des pouvoirs de recherche et de constatation des infractions, « rien ne permet d'affirmer que le droit de communication ne serve également de fondement à l'exercice de contrôle de régularité des opérations, contrôles effectués en dehors même de tout soupçon de fraude « 107. La frontière entre un droit de communication relevant d'un pouvoir de contrôle préventif et non motivé de régularité des opérations et un pouvoir d'enquête pour lequel la douane doit justifier de l'intérêt qu'elle a à prendre connaissance des documents réclamés est difficile à cerner. Cette confusion est alimentée par la généralité des termes de l'article 65 du Code des douanes. Il semble que la seule limite véritable à l'exercice du droit de communication réside dans le fait qu'il ne peut être assimilé à un droit général d'investigation dans les documents commerciaux d'une société. il revient donc aux agents des douanes de désigner précisément les documents auxquels ils veulent avoir accès. Cette question rejoint celle plus largement entendue de la nature des prérogatives de l'administration des douanes En complément de la jurisprudence montrant les limites du droit de communication, le législateur a adopté un texte permettant aux agents des douanes de pénétrer dans les locaux professionnels et d'y effectuer des prélèvements d'échantillons. Cet article 63 ter du Code des 107 E. Natarel « Construction communautaire et mutations du droit national : le code des douanes français en question «, presses universitaires d'Aix-Marseille-PUAM, faculté de Droit et science politique, 2004, p. 174, n° 402. 62 douanes, introduit par la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 se rattache davantage au droit de visite domiciliaire qu'au droit de communication, puisqu'il s'agit de pénétrer dans un lieu privé 108. §2. L'accès aux locaux professionnels 18. L'article 63 ter du Code des douanes est l'un des rares exemples d'un texte accordant à l'administration des pouvoirs qu'elle revendiquait et qui consacre des pratiques douanières jugées excessives et sanctionnées par la jurisprudence 109. Avant l'entrée en vigueur de la loi du 12 avril 1996 110, qui octroie aux agents des douanes un droit d'accès aux locaux professionnels et en fixe la régime, la douane ne disposait comme cadre légal d'intervention de contrôle a posteriori et de saisie des marchandises chez les professionnels que de l'article 64 du Code des douanes prévoyant la visite domiciliaire, dont elle faisait usage dans les locaux professionnels. Dans un arrêt du 24 janvier 1994, la chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé que l'article 65 du Code des douanes ne permettait que la communication et la saisie de documents. De même, elle a rappelé que l'article 60 du Code des douanes ne s'appliquait que sur la voie publique et « dans les lieux de l'activité du service « . Par un arrêt du 10 juillet 1995, la chambre criminelle va refuser de laisser les douaniers prélever des échantillons de marchandises au titre de l'article 65 du Code des douanes 111. La nécessité de 108 Pour une illustration en matière de contributions indirectes, Cass. crim. 19 mai 2004, Bull. crim. n° 129, Rev. sc. crim. 2005, chron. p. 577, H. Matsopoulou ; en l'espèce, les agents des douanes ont effectué des contrôles dans deux établissements, en vertu de l'article L 26 du Livre des procédures fiscales. Ayant constaté la présence de deux machines de jeux de hasard, ils ont procédé à la saisie de ces appareils, ainsi que de leur encaisse. Or, la Cour de cassation a rappelé que l'article L 26 du Livre des procédures fiscales autorise les agents de l'administration des douanes à intervenir, sans formalité préalable, dans les locaux professionnels des personnes soumises, en raison de leur profession, à la législation des contributions indirectes, afin d'y procéder à des inventaires, aux opérations nécessaires à la constatation et à la garantie de l'impôt ainsi qu'aux contrôles qualitatifs et quantitatifs. En revanche, ce texte ne permet pas aux agents d'effectuer une visite des lieux puisque seul l'article L 38 du Livre des procédures fiscales autorise les perquisitions et saisies, soit en flagrance, soit sur autorisation du président du Tribunal de grande instance et en présence d'un officier de police judiciaire. Cass. crim. 25 juin 1998, Bull. crim. n° 208, Dr. Pén. 1999, comm. n°9, obs. .J-H. Robert Cass. crim. 7 mars 2001, Bull. crim. n° 61 109 Voir par exemple Cass. crim. 24 janv. 1994, Bull. crim. n°32 sur l'interdiction d'accéder aux locaux professionnels au titre de l'article 60 du Codes des douanes et Cass. crim. 10 juil. 1995, Bull. crim. n° 250 condamnant le prélèvement d'échantillons qui n'entrait pas dans les prévisions de l'article 65 du Code des douanes. 