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Etre raisonnable, est-ce adopter une attitude modérée ?

Publié le 16/02/2004

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Il faut se comporter de telle manière que la vie sociale soit légère, et que mon attitude n'attire pas l'attention. La « morale provisoire « mise en place par Descartes prône une attitude modérée en tout, prudente. Vivre en accord avec le monde, vivre en accord avec sa conscience, vivre en accord avec les autres : voilà une définition de la conduite raison­nable centrée sur un sujet tout-puissant grâce à la bonne utilisation de sa raison. Cette définition est celle des Stoïciens comme de Descartes : la sagesse consiste à ne vouloir que ce qui dépend de moi et à suivre la nature pour le reste. Être raisonnable c'est suivre les lois rationnelles de la nature. Tout ce qui est rationnel devient de ce fait raisonnable.

[III - L'homme est un être de raison parfois déraisonnable]

Les Stoïciens et Descartes ont bien montré que l'homme qui se conduit raisonnablement est en même temps celui qui pense rationnellement. En ce sens, la morale cartésienne est une science. Seul, alors, le sage réalise plei­nement sa nature humaine, à la fois rationnelle et raisonnable. Mais pour nous qui n'avons pas atteint la sagesse, sommes-nous moins hommes parce que parfois excessifs, déraisonnables ?

« l'auteur et de notes prises par ses auditeurs -, on peut lire (trad.

Kostas Papaioannou, coll.

10118): « Rien ne s'est fait sans être soutenu par l'intérêt de ceux qui y ont participé.

Cet intérêt nous l'appelons passionlorsque, écartant tous les autres intérêts ou buts, l'individualité tout entière se projette sur un objectif avec toutesles fibres intérieures de son vouloir et concentre dans ce but ses forces et tous ses besoins.

En ce sens, nousdevons dire que rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion.

» L'histoire est en apparence chaos et désordre.

Tout semble voué à la disparition, rien ne demeure : « Qui acontemplé les ruines de Carthage, de Palmyre, Persépolis, Rome, sans réfléchir sur la caducité des empires et deshommes, sans porter le deuil de cette vie passée puissante et riche ? Ce n'est pas comme devant la tombe desêtres qui nous furent chers, un deuil qui s'attarde aux pertes personnelles et à la caducité des fins particulières:c'est le deuil désintéressé d'une vie humaine brillante et civilisée.

»L'histoire apparaît comme cette « vallée des ossements » où nous voyons les réalisations «les plus grandes et lesplus élevées rabougries et détruites par les passions humaines », «l'autel sur lequel ont été sacrifiés le bonheur despeuples, la sagesse des Etats et la vertu des individus ».

Elle nous montre les hommes livrés à la frénésie despassions, poursuivant de manière opiniâtre des petits buts égoïstes, davantage mus par leurs intérêts personnelsque par l'esprit du bien.

S'il y a de quoi être triste devant un tel spectacle, faut-il, pour autant, se résigner, y voirl'œuvre du destin ? Non, car derrière l'apparence bariolée des événements se dévoile au philosophe une finalitérationnelle : l'histoire ne va pas au hasard, elle est la marche graduelle par laquelle l'Esprit parvient à sa vérité.

LaRaison divine, l'Absolu doit s'aliéner dans le monde que font et défont les passions, pour s'accomplir.

Telle est: « latragédie que l'absolu joue éternellement avec lui-même: il s'engendre éternellement dans l'objectivité, se livre souscette figure qui est la sienne propre, à la passion et à la mort, et s'élève de ses cendres à la majesté».Ainsi, l'histoire du devenir des hommes coïncide avec l'histoire du devenir de Dieu.

Etats, peuples, héros ou grandshommes, formes politiques et organisations économiques, arts et religions, passions et intérêts, figurent la réalité del'Esprit et constituent la vie même de l'absolu .« L'Esprit se répand ainsi dans l'histoire en une inépuisable multiplicité de formes où il jouit de lui-même.

