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LES ÉLÉMENTS DU COMIQUE

Publié le 06/04/2011

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   Puisque l'inspiration comique implique une réaction du bon sens, tout schéma comique comporte deux éléments :    • d'une part quelque chose que l'on prend, ou que l'on peut prendre au sérieux;    • d'autre part un procédé qui nous libère de ce respect.    Qu'est-ce que l'homme peut prendre au sérieux ? A peu près tout ce nous touche: nos habitudes de penser, de sentir, d'agir, nos règles de vie, nos valeurs ; bornons-nous donc à quelques points essentiels.        Chacun prétend à une dignité fondamentale du seul fait qu'il est un homme distinct des animaux et des choses; chacun prétend être raisonnable et libre, capable de faire les gestes qu'il veut, de parler clairement, de raisonner juste. Bref, nous portons en nous une image idéale de l'homme, et nous croyons lui ressembler. Ce sentiment est si profond qu'il est le plus souvent inconscient et, il faut justement les accidents comiques pour nous le révéler.

« • un comique d'intrigue : quand l'ingéniosité de l'auteur enchaîne à travers la pièce des méprises, des rencontres,des reconnaissances, amusantes souvent en raison même de leur invraisemblance (dans L'Ecole des Femmes parexemple, Horace apprend seulement au dernier acte qu'Arnolphe ne fait qu'un avec Monsieur de la Souche); • un comique de caractère : quand la drôlerie est inhérente au personnage lui-même, à ses goûts, à ses manies,c'est le cas des grandes créations comiques : le Soldat fanfaron, l'Avare, Figaro, Tartarin. Ces sources de comique peuvent se Juxtaposer comme dans Le Mariage de Figaro et dans les comédies modernes,ou se fondre harmonieusement, comme dans L'Avare, où les comiques de mots, de gestes, de situation sont encoredes moyens de révéler le caractère d'Harpagon. Mais cette classification est forcément incomplète: il y a aussi un comique de costume (habits de carnaval), et uncomique d'idées nettement distinct du comique des mots ; par exemple cette remarque : Madame vous avez desyeux admirables, le droit surtout! En réalité tout ce qui touche à l'homme et le révèle, est utilisable par l'auteurcomique.

La répétition qui trahit l'automatisme est drôle, mais la surprise qui exclut la répétition l'est également; larapidité des événements qui ne nous laisse pas le temps de les prendre au sérieux favorise le comique (contes deVoltaire), mais la lenteur aussi peut être amusante, surtout quand la situation exigerait de la promptitude (arrivée deDubois dans Le Misanthrope).

Ajoutons enfin qu'il n'est pas un seul de ces procédés traditionnels qui soit comique enlui-même et toujours ; tout dépend du genre d'intérêt qu'on porte à l'événement : les enfants rient quand Guignolrosse le gendarme, mais le spectacle d'un homme roué de coups est odieux. Il n'est donc pas question de dresser une liste complète des procédés comiques ; mieux vaut s'en tenir à une idéesimple : Rire de quelqu'un, c'est refuser ou cesser de le prendre au sérieux, et on refuse de prendre au sérieux celuiqu'on trouve, ou qu'on veut trouver inférieur à soi ; infériorité que l'on ressent en fait comme un excès : de naïveté,de prétention, de poltronnerie, etc.

et surtout de vanité.

Le ridicule est toujours lié à un excès1.

Or, pour fairevaloir un excès, il n'est guère qu'un procédé : le contraste. • Tantôt ce contraste s'établit entre le personnage ridicule et le public lui-même (ses habitudes, ses croyances, sesgoûts), c'est-à-dire l'humanité moyenne, considérée comme détentrice du bon sens.

Pour souligner ce contraste,dont un des termes (le public) est en somme sous-entendu, l'auteur en vient quelquefois à charger le ridicule jusqu'àla caricature; c'est ce que l'on trouve dans la farce, ou chez Rabelais. • Tantôt, pour éviter ce grossissement qui nous éloigne du réel, l'auteur ménage une opposition plus discrète et plussavante entre les différents personnages (Alceste et Philinte, Alceste et Oronte, etc.); entre deux aspects d'unmême individu (Alceste, épris de sincérité, est prisonnier des charmes d'une incorrigible coquette; le vocabulaire deTartuffe est d'autant plus dévot que ses pensées le sont moins.

Tartarin est à la fois Don Quichotte et Sancho) ;ou même entre les deux moments d'une aventure (renversement de situation, quand Alceste, par exemple, avec lesmeilleures raisons d'accuser Célimène, finit par implorer son pardon; songer aussi au thème du voleur finalementvolé, du trompeur trompé : le Renard et la Cigogne). Quelques contrastes • Parmi les innombrables contrastes que peut ménager l'auteur comique, il y a d'abord l'erreur et l'ignorance,réjouissantes pour le public qui sait la vérité: ainsi quand un malade fait remarquer à Sganarelle devenu médecin quele cœur est à gauche.

Nous avons changé tout cela, répond tranquillement le médecin, et le malade n'insiste pas. • Contrastant avec l'effort moral on connaît cette amusante prière d'Alfred Capus : Mon Dieu, épargnez-moi lesdouleurs physiques, des morales, je m'en charge ; citons plus généralement le personnage pittoresque etdébrouillard, comme Panurge, que les scrupules n'embarrassent pas trop.

Il en est de même pour l'exaltationhéroïque.

Pendant la Commune, on discutait des moyens de mettre fin à la guerre civile: « J'en connais un», s'écriaVictor Hugo, «je monte sur la première barricade venue et je me fais tuer...

La Commune est finie.

» -«Pour vous,évidemment», répondit Aurélien Scholl.

Citons aussi la célèbre formule: Armons-nous et partez». • De la même manière, la beauté n'est pas comique, mais une certaine laideur significative peut l'être contrastantavec l'idéal esthétique sérieux et exaltant : les costumes du carnaval populaire, les masques antiques de la comédiesont bouffons ; on imagine mal que Tartuffe, Orgon, le Bourgeois Gentilhomme soient d'une beauté apollinienne, illeur faut des visages blafards ou rubiconds, il faut qu'Harpagon soit maigre et presque squelettique, beau si l'onveut, mais de cette contre-beauté plus expressive que le réel, qui fleurit dans la caricature et que Hugo appelait legrotesque ; le grotesque étant en somme une stylisation et, si l'on peut dire, une harmonie de la laideur.

On entrouvera de savoureux exemples au quatrième acte de Ruy Blas ou dans Le Capitaine Fracasse de Gautier. Au total, c'est bien le contraste1 qui apparaît comme le procédé comique fondamental; et l'on peut juger en gros lavaleur d'une inspiration comique, selon qu'elle établit un contraste • avec les événements de la vie courante (comique d'évasion, comédie d'intrigue); • ou avec le bon sens, signalant ainsi un déséquilibre de l'homme (comique humain, comédie de caractère).Naturellement ces deux espèces de comique peuvent se mêler dans une même œuvre, et entre eux, il existe tous. »

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