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Qu'est-ce qu'être solitaire ?

Publié le 27/02/2008

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Être solitaire, c’est réaliser ou désirer une existence indépendante de l’existence d’autrui. Dans la mesure où la vie commune des hommes est intrinsèquement constituée par la compagnie et le commerce avec autrui, le désir de solitude semble en dehors des normes qui régissent les relations humaines. En effet puisque nous avons besoin d’autrui pour vivre, le désir de solitude peut nous apparaître comme la démesure orgueilleuse de celui qui se croit l’auteur de sa propre origine. Ainsi désirer la solitude serait imputable à une illusion résultant d’une mauvaise perspective sur soi et sur les autres : le solitaire croit qu’il n’a pas besoin d’autrui et se croit seul au monde lorsque toute son existence est conditionnée par l’existence d’autrui. Cependant on peut se demander si être solitaire se définit par une perspective illusoire sur soi. Car s’il est vrai que les hommes ne survivent qu’en société, il n’en reste pas moins que, du point de vue de l’existence, chaque homme vit dans la solitude irréductible de son être délimité par l’anticipation de la mort. Aussi si l’existence humaine est une existence essentiellement caractérisée par la solitude, le désir de solitude pourrait se comprendre comme le désir d’une existence authentique, c'est-à-dire conforme à ce qu’elle est. Nous sommes dès lors confrontés à ce problème : le désir de solitude doit-il être considéré comme le désir illusoire de s’arracher à la vie commune au risque de se perdre soi-même ou l’exigence d’un rapport authentique de soi à soi ? Et dans ce cas le désir de ce rapport de soi à soi est-il empêché ou plutôt favorisé par le commerce avec autrui ?

  • I Etre solitaire, c’est se séparer volontairement de la vie ordinaire des hommes.
  • II Etre solitaire, c’est rechercher un rapport authentique à soi.
  • III Être solitaire : une autre manière d’être avec les autres

 

 

« notre solitude essentielle.

Nous pouvons partager toute notre vie avec les autres, jamais nous ne partagerons notremort.

L'anticipation de la mort condamne chaque existant à une solitude irréductible.

D'un point de vuemétaphysique et non plus social, chacun est absolument seul._ Si la solitude est la réalité destinale de tout être , le désir de solitude ne peut plus être réduite à une perspectiveillusoire sur soi et sur les autres.

Être solitaire représente alors l'exigence de mener la vie comme elle est en sedéprenant de ce qui en elle est accidentelle, comme la compagnie d'autrui.

Il s'agit d'apprendre qui l'on est, de seconnaître, et de se tenir dans un rapport authentique de soi à soi.

Or en tant que mon existence est suspendue àl'imminence de ma mort, l'individu solitaire recherche à l'écart des autres un rapport avec soi qui ne soit pas fausséou troublé par l'illusion de l'existence en communauté.

Aussi si nous sommes séparés des autres par la mort àlaquelle nous ne pouvons échapper, il semble qu ‘il nous faille rejeter cette illusion qu ‘est la compagnie d ‘autrui pour mener en sage une vie qui est par essence solitaire._ Inversement, on peut comprendre la sociabilité et la peur générale de la solitude sous l'espèce du divertissement,c'est-à-dire le moyen de ne pas penser à la misère de notre condition mortelle et désespérément solitaire.

C'Est-ceque l'on peut soutenir avec Pascal en édition Brunswick , dans le fragment 211 de ses Pensées :« nous sommes plaisants de nous reposer dans la société de nos semblables : misérables comme nous impuissants comme nous , ilsne nous aideront pas : on mourra seul ».

Or si nous mourrons seuls, ce n 'est pas que les autres ne veulent pas nous aider ou que nous rejetons leur compagnie, mais c 'est parce que la mort est l 'évènement dont l 'anticipation me révèle alors que je suis encore vivant une solitude destinale.

Par exemple, le roi de Ionesco dans sa pièce Le roi se meurt , ne peut trouver personne pour mourir à sa place. Le désir de solitude serait imputable à la recherche d'une existence authentique.

Néanmoins si être solitaire ne seréduit pas à l'illusion d'une partie qui veut être le tout à elle toute seule, il n'est pas certain qu'une existenceauthentique doive nécessairement se séparer d'autrui.

Si être solitaire, c'est chercher un rapport à soi, on pourraitse demander si ce rapport à soi est vraiment incompatible avec autrui.