110 Loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, JORF n° 88 du 13 avril 1996 p. 5707 111 Cass. crim. 10 juil. 1995, Bull. crim. n° 250 63 faire intervenir le législateur dans cette matière s'imposa d'autant plus que des législations particulières prévoyaient de telles prérogatives, notamment parmi celles dont le contrôle incombait à l'administration des douanes, en matière de déchets ou d'avantages accordés par le fonds européen d'orientation et de garantie agricole, pouvoirs prévus à l'article 65 A bis du Code des douanes. Les agents des douanes figuraient également dans la liste des autorités qualifiées pour procéder à la recherche et à la constatation des infractions aux normes de conformité et de sécurité des produits et services, prévues aux articles L 212-1 à L 216-12 du Code de la consommation 112 . Dans ce cadre, les douaniers pouvaient faire usage, depuis une loi de 1993 113, d'un droit d'accès aux locaux professionnels, et sous certaines conditions, lorsque ces lieux étaient également à usage d'habitation. Ces dispositions figurant à l'article L 215-3 du Code de la consommation prévoit que les agents repris dans cette liste, peuvent pénétrer de jour dans les lieux et véhicules énumérés au premier alinéa de l'article L213-4, c'est à dire tous les lieux de fabrication, de production, de conditionnement, de stockage, de dépôt ou de vente, dans les véhicules utilisés pour le transport des marchandises, ainsi que dans les lieux où sont hébergés ou abattus les animaux dont la viande ou les produits sont destinés à l'alimentation humaine ou animale. Ils peuvent également pénétrer de nuit dans ces lieux lorsqu'ils sont ouverts au public ou lorsque l'activité de production, conditionnement, transport ou commercialisation sont en cours. 19. Le législateur a donc accordé aux agents des douanes ayant au moins le grade de contrôleur d'avoir accès aux locaux et lieux à usage professionnel 114. Le droit d'accès proprement dit permet la visite des « locaux et lieux à usage professionnel, ainsi qu'aux terrains et aux entrepôts... ils ont accès au moyens de transport à usage professionnel et à leur chargement. « . L'article 63 ter du Code des douanes réserve la visite de la partie de ces locaux qui servirait d'habitation à la procédure prévue par l'article 64 du Code des douanes. Bien qu'une formalité judiciaire soit prévue conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel rappelant la valeur constitutionnelle de l'article 66 de la Constitution de 1958, elle reste spécifique puisque c'est le procureur de la République qui assure le 112 Article L 215-1 du Code de la consommation 113 Loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, JORF du 27 juil 1993 114 Article 63 ter du Code des douanes : « Afin de procéder aux investigations nécessaires à la recherche et à la constatation des infractions prévues au présent code, les agents des douanes de catégorie A ou B et les agents de catégorie C pour autant qu'ils soient accompagnés de l'un des agents précités ont accès aux locaux et lieux à usage professionnel, ainsi qu'aux terrains et aux entrepôts où les marchandises et documents se rapportant à ces infractions sont susceptibles d'être détenus, quel qu'en soit le support. Aux mêmes fins, ils ont accès aux moyens de transport à usage professionnel et à leur chargement.... « 64 contrôle de cette mesure et non pas le juge du siège 115. Le procureur de la République n'a qu'un rôle limité, il n'est compétent que pour recevoir l'information de l'administration des douanes qu'elle va procéder à la visite d'une entreprise. Ce magistrat peut refuser ce droit de visite, il ne l'autorise pas à proprement parler mais peut s'y opposer ou mettre fin au contrôle