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Epicure et la nécessité de la philosophie

Publié le 16/04/2009

Extrait du document

epicure
« Quand on est jeune il ne faut pas hésiter à s'adonner à la philosophie, et quand on est vieux il ne faut pas se lasser d'en poursuivre l'étude. Car personne ne peut soutenir qu'il est trop jeune ou trop vieux pour acquérir la santé de l'âme. Celui qui prétendrait que l'heure de philosopher n'est pas encore venue ou qu'elle est déjà passée, ressemblerait à celui qui dirait que l'heure n'est pas encore arrivée d'être heureux ou qu'elle est déjà passée. Il faut donc que le jeune homme aussi bien que le vieillard cultivent la philosophie: celui-ci pour qu'il se sente rajeunir au souvenir des biens que la fortune lui a accordés dans le passé, celui-là pour être, malgré sa jeunesse, aussi intrépide en face de l'avenir qu'un homme avancé en âge (...). Ce ne sont pas les beuveries et les orgies continuelles, les jouissances des jeunes garçons et des femmes, les poissons et les autres mets qu'offre une table luxueuse, qui engendrent une vie heureuse, mais la raison vigilante, qui recherche minutieusement les motifs de ce qu'il faut choisir et de ce qu'il faut éviter et qui rejette les vaines opinions, grâce auxquelles le plus grand trouble s'empare des âmes. De tout cela la sagesse est le principe et le plus grand des biens. C'est pourquoi elle est même plus précieuse que la philosophie, car elle est la source de toutes les autres vertus, puisqu'elle nous enseigne qu'on ne peut pas être heureux sans être sage, honnête et juste ni être sage, honnête et juste sans être heureux. Conçois-tu maintenant que quelqu'un puisse être supérieur au sage, qui a sur les dieux des opinions pieuses, qui est toujours sans crainte à la pensée de la mort, qui est arrivé à comprendre quel est le but de la nature, qui sait pertinemment que le souverain bien est à notre portée et facile à se procurer et que le mal extrême, ou bien ne dure pas longtemps, ou bien ne nous cause qu'une peine légère (...) ? » Epicure, Lettre à Ménécée (extrait)

La première partie du texte s'attache à montrer que la philosophie n'est pas une science élitiste, qui ne s'adresserait qu'à un public extrêmement restreint; au contraire, pour Epicure, philosopher est accessible à tout le monde, sans distinction d'âge: « Quand on est jeune, il ne faut pas hésiter à s'adonner à la philosophie, et quand on est vieux il ne faut pas se lasser d'en poursuivre l'étude «. On comprend implicitement à travers cette première phrase les préjugés qui circulent au sujet de la philosophie. En effet, qu'est-ce qui pourrait faire « hésiter« à philosopher? Quand on est jeune, on peut en effet penser que c'est là une pratique qui nécessite de la maturité, et il faut bien avouer aussi qu'on préfère s'adonner à d'autres découvertes, en se disant qu'on aura bien le temps d'être sage plus tard... Mais est-il pour autant plus évident de philosopher quand on est vieux? Non, puisque cette fois on risque de s'en « lasser «, en se disant que de toute manière l'issue est proche, alors à quoi bon? Cela semble déjà trop tard. Mais pour Epicure, de tels discours sont irrecevables, car ils oublient la véritable vocation de la philosophie, qui est essentiellement thérapeutique: on fait de la philosophie pour « acquérir la santé de l'âme «. En effet, de même que l'équilibre du corps peut être rompu par les maladies, de même notre esprit peut être troublé par certaines agitations, des craintes qui nous assaillent et qui nous minent de l'intérieur, nous empêchant de savourer les instants qu'il nous est donné de vivre. De ce point de vue, la philosophie n'est pas un luxe superflu: c'est au contraire l'essentiel, puisqu'il s'agit fondamentalement de lutter contre ce qui nous rend malheureux, et donc d'être heureux.

epicure

« philosopher; mais soutiendrait-il que le bonheur n'est pas non plus fait pour lui? Bien sûr que non.

On voit donc qu'autravers de ce lien entre philosophie et bonheur, Epicure procède à une redéfinition de la première, qui fait alorstomber d'eux-mêmes les préjugés énoncés plus tôt.

La démonstration vaut bien sûr aussi pour les plus vieux: tantqu'on est en vie, le bonheur a un sens, donc la philosophie également.

Epicure peut alors formuler la conclusion deson raisonnement: « Il faut donc que le jeune homme aussi bien que le vieillard cultivent la philosophie ».

Le verbe «cultiver» a ici son importance: la philosophie n'est pas un savoir qu'il suffirait d'apprendre une fois pour toutes, unedoctrine à mémoriser.

C'est au contraire une pratique quotidienne, qui doit être entretenue jusqu'à la mort,notamment à travers quelques exercices spirituels.

On peut illustrer cela par la suite du texte, où Epicure écrit quele vieillard peut « rajeunir au souvenir des biens que la fortune lui a accordés dans le passé ».

Par ces exercices deremémoration, le vieil homme peut revivre sur un mode imaginaire les moments heureux de son passé.

La vieprésente est soumise aux aléas de la « fortune », c'est-à-dire du hasard; il peut donc être difficile de savourerpleinement le bonheur présent, ne sachant pas de quoi demain sera fait.

Mais il en va tout autrement pour unsouvenir heureux: ce qui est fait est fait, personne ne pourra le défaire, et on peut donc en jouir en toute sécurité,ce qui accroît le plaisir éprouvé.

Inversement, le jeune, grâce à la philosophie, pourra être « aussi intrépide en facede l'avenir qu'un homme avancé en âge ».

