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L'Empire Ottoman

Publié le 22/02/2012

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Constantinople avait été prise en 1453. Les sultans turcs de la dynastie ottomane agrandi leurs conquêtes, commencées dès la fin du XIIIe siècle à partir d'une petite principauté du Nord-Ouest de l'Anatolie, aux dimensions d'un empire. Au début du XVe siècle, Tamerlan les avait, un temps, rejetés vers leur glacis balkanique. Puis ils avaient victorieusement rétabli la situation vers l'est, avançant vers les confins persans et arabes, et consolidé leurs positions vers l'ouest, menaçant l'Europe centrale et méditerranéenne qui éprouva la progression de leur armée comme "la plus grande terreur dans l'univers". A l'époque de Soliman le Magnifique, l'Empire ottoman s'étendit de Budapest à Aden, de Tabrîz à Oran. Il comprenait La Mecque et Jérusalem. Il était présent en Méditerranée occidentale par ses possessions maghrébines ; il bordait l'Adriatique face à l'Italie, enserrait toute la Méditerranée orientale, et débouchait sur la mer Noire, le golfe Persique, la mer Rouge et l'océan Indien. Pourtant, ce furent les marchands européens qui contrôlèrent son commerce méditerranéen, contournèrent par leurs grandes navigations orientales ses possessions asiatiques, et satisfirent ses besoins en métaux précieux en lui apportant ceux d'Amérique ; les monnaies européennes, que les femmes du Levant thésaurisèrent en ornements de front et de poitrine, furent un signe de cette dépendance.

« besoin de les utiliser, notamment pour percevoir les impôts.

Cette situation n'empêchait pas, bien au contraire, lesmoralistes musulmans d'insister sur le principe égalitaire de fraternité entre les Croyants que contenait la doctrine etoù le peuple cherchait son idéal.

Cette double position explique la solidité religieuse et politique de l'Islam sunnite,malgré la tension entre la théorie et le réel. En Asie, les Ottomans avaient rencontré au cours de leurs conquêtes des populations musulmanes qui, dans leurmajorité, se réclamaient du sunnisme et avaient souffert des exactions et des querelles des princes chi'ites.Cependant, à côté du rigorisme mental et de la fixité théologique du sunnisme, les formes mystiques du chiismerestaient proches des cœurs, voire d'émotions chrétiennes, et les derviches leur donnaient une large audiencejusque dans la troupe des janissaires.

L'opposition qui, dans les provinces asiatiques, se regroupa au début du XVIesiècle sous la bannière du chiisme, fut réprimée en 1514, en même temps qu'une vigoureuse campagne était menéecontre la Perse ; les sultans se montrèrent dès lors plus intolérants.

Mais, même après cette date et en dehors ducanal direct du chiisme, des tendances aux résonances "alides" se manifestèrent dans les associationsprofessionnelles et urbaines ; elles y exprimèrent un espoir social qui se résolut en un conservatisme garantissant lesstructures où s'accomplissait le travail quotidien de l'artisan. La pérennité de l'Empire ottoman ne tint pas seulement au fondement juridique du pouvoir que l'Islam donnait ausultan.

Le gouvernement des Turcs s'adapta à une structure sociale longuement élaborée dans le Moyen-Orient. L'Empire ottoman, à la suite de ses prédécesseurs dans l'Asie que les Arabes avaient conquise, était constitué parun agglomérat de groupes.

Leurs traits constitutifs se trouvaient, à la racine, dans le système d'organisationfamiliale où la préférence pour le mariage endogamique du côté de la parenté paternelle, l'autorité de celle-ci et lareconnaissance de la seule généalogie masculine maintenaient l'existence de groupes repliés sur eux-mêmes etjuxtaposés les uns aux autres.

L'individu s'identifiait par rapport à son groupe et en opposition à un autre ; chaquelignée rassemblait les familles issues d'un ancêtre commun, et plusieurs lignées invoquaient encore un plus lointain etplus grand ancêtre, souvent légendaire, pour se réunir.

