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Le droit d'expression autorise-t-il a soutenir toutes les opinions ?

Publié le 29/10/2005

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La démocratie reconnaît le droit d'expression comme un droit fondamental de l'individu. Mais les sociologues savent que « le conformisme est la condition générale de l'opinion. En cherchant à être reconnu comme une personne, l'individu est conduit à être une personne comme tout le monde », écrit J. Stoetzel. L'opinion, qu'elle soit publique ou privée, n'est pas toujours droite. [II. Droit d'expression et liberté]Le droit ne commence qu'avec le rapport des personnes entre elles. Toute action est juste, conforme au droit, lorsqu'elle permet d'accorder la liberté de chacun et de tous. «Le droit est l'ensemble des conditions sous lesquelles la libre faculté d'agir de chacun peut s'accorder avec la libre faculté d'agir des autres, conformément à une loi universelle de liberté », écrit Kant.Ainsi, se savoir humain commence lorsque je prends conscience de mes rapports avec les autres, et ainsi de moi-même.
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« [Introduction] Il n'est pas besoin d'aller très loin de nos frontières pour découvrir des opposants politiques emprisonnés, des journalistes contraintsau silence ou des artistes interdits de publication.

Nous ne nous arrêterons pas sur le cas des pays où la censure politique, religieuseou artistique s'exerce férocement et dans lesquels le combat pour la liberté d'expression est hautement légitime; mais nousexaminerons ici le problème de la liberté d'expression dans les pays démocratiques.

Doit-elle être absolument sans limites ou bienfaut-il dans certains cas la réduire? Tout point de vue politique, philosophique, religieux, ou artistique peut-il avoir entièrement droit decité ou bien faut-il en exclure certains jugés dangereux? Nous examinerons d'abord s'il existe des cas dans lesquels un mauvais usagede la liberté d'expression est fait, et nous verrons ensuite si la censure peut être justifiée.

Nous rechercherons enfin ce qui peutlégitimement borner la liberté d'expression. [I.

Peut-il y avoir un mauvais usage de la liberté de pensée et d'expression ?] On conviendra que la liberté d'expression est un bien précieux pour lequel de nombreux intellectuels ou artistes se sont battus et quela censure est plus l'instrument des tyrans que l'outil des démocrates.

Mais il existe des cas pour les-quels certaines questions seposent.

Faut-il au nom de la liberté laisser la parole aux ennemis de la liberté? En laissant s'exprimer tous les points de vue et mêmeles plus extrêmes, les démocraties ne se placent-elles pas dans une position d'extrême fragilité? Si la République de Weimar avait étémoins indulgente à l'égard des extrémistes du temps où Hitler n'était qu'un agitateur inconnu, le nazisme aurait-il pu se développer?Faut-il dans un État de droit laisser une tribune ouverte aux propagateurs de la haine, du racisme ou de l'antisémitisme?On admettra aussi qu'en matière religieuse, une république doit être tolérante et laisser s'exprimer toutes les opinions sans enprivilégier aucune.

On sait trop en effet sur quels excès débouche l'intolérance religieuse.

Mais convient-il au nom de cette toléranced'accepter les points de vue les plus intolérants? Les pays démocratiques, par la liberté d'ex-pression qu'ils garantissent, n'ont-ils pasune responsabilité dans le développement du fanatisme et du sectarisme?On s'accordera enfin, dans les pays démocratiques, pour se féliciter que toute production intellectuelle ou artistique puisse voir le joursans se heurter au frein d'une censure idéologique.

Le passé nous a trop souvent montré ce qu'il advient lorsque l'État – ou encore lareligion – se mêle de dire aux artistes ce qu'ils doivent faire.

Mais une fois encore, les mêmes questions se posent: faut-il accepter aunom de la liberté d'expression la libre représentation d'oeuvres offensant gravement la dignité de la personne humaine? Lapornographie ne doit-elle rencontrer aucun obstacle à son développement? [II.