Être solitaire, est-ce vraiment être séparéd'autrui ? III Être solitaire : une autre manière d'être avec les autres _ Si par la mort, la solitude se révèle le destin essentiel de l 'existant, faut-il pour autant se priver de la compagnie des autres en la rejetant toute entière du côté de l 'illusion confortable dont il serait sage de s 'arracher ? Montaigne s'oppose à cette solitude quoique il pense lui aussi que la mort révèle notre solitude essentielle.

Mais la mort nousrévèle à travers notre solitude la valeur infinie de l 'individu que nous sommes et surtout de cette vie promise au néant.

Si nous sommes seuls face à la mort, cette solitude est le lot commun que nous partageons avec le reste del'humanité; aussi nous formons avec les autres hommes une communauté paradoxale de destins solitaires.

Or laconscience de notre solitude métaphysique est moins l 'obstacle d 'une communauté avec les autres que la condition de son authenticité.

C 'est justement parce que nous nous savons essentiellement seuls dans notre rapport à la mort que nous pouvons goûter avec plus d 'intensité la présence d 'autrui.

Ainsi comme l 'écrit Montaigne dans ses Essais III, 9 « nul plaisir n 'a goût pour moi sans communication ».

Il n 'y a pas de vie humaine selon Montaigne sans conversation, sans amitié et sans amour; Aussi si nous savons que nous n 'échapperons pas à la mort grâce à l 'aide d'autrui, nous pouvons mener, chacun dans sa solitude métaphysique, une vie pleine de joie dans la compagnie desautres.

On peut mener une existence authentique dans un rapport de soi à soi qui ne soit pas troublé ou faussé par la compagnie d'autrui.

Toute existence authentique n'est pas nécessairement une existence solitaire._ Cependant on peut objecter à cette idée l'expérience aliénante du décentrement permanent auquel nous contraintla vie en communauté.

En effet ce décentrement consister à vivre hors de nous-mêmes et ainsi à nous négliger pourdevenir ce que les autres veuillent que nous soyons.

Tous les hommes recherchent l'estime et la considération detous les autres.

Or comme chacun sait qu'il ne mérité pas cette considération, il cherche à tromper tous les autresen s'affublant de qualités empruntées.

Ainsi la vie en communauté est à l'origine d'un divorce entre l'être et leparaître.

Il faut alors que chacun paraisse ce qu'il pense que les êtres voudraient qu'ils soient C'est-ce que l'on peutsoutenir avec Rousseau dans la seconde partie du Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes .

« « Le sauvage vit en lui-même ; l'homme sociable toujours hors de lui, ne sait que vivre dans l'opinion des autres et c'estpour ainsi dire de leur seul jugement qu'il tire le sentiment de sa propre existence ».

Ainsi la fureur de se distinguernous aliène au point de nous faire perdre le sentiment intime de notre propre être.

Le désir de la solitude serait alorsla conscience de l'aliénation inhérente à la communauté et le désir d'y échapper._ Si être solitaire, c'est vouloir échapper à l'aliénation inhérente à la communauté, l'exigence d'un rapportauthentique de soi à soi ne signifie pas une séparation radicale avec autrui.

En effet ce que le solitaire refuse c'estle rapport violent avec l'autre qui le contraindrait à modifier son être, mais ce n'est pas la présence d'autrui.

Lasolitude assumée et choisie permet de mettre en place une authentique de la distance qui permette d'être soi avecles autres.

En ce sens la solitude n'est pas la négation d'autrui, mais une autre manière de vivre avec lui.

Si je mepenche sur mon propre être, loin de découvrir une singularité qui serait radicalement différente de celle des autres,je retrouve l'universel qui me met en rapport avec tous les autres d'une manière non violente.

Ainsi les grandscréateurs comme Proust sont souvent des êtres solitaires : ils ont besoin de s'éloigner de la présence immédiated'autrui pour mieux rencontrer l'humanité en eux.

Conclusion :Être solitaire, c'est désirer une situation de solitude qui n'est jamais absolue.

En effet on vit toujours parmi leshommes, au sein d'une communauté donnée qui permet la satisfaction de nos besoins et la réalisation de notrehumanité.

C'est prendre plaisir à l'intimité d'un rapport de soi à soi, fondé sur la conscience de sa mort, et de lasingularité irréductible de son existence;.

Mais en dernière instance, être solitaire, ce n'est pas nécessairement êtreen rupture avec autrui.

Ce serait au contraire une manière de rencontrer l'autre dans son universalité sans en. »

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