à tout moment. La mise en oeuvre de ce pouvoir est interdite aux agents des douanes lorsque les locaux sont également affectés à l'habitation. Le contrôle de ce pouvoir a pourtant été confié au procureur de la République et non pas au magistrat du siège, gardien de la propriété privée. Cette distinction entre locaux d'habitation et locaux professionnels n'est pas propre au Code des douanes. L'article L 215-3 du Code de la consommation prévoit le cas de l'accès aux lieux qui sont à la fois à usage professionnel et à usage d'habitation, de jour, et avec l'autorisation du procureur de la République, uniquement si l'occupant des lieux s'y oppose. Ces dispositions sont donc originales. Le Code de procédure pénale confie le contrôle des mesures de perquisition à un magistrat du siège ou du parquet selon le cadre procédural, perquisition en enquêtes préliminaire et de flagrance sous la surveillance du parquet, perquisition en exécution d'une commission rogatoire sous la direction du juge d'instruction, quelle que soit la nature du local, qu'il soit un domicile privé ou un local professionnel dès lors qu'il s'agit d'un lieu privé. La procédure pénale n'intègre cette distinction que dans le cadre des régimes dérogatoires de la perquisition : pour les infractions relevant de la criminalité organisée, des stupéfiants, du proxénétisme, pour la levée du respect des heures légales 116. En matière douanière, en revanche, seule la visite du lieu d'habitation hors cas de flagrance est soumise au contrôle du 115 « Le procureur de la République est préalablement informé des opérations visées au premier alinéa et peut s'y opposer. Un procès-verbal de constat relatant le déroulement des opérations de contrôle lui est transmis dans les cinq jours suivant son établissement. Une copie en est transmise à l'intéressé dans les mêmes délais... « 116 Article 706-90 du Code de procédure pénale : « Si les nécessités de l'enquête préliminaire relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, décider, selon les modalités prévues par l'article 706-92, que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction pourront être effectuées en dehors des heures prévues à l'article 59, lorsque ces opérations ne concernent pas des locaux d'habitation. « . Article 706-28 du Code de procédure pénale : « Pour la recherche et la constatation des infractions visées à l'article 706-26, les visites, perquisitions et saisies prévues par l'article 59 peuvent être opérées en dehors des heures prévues par cet article à l'intérieur des locaux où l'on use en sociétés de stupéfiants ou dans lesquels sont fabriqués, transformés ou entreposés illicitement des stupéfiants lorsqu'il ne s'agit pas de locaux d'habitation. « . Article 706-35 du Code de procédure pénale : « Pour la recherche et la constatation des infractions visées à l'article 706-34, les visites, perquisitions et saisies prévues par l'article 59 peuvent être opérées à toute heure du jour et de la nuit, à l'intérieur de tout hôtel, maison meublée, pension, débits de boissons, club, cercle, dancing, lieu de spectacle et leurs annexes et en tout autre lieu ouvert au public et utilisé par le public lorsqu'il est constaté que des personnes se livrant à la prostitution y sont reçues habituellement... «. 65 juge du siège, gardien de la propriété privée et de la protection du domicile. Pour la visite des locaux professionnels, il n'y a pas d'acte formel du magistrat du paquet lorsqu'il ne s'oppose pas à la visite, contrairement à l'ordonnance rédigée par le juge des libertés et de la détention pour autoriser la visite domiciliaire hors cas de flagrance. 20. Il existe également des limites temporelles qui restreignent le champ d'application de l'article 63 ter du Code des douanes puisque ce pouvoir ne doit s'exercer qu'entre huit heures et vingt heures, ce qui correspond aux heures classiques d'activité. En dehors de ces heures, la visite des locaux professionnels est possible dans deux hypothèses : lorsque les locaux professionnels sont ouverts au public, ou si le public n'y a pas accès, lorsque « sont en cours des activités de production, de fabrication, de conditionnement, de transport, de manutention,

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