Mais sontravail intensifie son activité et de nouveau il se consume.

Chaque création dans laquelle il avait trouvé sajouissance s'oppose de nouveau à lui comme une nouvelle matière qui exige d'être oeuvrée.

Ce qu'était son œuvredevient ainsi matériau que son travail doit transformer en une œuvre nouvelle.

» Dans cette dialectique ou ce travail du négatif, l'Esprit, tel le Phénix qui renaît de ses cendres, se dresse chaquefois plus fort et plus clair.

Il se dresse contre lui-même, consume la forme qu'il s'était donnée, pour s'élever à uneforme nouvelle, plus élevée.

De même que le Fils de Dieu fut jeté « dans le temps, soumis au jugement, mourantdans la douleur de la négativité », pour ressusciter comme « Esprit éternel, mais vivant et présent dans le monde »,de même l'Absolu doit se vouer à la finitude et à l'éphémère pour se réaliser dans sa vérité et dans sa certitude. Dès lors, ce n'est pas en vain que les individus et les peuples sont sacrifiés.

On comprend aussi que les passionssont, sans le savoir, au service de ce qui les dépasse, de la fin dernière de l'histoire: la réalisation de l'Esprit ou deDieu.

Chaque homme, dans la vie, cherche à atteindre ses propres buts, cache sous des grands mots des actionségoïstes et tâche de tirer son épingle du jeu.

Et la passion, ce n'est jamais que l'activité humaine commandée pardes intérêts égoïstes et dans laquelle l'homme met toute l'énergie de son vouloir et de son caractère, en sacrifiant àses fins particulières et actuelles toutes les autres fins qu'il pourrait se donner: « Pour moi, l'activité humaine en général dérive d'intérêts particuliers, de fins spéciales ou, si l'on veut, d'intentionségoïstes, en ce sens que l'homme met toute l'énergie de sa volonté et de son caractère au service de ses buts enleur sacrifiant tout ce qui pourrait être un autre but, ou plutôt en leur sacrifiant tout le reste.

» Mais si les passions sont orientées vers des fins particulières, elles ne sont pas, pour autant, opposées à l'universel.Le tumulte des intérêts contradictoires, des passions se résout en une loi nécessaire et universelle.

L'individu quimet son intelligence et son vouloir au service de ses passions sert, en fait et malgré lui, autrui, en contribuant àl'œuvre universelle.

Telle est la ruse de la Raison: les individus font ce que la Raison veut, sans cesser de suivreleurs impulsions, leurs passions singulières, de même que grâce à la ruse de l'homme, la nature fait ce qu'il veut sanscesser d'obéir à ses propres lois. L'universel est donc présent dans les volontés individuelles et s'accomplit par elles et particulièrement par lamédiation des grands hommes de l'histoire.

Ainsi, par exemple, Jules César ne croyait agir que pour son ambitionpersonnelle en combattant les maîtres des provinces de l'empire romain.

Or, sa victoire sur eux fut en même tempsune conquête de la totalité de l'empire: il devint ainsi, sans toucher à la forme de la constitution, le maître individuelde l'Etat.

Et le pouvoir unique à Rome « que lui conféra l'accomplissement de son but de prime abord négatif »ouvrait une phase nécessaire dans l'histoire de Rome et dans l'histoire du monde: « Les grands hommes de l'histoire sont ceux dont les fins particulières contiennent la substantialité que contre lavolonté de l'Esprit du monde.

» Les individus historiques sont donc les agents d'un but qui constitue une étape dans la marche progressive l'Esprituniversel.

Mais sans la passion, ils n'auraient ri pu produire.« Ce n'est pas le bonheur qu'ils ont choisi, mais la peine, le travail pour leur but.

[...

] En fait, ils ont été passionnés,c'est-à-dire ils ont passionnément pour leur but et lui ont consacré tout leur caractère, leur gd et leurtempérament.

[...] La passion est devenue l'énergie de leur moi; sans la passion ils n'auraient rien produire.

». »

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