De tels groupements, comportant nécessairement des limitesnaturelles, entretenaient des relations de voisinage et de clientèle qui permettaient d'établir aussi une hiérarchie desgroupes familiaux selon l'étendue de la richesse et de l'autorité que certains d'entre eux avaient su acquérir. Le mouvement vers le regroupement solidaire restait toujours précaire face à la réalité du fractionnement et de lajuxtaposition, et face à la tendance à se regrouper constamment en deux camps opposés suivant la formuleenseignée par un dicton arabe : "Moi et mon frère contre le fils de mon oncle paternel, moi et le fils de mon onclepaternel contre l'étranger." Cette structure existait aussi bien chez les nomades que chez les sédentaires ; dans lesvilles, son esprit guidait la formation des factions et par là touchait aux rassemblements professionnels.

Seulel'unanimité confessionnelle transcendait le cloisonnement des groupes ; elle se confondait par conséquent avecl'idéal d'une unité supérieure.

Mais les communautés religieuses diverses qui ne pouvaient pas non plus former unseul ensemble étaient, elles aussi, hiérarchisées comme les groupes qui se réclamaient des liens du sang etentretenaient des rapports de voisinage et de clientèle. Dans ce cadre général, la Porte laissa chaque groupe s'occuper de son ordre intérieur à condition qu'il lui versâtl'impôt et que les principes de sa justice fussent respectés, ce qui était, dans les deux cas, l'acte dereconnaissance de son autorité suprême.

Pour y parvenir, elle se servit de l'emprise sociale, économique et politiquedes familles notables et des responsables des différents groupes qui étaient aptes à faire rentrer l'impôt ou à rendrela justice ; en même temps, ceux-ci avaient besoin d'elle pour garantir leur supériorité par la parcelle de pouvoirqu'elle leur déléguait.

L'administration provinciale et l'organisation fiscale furent donc respectueuses des institutionslocales et adaptées aux cadres sociaux pour que le sultan, par l'intermédiaire de ses représentants, vit aboutir à luila hiérarchie des groupes, et que par là l'État utilisât le fractionnement social au lieu de s'y dissoudre.

Le sultan setrouvait ainsi placé aussi bien à la tête de l'Islam qu'à la tête d'une construction humaine originale. L'affermage très fréquent de l'impôt, même s'il accentuait des particularismes et provoquait des abus, créait desintérêts réciproques dans le fonctionnement de cette organisation.

D'autre part, la Porte protégeait sa souverainetéen renouvelant annuellement les charges financières et les principales fonctions administratives, et elle opposait àune société qui était forte de ses structures traditionnelles une classe dirigeante qui était composée d'esclaves dusultan ou de parvenus et d'aventuriers lui devant leur fortune ; le grand vizir lui-même ne dépendait que du bonplaisir du sultan dont il était le fondé de pouvoir pour les affaires politiques, militaires et administratives. Dans le "domaine de l'Islam", le droit n'autorisait un prince à réduire en esclavage ni ses sujets chrétiens ni desmusulmans.

Les conquêtes en Europe fournirent de nombreux captifs, puis la piraterie méditerranéenne et les raidsdes Tatars de Crimée alimentèrent les marchés aux esclaves pour satisfaire la demande des grands personnages, etaussi pour remplir les chiourmes de triste réputation.

Mais les besoins de la maison du sultan étaient autres, et ilsfurent si importants que les Ottomans, du XVe au XVIIe siècle, levèrent un tribut d'enfants mâles parmi les villageoischrétiens des régions pauvres de la Grèce et des Balkans qui constituaient la marche de l'Empire face à la Chrétientéoccidentale ; la guerre si proche et si constante permettait de se concilier le droit.

Ces enfants, arrachés à leurmilieu familial et religieux mais aussi à leur misère, recevaient une éducation par laquelle ils apprenaient à servir,dans le respect des traditions turques et musulmanes, la gloire d'un des plus puissants monarques du temps ; qu'ilsdevinssent pages du palais impérial ou janissaires, ils entraient dans une carrière privilégiée où le talent, l'audacepouvaient encore leur ouvrir les plus hauts postes du gouvernement.

Un corps servile dont les membres étaientd'origine chrétienne et balkanique avait ainsi acquis les plus grandes responsabilités d'un Empire dont les assisesétaient musulmanes et asiatiques.. »

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