Il s'agit là d'acquérir une certaine maturité, indispensable à une gestionprudente de son existence.

Etre intrépide, c'est pouvoir avancer sans crainte; cela ne signifie pas qu'on agira defaçon inconsidérée, bien sûr, mais étant donné que les craintes sont un obstacle important au bonheur, comme onle verra plus précisément dans la suite du texte, il est donc important de pouvoir s'en défaire aussi tôt que possible. TransitionDans ce premier moment du texte, Epicure s'est donc attaché à montrer que la philosophie est ouverte à tous, etqu'elle peut permettre à chacun d'entre nous, quelque soit son âge, d'apaiser son existence et de se rapprocherainsi du bonheur.

Mais nous ne savons pas encore de façon très précise de quel bonheur il s'agit: est-on heureux endonnant libre cours à tous nos désirs, ou au contraire en opérant parmi eux une sélection minutieuse? Pour répondre à cette question, Epicure opère en deux temps: il commence par dire ce qui ne rend pas heureux,pour ensuite expliquer la façon donc il convient de s'y prendre.

La philosophie comme recherche de la sagesse estparticulièrement méfiante à l'égard de l'opinion, en tant que celle-ci est un discours superficiel qui n'apporte pas depreuve de ce qu'il soutient.

Or qu'est-ce qu'être heureux pour l'opinion commune, sinon satisfaire tous nos désirs,pour ne plus ressentir aucun manque douloureux? Mais on se livrerait alors à des « beuveries », des « orgiescontinuelles» ; il Y aurait un véritable dérèglement de toutes sortes d'appétits, gustatifs, sexuels...

Cetteénumération, pour l'auteur, n'engendre pas une vie heureuse, bien au contraire, et il est aisé de comprendrepourquoi: l'individu qui se laisse ainsi guider passivement par les désirs du moment en devient l'esclave aveugle,incapable de faire quelque chose qui lui soit vraiment utile, et la satisfaction tant espérée n'arrive jamais, puisqu'undésir à peine satisfait, un autre a déjà pris la place.

Aux troubles du corps, rendu malade par ces excès en toutgenre, s'ajoutent les troubles de l'âme, dont l'insatisfaction douloureuse est entretenue par le cycle infini et infernaldes désirs.

Dans ces conditions, qu'est-ce qui peut nous apporter un bonheur non pas illusoire, mais durable?Pour Epicure, rien d'autre que « la raison vigilante, qui recherche minutieusement les motifs de ce qu'il faut choisir etde ce qu'il faut éviter ».

Face aux dérèglements décrits ci-dessus, la raison est au contraire la faculté en nous quiva nous permettre de respecter l'équilibre indispensable à la santé, du corps aussi bien que de l'âme.

La fonctionprincipale du « logos », que l'on peut définir de façon générale comme la faculté d'émettre des jugements, est ici lechoix.

Il nous faut en effet choisir, parmi les désirs que nous ressentons, ceux qu'il convient de satisfaire, et ceuxqui, au contraire, doivent être rejetés.

La raison doit être « vigilante» parce que nous pouvons facilement nouslaisser séduire par le désir, qui recherche la satisfaction à tout prix; seul l'exercice de la raison va permettre derompre l'immédiateté aveugle du désir, et mettre ainsi l'intelligence au service du plaisir.

La doctrine épicurienneconseille en effet de procéder à un véritable calcul des plaisirs: certains plaisirs immédiats peuvent nous procurer dela douleur sur le long terme (il peut par exemple être plaisant sur le moment de céder à toutes ses envies degourmandise, mais c'est oublier la crise de foie qui se profile à l'horizon); et inversement, certaines douleurs nédoivent pas être évitées, car elles peuvent permettre un plus grand bien à longue échéance (par exemple faire unrégime pour être en meilleure forme).L'intervention de la raison est nécessaire parce qu'il y a un lien très net entre les troubles du corps et de l'âme, etles opinions qui en sont à l'origine: il faut rejeter« les vaines opinions, grâce auxquelles le plus grand troubles'empare des âmes ».

C'est en effet parce que l'individu ignore ce qu'est le véritable bonheur, qu'il se lance à larecherche de biens illusoires.

Personne ne peut soutenir qu'il fait volontairement son propre malheur.

La personne quipense qu'elle sera heureuse lorsqu'elle sera riche ou puissante le pense sincèrement.

Ce n'est donc qu'en luttantcontre ces opinions infondées qu'on pourra la remettre sur le chemin du véritable bonheur, conçu comme ataraxie. TransitionLe deuxième moment du texte s'est donc attaché à montrer que les errances de l'opinion ne pouvaient que fairenotre malheur, et seule la philosophie comme choix de la raison en nous peut nous conduire à l'ataraxie.

Mais nes'agit-il pas là d'un idéal inaccessible? C'est ce que nous nous demanderons en étudiant le portrait du sage, établipar Epicure da"ns la dernière partie de ce texte. Le sage est l'idéal d'accomplissement de l'humanité, ce qui explique que la sagesse soit d'emblée présentée commeétant « le principe et le plus grand des biens ».

En tant que principe, la sagesse est en effet ce qui est aufondement de tous les biens.

Cela peut sembler paradoxal: en effet, la sagesse, dans l'ordre de l'existence humaine,est un accomplissement, un achèvement; comment pourrait-elle alors être à l'origine de tous les biens? Cela signifie-t-il que les biens qu'on peut posséder sans être sage sont essentiellement illusoires? En un sens oui, puisque seul lefait d'être sage garantit que les biens que nous possédons sont réels, et non éphémères, cela parce qu'ils reposent. »

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