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Être égaux, est-ce être identiques ?

Publié le 22/02/2012

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• Note préliminaire: Voici des éléments de réflexion présentés sous forme de « rubriques » rédigées, que l'on pourra s'exercer à inscrire dans un cheminement d'ensemble, en faisant varier les types de démarche. Les moments choisis sont les suivants: — Introduction suggérée. — Analyse du sujet. — Première approche: égalité, division du travail, complémentarité des fonctions (Platon). — Deuxième approche: Rousseau et les malentendus de l'égalité.

« définit une répartition des tâches et une spécialisation de groupes sociaux distincts dans ces tâches.

Le caractèrecomplémentaire de ces tâches détermine une réciprocité de la dépendance, qui interdit à chaque partie de s'arrogerplus qu'il ne lui est dû, ou de faillir à sa fonction.

Chacun apporte et reçoit, et la définition liminaire de la justice estqu'à chacun soit donné son dû.

Cette justice de répartition fixe une certaine règle d'égalité (isonomia) qui déterminela constitution de la Cité juste et permet aux talents spécifiques de s'intégrer dans un tout équilibré.

Sur le plan desavantages matériels ou institutionnels, il n'y a pas de différence notoire de traitement des groupes en question (cf.La république, 449a-5406). • Deuxième approche: Rousseau et les malentendus de l'égalité. On peut se reporter, globalement, au Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes.

A l'étatde nature — dont nous avons déjà signalé le caractère hypothétique, il existe incontestablement des inégalitésphysiques.

Mais celles-ci ne peuvent réellement aboutir à des rapports de domination durables.

Elles ne sont doncaucunement valorisées, c'est-à-dire que la différence n'est pas le signe ou la cause d'une dépendance durable.

Dansle passage de l'état de nature à l'état social, il n'y a donc aucune nécessité pour que l'inégalité naturelle devienneinégalité sociale, la répartition des fonctions entre les individus pouvant fort bien jouer sur des différences pourassurer une complémentarité harmonieuse des rôles et des dispositions qui leur correspondent.

Rien n'oblige lasociété à se régler sur d'éventuelles inégalités naturelles, car elle définit un ordre propre, dont la norme sesingularise justement par rapport à l'ordre naturel.

Ainsi, dans l'acte fondateur du corps politique, tous les individussont identiques (du latin idem: le même) sur le plan juridique, c'est-à-dire qu'ils sont tenus aux mêmes obligations etaux mêmes engagements envers la loi.

Les obligations générales définissent le cadre et les conditions d'exercice dechaque activité spécifique.

L'identité ainsi dégagée s'affirme dans l'exigence de réciprocité qui sous-tend le Contrat:donner autant qu'on apporte, nulle volonté particulière ne pouvant se dispenser de donner ou s'arroger plus qu'il nelui est dû (critique des privilèges et du parasitisme).

Pour qu'une telle clause soit suivie d'effet, il convient que lesdifférences réelles de condition s'inscrivent dans des limites compatibles avec le maintien de cette réciprocité.

Leformel (ou juridique) devient ici du concret et du social, comme le montre la fameuse définition de l'égalité donnéepar Rousseau (déjà citée dans notre ouvrage) : « A l'égard de l'égalité, il ne faut pas entendre par ce mot que les degrés de puissance et de richesse soientabsolument les mêmes; mais que, quant à la puissance, elle soit au-dessus de toute violence, et ne s'exerce jamaisqu'en vertu du rang et des lois; et, quant à la richesse, que nul citoyen ne soit assez opulent pour en pouvoiracheter un autre, et nul assez pauvre pour être contraint de se vendre.

» (Contrat Social, II, chapitre 11.) On retrouve ici un aspect du problème du droit : les lois sociales doivent aller à rencontre de la «force des choses»dans la mesure où celle-ci tend à détruire l'égalité. • Troisième approche: les effets d'une révolution juridique (identité de droit, inégalité de fait). L'aspiration à l'égalité juridique, prise en charge par la Révolution française, impliquait que l'on brisât toutes lesdifférenciations données d'emblée par l'origine (privilèges nobiliaires).

Ainsi, la revendication d'une égalité juridique seconfondait-elle avec l'idée d'une identité de droit.

Mais cette identité, qui requiert l'uniformisation sous un certainaspect (citoyen, individu comme entité juridique), se tient dans les limites de l'abstraction qui lui donne naissance.Elle laisse intacts tous les autres facteurs de différenciation, et notamment les disparités de condition, de richesse,de propriété.

(La propriété, par exemple, est déclarée inviolable.) On comprend dans quelle mesure un consensusidéologique pouvait se faire sur l'abolition des droits féodaux, la bourgeoisie commerçante et manufacturière restantmaîtresse du jeu sur le terrain social. • Quatrième approche: les limites pratiques de l'identité juridique. Les membres du corps social, qui sont identiques juridiquement, peuvent-ils être égaux socialement? La questionprend un sens non au niveau de la définition du droit (le fameux « droit égal ») mais au niveau de ses effetsobservables.

La disparité des conditions sociales d'existence produit le paradoxe des effets inégaux d'une loi égale(par exemple, l'impôt indirect, sous forme de taxes, frappe uniformément toutes les catégories sociales, mais pèseplus lourd pour les citoyens démunis que pour les citoyens opulents).

Une loi égale n'est pas ipso facto équitable.Ainsi, l'idée d'une progressivité de l'impôt (c'est-à-dire d'un taux proportionnel aux revenus qu'il frappe) apparaît detoute évidence plus équitable qu'une identité mathématique aveugle.

C'est dans une telle optique que Marxsoulignait l'ambiguïté d'une revendication portant sur le droit égal, qui est inadéquate à ce qu'elle vise, puisquel'inégalité réelle des conditions implique une inégalité des effets du droit.

(Cf.

Marx et Engels, Critique desprogrammes de Gotha et d'Erfurt, Éditions Sociales, pages 31 et 59.) Engels proposait donc de substituerl'expression abolition de toutes les différences de classes à l'expression ambiguë destruction de toute inégalitésociale et politique (mêmes références, page 59).

Une telle approche permet de signaler le statut trompeur del'idéologie juridique qui, dans une société divisée en classes antagonistes, ne peut donner naissance qu'à uneidentité illusoire, fictive, n'ayant de consistance qu'au niveau de la représentation qu'on se donne des membres dugroupe en faisant abstraction de leurs conditions respectives. Pour Marx et Engels, une véritable affirmation de soi (égalité dans la différence) suppose deux conditions: Un niveau de développement des forces productives suffisant pour que la jouissance des biens ne soit plus limitéepar les possibilités effectives de l'économie (cf.

la formule: «de chacun selon ses capacités et son travail, à chacun. »

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