L'Esprit nouveau et les poètes

« « L'esprit nouveau est avant tout ennemi de l'esthétisme, des formules et de tout snobisme.» -------- EXTRAITS Tout sujet peut être traité en poésie à condition qu'il soit vrai Il n'est pas besoin pour partir à la décou­ verte de choisir à grand renfort de règles, même édictées par le goût, un fait classé comme sublime .

On peut partir d'un fait quotidien : un mouchoir qui tombe peut être pour le poète le levier avec lequel il soulè­ vera tout un univers.

On sait ce que la chute d'une pomme vue par Newton fut pour ce savant quel' on peut appeler un poète .

C'est pourquoi le poète d'aujourd'hui ne méprise aucun mouvement de la nature, et son esprit poursuit la découverte aussi bien dans les synthèses les plus vastes et les plus insai­ sissables : foules, nébuleuses, océans, na­ tions, que dans les faits en apparence les plus simples : une main qui fouille une poche , une allumette qui s 'allume par le frottement, des cris d'animaux, l'odeur des jardins après la pluie, une flamme qui naît dans un foyer.

Les poètes ne sont pas seulement les hommes du beau.

Ils sont encore et surtout les hommes du vrai, en tant qu'il permet de pénétrer dans l'inconnu, si bien que la surprise, l' inat­ tendu est un des principaux ressorts de la poésie d'au­ jourd'hui.

Lyrisme dans l'évocation des inventions poétiques futures Ceux qui ont imaginé la fable d'Icare, si merveilleusement réalisée aujourd'hui, en trouveront d'autres.

Ils vous entraîneront tout vivants et éveillés dans le monde noc­ turne et fermé des songes.

Dans les univers qui palpit ent ineffablement au-dessus de nos têtes.

Dans ces univers plus proches et plus lointains de nous qui gravitent au même point de l'infini que celui que nous portons en nous.

Et plus de merveilles que celles qui sont nées depuis la naissance des plus anciens d 'entre nous feront pâlir et paraître puériles les inventions contemporaines dont nous sommes si fiers.

Parallèle entre langage poétique et scientifique L'esprit nouveau est avant tout ennemi del' esthétisme, des formules et de tout sno­ bisme.

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)Il lutt e pour le rétablissement de l'esprit d'initiative, pour la claire compréhension de son temps et pour ouvrir des vues nou­ velles sur l'univers extérieur et intérieur qui ne soient point inférieures à celles que les savants de toutes catégo­ ries découvrent chaque jour et dont ils tirent des mer­ veilles.

Ces merveilles nous imposent le devoir de ne pas laisser l'imagination et la subtilité poétique derrière celle des artisans qui amé­ liorent une machine .

Déjà , la langue scien­ tifique est en désaccord profond avec celles des poètes .

C'est un état de choses insup­ portable.

Les mathématiciens ont le droit de dire que leurs rêves, leurs préoccupations dépassent souvent de cent coudées les ima­ ginations rampantes des poètes .

C'est aux poètes à décider s'ils ne veulent point entrer résolument dans l'esprit nouveau, hors duquel il ne reste d'ouvertes que trois portes : celles des pastiches, celle de la satire et celle de la lamentation, si sublime soit-elle.

Gallimard, 1977 « Les poète .s ne sont pas seulement les homme s du beau.

Ils sont encore et surtout les homme s du vrai.

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» NOTES DE L'ÉDITEUR « En critique d'art, en esthétique, il [Apollinaire] apparaît, ainsi que dit Breton avec " des instruments d'arpentage mental comme on n'en avait plus vu depuis Baud elaire " et comme on n'en a pas encore revu.

A l'u sure vitale des hermétiques d 'hier et d 'aujourd 'hui , il oppose modulations au cours des ans.

C'est à « Oui, Apollinaire annonçait les iconoclastes créateurs [les surréalistes] qui allaient surgir.

Par les lances spectaculaires qu'il rompait.

Par sa hâte à ne rien laisser perdre, machines , train s, avions, de tout ce dont la nouveauté grise.

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)Par son pouvoir d'exaltation .

Par son pouvoir prophétique.

Par l'évidence pour lui de la communication entre les chaînes de la poésie et de la prophétie.

»Marie-Jeanne Dury , dans Les Critiques de notre temps et Apollinaire, Garnier Frères, Paris, 1971 .

1 Sipa-lcono 2, 3, 4 peiniures de R.

D el a unay/ D.R.

-" la beauté de vivre passe la douleur de mourir " -la poésie comme conscience du monde.

» Henri Meschonnic, ibid.

« Le thème de l'ave nir est une des constantes de l' œuvre d'Apollinaire, mais qui cependant subit beaucoup de cause de ces deux facteurs -permanence comme un des thèmes inévitables vers lequel le poète est attiré de façon obsessionnelle, et variations selon son humeur ou bien selon un développement chro nologique -qu'il sert comme point de mire pour révéler les traits les plus caractéristiques de son univer s imaginaire.

» Margaret Davies, « L' Avenir dans l'œuvre poétique d'Apollinaire», dans Apollinaire inventeur du langage, Actes du Colloque de Stavelot, Paris, Lettres Modernes, 1973.

APOLLI A IRE 03. »