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Qu'est-ce qu'être objectif ? Peut-on vraiment y parvenir ?

Publié le 18/02/2011

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REMARQUES PRELIMINAIRES

Voilà un bon sujet classique, loin du byzantinisme moderne sur lequel il faudrait tant veiller afin qu'il ne contamine pas nos enfants avant qu'ils soient suffisamment prémunis. Le seul risque d'erreur ici (mais il est très grand) consisterait dans le désir de « définir « l'objectivité, de rechercher ses sources, de se placer sur un plan métaphysique. Ces considérations, pour intéressantes qu'elles soient, et primordiales, dépassent tout de même le niveau moyen du baccalauréat — et surtout un jour d'examen. On peut y faire allusion si on se sent capable de le faire, mais on ne doit pas centrer le travail là-dessus; le texte demande, une fois la définition accordée, quelles sont les conditions et les méthodes de réalisation de l'objectivité dans notre pensée et notre action: c'est tout.

« un vrai et total usage humain; aussi la deuxième possibilité est que chacun de nous rajuste son langage à ce qu'il connaît de lui-même et de ses interlocuteurs : « Moi, j'ai froid.

Mais je crois que vous, vous allez aimer cette petite pluie; l'air est humide, maisdoux.

» Voilà une expression pleinement objective parce qu'accordée au mieux avec son objet particulier du moment. 2.

en est exactement de même pour les objets plus relevés et plusuniversels de la Connaissance intellectuelle organisée.

Croire qu'une seule et unique méthode peut suffire à tous les objets connusou à connaître, est une folie aussi grande et aussi grave que se livrer, ingénument d'abord, perversement ensuite, à une subjectivitésans frein.

Qu'est-ce que « la méthode », en effet? La méthode est chemin vers l'objet; le chemin doit varier, en fonction de sonbut, des accidents du terrain, de la nature des choses, voire du point de départ.

Pour mieux accepter cette proposition,scandaleuse pour certains sinon pour beaucoup, prenons l'exemple d'un instrument — un instrument, et même un outil, c'est lamatérialisation d'une méthode — et supposons que j'aie à ma disposition un télescope électronique absolument extraordinaire;sous prétexte qu'il vient de faire ses preuves dans la découverte et l'exploration d'une galaxie, et que c'est donc un excellentinstrument d'optique, vais-je me mettre à le braquer sur des objets tout proches afin de mieux discerner les microbes et les virusfiltrants ou la constitution interne de l'atome? L'absurdité serait flagrante et confine à la folie.

Mais ne faisons-nous pas la mêmechose quand, par exemple, nous voulons étudier la psychologie humaine avec des instruments de mesure et des catégoriesmentales faites primitivement pour la connaissance du monde extérieur, matériel, et obtenues en se modelant sur lui? S'il est vraique la vraie objectivité consiste à se soumettre à l'objet, à se conformer à sa nature et à ses structures, il doit s'ensuivre, deconséquence absolument nécessaire, qu'il y a autant d'attitudes objectives qu'il y a d'objets à connaître, donc autant de méthodesdifférentes.

La « psychologie de laboratoire », si elle prétend être vraiment une psychologie et non une légitime physiologie, risquede n'être que la contradiction caricaturale de l'anthropomorphisme des siècles passés; elle constitue le même défaut, dans sasubstance, mais inversé dans ses manifestations : imposer une règle commune aux objets les plus disparates.

C'est littéralementinsensé : on ne juge pas des opérations financières avec des critères et des méthodes d'histoire littéraire, on ne juge pas la poésiede Baudelaire — qui refusait même le jugement de la morale — avec les méthodes des sciences physiques; on ne juge pas unprophète au nom de la technique, ni une expérience de laboratoire au nom de la théologie, ni Dieu au nom de nos sens et de nosoptions politiques; je ne sais s'il est vrai que Gagarine ait dit qu'il n'avait pas rencontré d'êtres spirituels dans le cosmos (un bienpetit cosmos, entre parenthèses, que celui que nous explorons pour le moment!) ou qu'un savant du siècle dernier ait cru réfuter lanotion d'âme en disant qu'il n'avait jamais trouvé ça au bout de son scalpel — mais, dites ou pas dites historiquement, cespropositions en elles-mêmes sont idiotes, les sens étant faits pour voir seulement les choses sensibles, et pas au-delà, ni en deçà,ni ailleurs et autrement. 3.

Cela nous incite à aller encore plus loin dans l'analyse : si l'objectivité est d'autant plus grande que la méthode, établie enfonction de notre approche de l'objet, permet un contact sujet-objet plus profond, non seulement nous devons utiliser desméthodes diverses, ainsi que nous venons de le voir, mais encore nous pouvons esquisser une hiérarchie entre les méthodes et lessciences, et ce en fonction des possibilités qu'elles offrent d'objectivité, c'est-à-dire de pénétration de l'objet, de coïncidence aveclui.

Là il nous faut tout de suite reconnaître que la fameuse objectivité scientifique, qui nous envoûte depuis environ un siècle, estau plus bas degré de l'échelle, au point de vue de la connaissance; certes au point de vue utilisation pratique et technique, elle estirremplaçable et elle a suffisamment fait ses preuves pour qu'il n'y ait pas à insister.

Mais au point de vue d'une vraieconnaissance? Elle est fondée sur le témoignage des sens, et des instruments qui les prolongent, elle consiste à établir desrapports de positions dans l'espace et dans le temps; elle est purement sensible, extérieure, pragmatique.

Même pour un minéral,elle est insuffisante à établir certains points de vue : la compétence avec laquelle un sculpteur choisit un bloc de marbre plutôtqu'un autre en vue de tel effet à obtenir, cette compétence relève de son sens artistique, du but qu'il s'assigne, de facteursesthétiques, et n'a rien à voir avec la mesure physique ou l'analyse chimique des blocs proposés à son choix.

Même dans lessciences qui lui sont consacrées, la matière nous reste étrangère avec cette méthode qui est d'abord distanciation et utilisationtechnique (donc anthropocentrique et, re-donc, anthropomorphique).

Et nous savons les difficultés que rencontre l'application del'objectivité scientifique et mathématique aux domaines de la vie et de la pensée! De ce point de vue, où allons-nous obtenir lemaximum d'objectivité? Dans les sciences humaines, la psychologie, l'histoire, la critique littéraire..., parce qu'ici le sujet et l'objetsont de même nature et peuvent donc se comprendre jusqu'à communier.

Certes ce n'est pas facile toujours, mais la difficulté estpurement morale, elle n'est ni intellectuelle ni logique, ni métaphysique : la difficulté est d'être impartial, de ne pas se laisseremporter par des passions égocentriques ou fanatiques qui nous rendraient injustes ; ce n'est pas une impossibilité de nature.Pourquoi César, ou Gengis Khan, ou un Papou, ou un arriviste...

a agi ainsi, je puis finir par le comprendre presque parfaitement,si différente que je sois d'eux, à force de réflexion, d'intuition, et de sympathie (au sens étymologique de ce mot), une sympathietoujours exigible, à des degrés divers il est vrai, parce que nous sommes tous des êtres humains.

« L'histoire, science du concret», dit M.

Dardel; c'est pour cela qu'elle peut être, aussi, objective.. »

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