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L'enfer, c'est les autres ?

Publié le 05/01/2005

Extrait du document

Cela signifie donc que tout se passe comme si autrui me faisait m'écrouler au milieu des choses. C'est ce que je découvre dans la honte qui n'est, au fond, que « l'appréhension de moi-même comme nature «. Chute originelle qui fait songer au péché originel. Je suis découvert, presque nu devant le regard tout-puissant de l'Autre, regard qui me dépouille de ma transcendance. Face à autrui, je ne peux plus qu'être « projet de récupération de mon être «. Si autrui me regarde, je le regarde aussi. S'il tend à me chosifier, je peux faire de même. Mon projet de récupérer mon être ne peut se réaliser que si je m'empare de cette liberté d'autrui et que je la réduis à être liberté soumise à ma liberté. Et, en effet, tout est combat, même l'amour. Quel est, en effet, le désir de tout être amoureux ?

Les autres me sont indispensables pour vivre, mais ils me renvoient une fausse image de moi-même, car ils ne peuvent pas me comprendre. Nous sommes à la fois bourreaux et victimes des autres. MAIS, l'autre est le seul qui me permette de me connaître; c'est donc par rapport à lui que je peux affirmer ma liberté. L'autre ne peut me connaître totalement, je ne lui suis donc pas totalement soumis.

« J'existe d'abord, je suis jeté dans le monde, et ensuite seulement je me définis peu à peu, par mes choix etpar mes actes.

Je deviens « ceci ou cela ».

Mais cette définition reste toujours ouverte.

Je suis donc fondamentalement libre « projet », invention perpétuelle de mon avenir.

Et je suis celui qui ne peut pas être objet pour moi-même, celui qui ne peut même pas concevoir pour soi l'existence sous forme d'objet : « Ceci non à cause d'un manque de recul ou d'une prévention intellectuelle ou d'une limite imposée à maconnaissance, mais parce que l'objectivité réclame une négation explicite : l'objet, c'est ce que je me fais nepas être...

» Or je suis, moi, celui que je me fais être.

Et c'est précisément parce que je ne suis que pure subjectivité etliberté, que le simple surgissement d'autrui est une violence fondamentale.

Peu importe qu'il m'aime, me haïsseou soit indifférent à mon égard.

Il est là, je le vois et je découvre que je ne suis plus centre du monde, sujetabsolu.

Il me voit, et avec son regard s'opère une métamorphose dans mon être profond : je me vois parcequ'il me voit, je m'appréhende comme objet devant une transcendance et une liberté. Si chaque conscience est une liberté qui rêve d'être absolu, elle ne peut que chercher à transformer la libertéde l'autre en chose passive.

Sartre illustre d'abord ce conflit à travers l'expérience du regard.

Qu'est-ce qui, en effet, me dévoile l'existence d'autrui, sinon le regard ? Si je regarde autrui, ce dernier me regarde aussi.C'est la raison pour laquelle Sartre envisage les deux moments. Dans un premier moment, je vois autrui.

Imaginons : « Je suis dans un jardin public.

Non loin de moi, voici une pelouse et, le long de cette pelouse, des chaises. » Situation paisible.

Le décor est neutre, la trame est inexistante : « Un homme passe près des chaises.

Je vois cet homme... » Finie la quiétude ! Pourquoi ? Tout simplement parce que je ne le saisis pas seulement comme un objet, maisaussi et en même temps comme un homme.

Si je pouvais penser qu'il n'est rien d'autre qu'un objet, unautomate, par exemple, je le saisirais « comme étant « à côté » des chaises, à 2,20 m de la pelouse, comme exerçant une certaine pression sur le sol, etc. ».

Autrement dit ce ne serait pour moi qu'un objet comme les autres, qui s'ajouterait aux autres : « Cela signifie que je pourrais le faire disparaître sans que les relations des autres objets entre eux soient notablement modifiées.

En un mot, aucune relation neuve n'apparaîtrait par luientre ces choses de mon univers... » Le saisir comme homme, qu'est-ce que cela signifie, sinon saisir une « relation non additive » des objets à lui, une nouvelle organisation des choses de mon univers autour de cet objet privilégié ? Autrement dit, avecl'apparition d'autrui dans mon champ de vision, une spatialité se déploie qui n'est pas ma spatialité, un autrecentre du monde apparaît et du même coup un autre sens du monde.

Les relations que j'appréhendais entreles objets de mon univers se désintègrent : « L'apparition d'autrui dans le monde correspond donc à un glissement figé de tout l'univers, à une décentration du monde qui mine par en dessous la centralisation quej'opère dans le même temps. » Cette décentration du monde fait de moi un sujet glissant.

La désagrégation « gagne de proche en proche » tout mon univers.

Autrui tend à me « voler le monde ».

Si autrui n'existait que sur le mode d' « être-vu-par- moi », je pourrais, en m'efforçant de le saisir seulement comme objet, le réintégrer dans ma propre vision du monde.

Mais autrui me voit.

J'existe sur le mode d' « être-vu-par-autrui ». Second moment : être vu. « Imaginons que j'en sois venu à coller mon oreille contre une porte, à regarder par le trou d'une serrure.

Jesuis seul et sur le plan de la conscience non-thétique de moi. » Je suis seul & j'existe sur le plan de la conscience non-thétique ou immédiate de moi, cela signifie que monattitude n'a aucun « dehors », que je n'ai pas conscience de « moi » comme objet et qu'il n'y a donc rien à quoi je puisse rapporter mes actes pour les qualifier , les juger.

Je suis mes actes et « ils portent en eux- mêmes leur totale justification ». « Or voici que j'ai entendu des pas dans le corridor : on me regarde. » Qu'est-ce que cela signifie , sinon que le regard d'autrui me fige.

J'étais liberté pure, conscience allégée detoute image, me voici devenu quelqu'un, un objet du regard.

Je me vois parce qu'on me voit : mon « moi » fait irruption.

En même temps j'en viens à exister sur le même plan que les objets.

Je suis objet d'un regard.

Autruisurgit et j'ai un « dehors », une apparence externe.

J'ai une nature qui ne m'appartient pas.

Ce que je suispour autrui (vicieux, jaloux...), je ne suis plus libre de l'être.

Je suis engagé dans un autre être.

Plus jamais jene pourrai échapper à l'image qu'autrui me tend de moi-même.

Autrement dit, j'existe sur le mode d' « être- pour-autrui ».. »

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