Peut-on justifier la censure?] Face à toutes ces questions, il serait tentant d'envisager une certaine limitation de la liberté d'expression.

Le philosophe Kart Popper,qui fut pourtant l'adversaire résolu de tous les totalitarismes, s'interrogeait lui-même dans l'un de ses derniers textes, La Télévisionest-elle un danger pour la démocratie?, sur la pertinence d'un rétablissement de la censure.Mais cette éventualité pose un problème que Kant a bien mis en évidence dans Qu'est-ce que les Lumières?: l'usage de la censurerevient en quelque sorte à diviser la population en deux catégories avec l'une qui se trouve placée sous tutelle parce qu'on la jugeinapte à faire de sa raison un bon usage, et l'autre qui s'instaure en tutrice de la première, décidant de ce qu'elle doit lire, entendre oucroire.

Semblable division est entièrement contraire à la devise des Lumières « Aie le courage de te servir de ton propre entendement»; elle vise tout au contraire à maintenir les hommes dans un état de perpétuelle minorité très profitable à ceux qui se sont arrogé laqualité de tuteurs: « Après avoir rendu bien sot leur bétail et avoir soigneusement pris garde que ces paisibles créatures n'aient pas lapermission d'oser faire le moindre pas hors du parc où ils les ont enfermées, ils leur montrent les dangers qui les menacent si ellesessayent de s'aventurer seules au-dehors.

»« Or, poursuit Kant, ce danger n'est vraiment pas si grand, car elles apprendraient bien enfin, après quelques chutes, à marcher.

» Eneffet, le danger est-il si grand? N'est-ce pas traiter indignement la population que de la juger incapable de s'éclairer par elle-même? S'ilconvient de protéger les enfants qui n'ont pas encore l'usage entier de leur raison, doit-on faire de même avec un public adulte?Certes, il existe des thèses extrémistes, des opinions outrancières etdes propos choquants, mais ne peut-on faire confiance à la raison humaine pour se détourner d'elle-même de ces points de vue? [III.

Faire confiance à la raison humaine pour limiter la liberté d'expression] L'existence de la censure paraît peu conciliable avec la vocation de chaque homme à penser par lui-même.

De même qu'un enfant neparviendra jamais à marcher si on exagère les risques qu'il prend en s'aventurant seul, un public ne parviendra jamais à s'éclairer sion le tient en permanence dans l'ignorance de tous les points de vue.Est-il inconcevable de faire confiance aux hommes pour assurer par eux-mêmes la limitation de la liberté d'expression? Car quellessont les thèses intolérables et dangereuses sinon celles qui sont exclusivement issues des passions? Est-ce en les réduisant au silencequ'on peut espérer les combattre? Ne prend-on pas, ce faisant, tout au contraire le risque de les renforcer? En incitant, à l'inverse,toutes les thèses à s'exprimer publiquement, on peut penser que chacun sera à même de juger de leur validité.Kant utilise le terme de publicité dans son sens ancien pour désigner l'obligation qui doit s'imposer à tous ceux qui prétendent soutenirdes points de vue de les rendre communicables au plus grand nombre: « Toute action qui a trait au droit des autres hommes dont lamaxime ne s'accommode pas avec la publicité est injuste », écrit-il dans Le Projet de paix perpétuelle.Cette entière visibilité des points de vue que Kant revendique, en rejoignant sur ce point la thèse de Spinoza, est contradictoire avecl'idée de censure.

Elle plaide tout au contraire pour une absence de limitation dans l'exercice de la liberté d'expression.

Car c'est cettepleine visibilité des divers points de vue qui permettra à la raison humaine de juger de leur valeur. [Conclusion] La seule limite légitime à la liberté d'expression est celle que la raison commune peut imposer d'elle-même, à la condition d'êtreéclairée sur la multiplicité des points de vue possibles.

La vocation de l'homme à penser par lui-même semble peu compatible avectoute autre forme de limitation de la liberté d'expression.. »

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