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Les éléments nécessaires à la formation d'un langage ?

Publié le 12/02/2004

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langage
« Enfin il n'y a aucune de nos actions extérieures qui puisse assurer ceux qui les examinent que notre corps n'est pas seulement une machine qui se remue de soi-même, mais qu'il y a aussi en lui une âme qui a des pensées, excepté les paroles, ou autres signes faits à propos des sujets qui se présentent, sans se rapporter à aucune passion. Je dis les paroles, ou autres signes, parce que les muets se servent de signes en mêmes façon que nous de la voix ; et que ces signes soient à propos, pour exclure celui des fous, qui ne laisse pas d'être à propos des sujets qui se présentent, bien qu'il ne suive pas la raison ; et j'ajoute que ces paroles ou signes ne se doivent rapporter à aucune passion, pour exclure non seulement les cris de joie ou de tristesse, et semblables, mais aussi tout ce qui peut être enseigné par artifice aux animaux ; car si on apprend à une pie à dire bonjour à sa maîtresse, lorsqu'elle la voit arriver, ce ne peut être qu'en faisant de la prolation[1] de cette parole devienne le mouvement de quelqu'une de ses passions ; à savoir, ce sera un mouvement de l'espérance qu'elle a de manger, si l'on a toujours accoutumé de lui donner quelque friandise lorsqu'elle l'a dit ; et ainsi toutes les choses qu'on fait faire aux chiens, aux chevaux et aux singes, ne sont que des mouvements de leur crainte de leur espérance, ou de leur joie, en sorte qu'ils les peuvent faire sans aucune pensée. Or il est, ce me semble, fort remarquable que la parole, étant ainsi définie, ne convient qu'à l'homme seul. Car, bien que Montaigne et Charron aient dit qu'il y a plus de différence d'homme à homme, que d'homme à bête, il ne s'est toutefois jamais trouvé aucune bête si parfaite, qu'elle ait usé de quelque signe, pour faire entendre à d'autres animaux quelque chose qui n'eût point de rapport à ses passions ; et il n'y a point d'homme si imparfait, qu'il n'en use ; en sorte que ceux qui sont sourds et muets, inventent des signes particuliers, par lesquels ils expriment leurs pensées. Ce qui me semble un très fort argument pour prouver que ce qui fait que les bêtes ne parlent point comme nous, est qu'elles n'ont aucune pensée, et non point que les organes leur manquent. Et on ne peut dire qu'elles parlent entre elles, mais que nous ne les entendons pas ; car comme les chiens et quelques autres animaux nous expriment leur passion, ils nous exprimeraient aussi bien leurs pensées, s'ils en avaient. »   DESCARTES, « Lettre au marquis de Newcastle »   Le texte commence par l'énoncé d'une thèse : seul un échange de signes (par exemple : les signes de la parole constitués par des sons de voix -mais on peut penser aussi aux gestuelles dont se servent les sourds pour communiquer) indique la présence de l'âme dans un corps et peut permettre de poser l'existence d'un alter ego. A partir de quoi Descartes se demande ce qui fait l'irréductible spécificité d'une communication entre moi et autrui, par rapport aux échanges que je peux avoir avec d'autres êtres (les animaux). C'est ainsi qu'il établit deux critères : ¨      Les signes émis doivent correspondre à une situation donnée, témoigner de l'intelligence des questions possibles (il faut que « ces signes soient à propos »). Ce critère permet de distinguer une communication réelle où l'on prend en compte les circonstances toujours particulières, d'une simple répétition mécanique de sons (exemple du perroquet).

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