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L'État doit-il se fonder sur la liberté, l'égalité et la fraternité ?

Publié le 29/01/2004

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Elle met côte à côte trois notions. Que signifie chacune de ces trois notions ? Pourquoi rassembler ces trois notions ? L'État doit-il respecter la liberté, l'égalité, la fraternité ? Et si oui au nom de quelle nécessité ? Doit-il même les rendre possibles ? Pourquoi ? Peut-on rassembler ces trois notions ? Ne peuvent-elles pas être contradictoires entre elles, ou en tout cas, leur juxtaposition ne pose-t-elle pas problème ? Si la fraternité implique que l'État intervienne dans la société pour aider les plus pauvres, cela ne remet-il pas en cause l'égalité puisque tout le monde ne bénéficie pas de ce traitement ?

« société, qui à l'occasion est une nation ou une communauté, dont il faut ménager la cohésion.

Cela serait contraireau but même que se donne l'Etat en garantissant les libertés : si en effet il les garantit pour que les individuspuissent être heureux et vivre dignement, comment pourraient-ils être heureux et dignes si par ailleurs certainsd'entre eux sont misérables, exclus, sans formation, sans accès à l'emploi et à la culture? Or, qu'est-ce qui est àl'origine de tout cela sinon les libertés individuelles? Elles contredisent donc ce qu'elles étaient sensées rendrepossible.

Qu'est-ce que cela signifie? Que l'Etat doit aussi non pas seulement limiter les libertés mais encore lesgouverner, c'est-à-dire inviter ou obliger les individus à adopter des comportements qui permettent de garantir àtous les conditions d'un bonheur et d'une dignité réels. Il faut donc soutenir, contre ce que soutient Kant, que l'Etat ne peut tirer sa légitimité de cela seul qu'il garantit leslibertés individuelles sous la forme de droits.

Au contraire, il n'est légitime que s'il fait faire aux individus ce qui doitêtre fait pour que les conditions du bonheur et de la dignité individuels soient remplies.

Mais qu'est-ce que celasignifie? Que l'Etat doit faire poursuivre par les individus des fins qu'on appelle d'intérêt général, c'est-à-dire desobjectifs dont la réalisation est dans l'intérêt de tous donc de chacun.

Assurer l'instruction de tous les individus,créer des mécanismes de redistribution des richesses destinés à limiter les inégalités sociales et donc à garantir lacohésion sociale, mais aussi construire et entretenir des voies de circulation, etc.

...

autant d'exemples de finsd'intérêt général.

Or, poursuivre ce type de fin n'est possible que si les individus, qui en bénéficieront finalement,acceptent de faire certains sacrifices ou de renoncer à certains droits.

On ne pourra pas par exemple financer tel outel projet d'intérêt général si les individus ne versent pas une partie de leurs revenus à l'Etat sous la forme d'impôts,donc sans qu'ils renoncent à une partie de leur pouvoir d'achat.

Et c'est pourquoi l'Etat ne peut pas ne pascontraindre à le faire tous ceux qui veulent bien profiter des fins d'intérêt général sans participer à leur réalisation.En somme, l'Etat ne peut pas, pour être légitime, ne pas contraindre les individus, les obliger à faire certaineschoses et cela de telle sorte qu'au lieu de garantir leurs libertés, il les limite et même en détermine l'usage, indiquece qu'il faut en faire pour assurer à tous les conditions du bonheur de chacun. Mais soutenir que l'État doit assurer la poursuite de fins d'intérêt général pour garantir non pas seulement le droit aubonheur et à la dignité, mais leur possibilité effective, n'est-ce pas s'exposer à la critique de Kant? N'est-ce pasvouloir un État paternaliste qui détermine pour les individus ce que doit être leur bonheur et par quels moyens ondoit y parvenir, au mépris de ce que désirent spontanément les individus? Je pourrais trouver telle ou telle fin dited'intérêt général discutable, vaine, trop coûteuse...

Je pourrais ne pas vouloir qu'on assure malgré moi les conditionsde mon bonheur et me penser assez avisé et assez doué pour y pourvoir seul. Mais qu'est-ce que tout cela signifie? Que cette thèse, pas plus que la première n'est au-dessus de toute critique,mais aussi que les critiques que l'on adresse à l'une nous conduisent à soutenir l'autre et inversement.

Or, elles nesont pas du tout compatibles entre elles : on ne peut en effet pas dire que l'État est légitime lorsqu'il garantit leslibertés et qu'il les détermine à vouloir certaines fins, qu'il est légitime lorsqu'il offre aux individus la possibilité dechercher eux-mêmes leur bonheur et qu'il décide des conditions qui sont nécessaires à ce bonheur.

Alors, qu'en est-il au juste? Peut-on sortir de ce mouvement de bascule ? Peut-on réconcilier ces deux thèses? Cela semble impossible.

Pourtant, au fond, sur quoi porte le désaccord ? Sur le point de savoir si c'est à l'État ouaux individus que doit revenir le rôle de déterminer ce qui peut rendre heureux.

Si c'est aux individus et à eux seulsde le faire, l'Etat n'a qu'à garantir les droits qui permettront à chacun de le trouver, au risque qu'un grand nombren'ait pour l'atteindre que le droit d'en jouir et le malheur pour lot quotidien.

Si c'est à l'État de le faire, alors lesindividus peuvent bien exiger certains droits légitimement, mais ils ne devront en aucun cas négliger leurs devoirs,devoirs qu'ils ont envers toute la société, c'est-à-dire envers tous et finalement donc envers chacun, eux-mêmescompris. Or, n'avons-nous pas là affaire à un faux problème? Pourquoi faudrait-il opposer sur ce point l'État et les individus?Pourquoi devrait-on opposer les fins fixées par l'État, les fins d'intérêt général et les fins visées par les individus ? Ilest tout à fait possible de les réconcilier : il suffit pour cela que les individus eux-mêmes fixent souverainement lesfins d'intérêt général que l'État fait poursuivre.

Et comment? Par le vote! C'est-à-dire par la démocratie qui fait detout le peuple le souverain, c'est-à-dire le détenteur de tout pouvoir. De cette manière, il est possible d'offrir aux individus autre chose que le simple droit d'être heureux, sans les moyensofferts à tous de l'être et d'éviter de leur imposer une certaine définition du bonheur et des moyens d'y parvenir quipourrait ne pas convenir à tous.

S'il appartient aux individus de fixer souverainement les fins d'intérêt général qu'ilsveulent poursuivre pour assurer les conditions - et donc les moyens et par là inévitablement les contraintes - d'unbonheur choisi, l'État est légitime ou, ce qui revient au même, les individus sont libres tout en ayant vraiment lapossibilité d'être heureux. Alors, l'État a-t-il seulement pour rôle de garantir les libertés.

Et bien non.

Bien sûr d'une part il doit faire respecteret respecter lui-même des droits individuels sous peine de ne pas être légitime, mais d'autre part, sa légitimitédépend au moins autant de ce qu'il assure à tous les conditions d'un bonheur possible par la poursuite de fins. »

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