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Qu'est-ce qu'un événement littéraire ?

Publié le 18/12/2010

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La notion d'événement littéraire est-elle parfaitement claire et peut-on louer sans réserve une oeuvre d'être un événement littéraire ?

« l'éclat immédiat : la Cléopâtre captive de Jodelle (1552), Le Cid (1636), Andromaque (1667), Le Mariage de Figaro (1784), Hernani (1830), Les Burgraves (1843), Les Corbeaux de Becque (1882), Les Mouches de Sartre (1943), En attendant Godot de Beckett (1953), etc.

Est-ce à dire que l'éclat d'une œuvre soit une condition suffisante ? II L'événement littéraire comme continuité Il y a beaucoup de faux événements littéraires, c'est-à-dire d'événements que la postérité ne retient pas commetels : le Timocrate de Thomas Corneille (1656) fut représenté quatre-vingt-six fois, les Chansons de Béranger furent considérées comme la découverte d'un genre nouveau, national et populaire ; les Messéniennes (1818) de Casimir Delavigne eurent autant de succès que deux ans plus tard les Méditations de Lamartine.

Or la postérité en a décidé différemment ; un véritable événement littéraire doit pouvoir être replacé dans un certain courant où il marque unprogrès décisif et, autant qu'en rupture, il est en continuité avec ce qui le précède. 1 L'événement littéraire comme réponse à une question L'événement littéraire vient fréquemment après une époque d'épuisement, et l'impression de nouveauté qu'il donnerésulte souvent moins d'une rupture que d'une reprise de fécondité.

A la fin du XVe siècle on s'imagine (à tort ou àraison, peu importe) que la lyrique médiévale est épuisée : la Défense et Illustration est un événement littéraire parce qu'elle répond à l'attente d'un renouvellement.

De même au début du XIXe siècle, la tragédie néo-classique setraîne, genre totalement exsangue : la Préface de Cromwell éclate comme en réponse à cette question ambiante : «Que va devenir le théâtre ?» En un autre sens, l'événement littéraire peut satisfaire aux aspirations d'unegénération qui n'a pas trouvé son artiste pour l'exprimer : les Méditations de Lamartine (1820), Les Fleurs du Mal de Baudelaire (1857) libèrent littéralement des générations de jeunes gens qui n'avaient pas encore entendu leur voixdans la littérature.

En ce domaine il faut bien admettre que joue une heureuse coïncidence : font événementlittéraire «les œuvres dont la beauté répond à quelque question anxieuse», comme le remarque Gide, relé-guant ausecond plan ces «réponses qui suivent après que la question n'est plus posée ; ce sont œuvres qui ne répondentplus à rien» (Nouveaux Prétextes, p.

215).

En somme, autant que d'un scandale, l'événement littéraire est souvent le fruit d'une attente. 2 L'événement littéraire doit rencontrer une certaine diffusion Tombant dans une atmosphère préparée, dans une atmosphère qui l'appelle, l'événement littéraire ne se comportepas comme une balle qui rebondit contre un mur, mais plutôt comme un liquide dans une substance poreuse ; il nefait pas simplement choc (ce qui est indispensable certes), il se répand, se diffuse, retentit longuement dans unegénération.

Les Fleurs du Mal, après avoir créé le scandale que l'on sait, ne livrent que très lentement leur vrai visage manifeste romantique et parnassien pour les contemporains, elles apparaissent peu à peu comme untémoignage sur les inquiétudes de l'âme moderne ; en se diffusant, elles livrent leur vrai secret qui est spirituel,presque métaphysique, cf.

sujet 6, Remarques, 4.

De même les contemporains ne virent peut-être dans Le Cid qu'une œuvre brillante et chevaleresque, mais à la longue on comprit mieux la beauté du drame moral et lessubtilités du système cornélien. 3 L'événement littéraire comme point de départ C'est qu'un véritable événement littéraire doit toujours être une source : et c'est pourquoi seule la postérité, c'est-à-dire l'histoire littéraire, peut le consacrer comme tel.

Sans aller jusqu'à dire qu'il doit toujours être l'origine d'unenouvelle École, encore faut-il qu'il soit d'une très grande influence.

Les Chansons de Béranger n'ont guère d'imitateurs, elles n'ouvrent aucune voie.

Au contraire, Les Fleurs du Mal, Les Chants de Maldoror, Alcools sont de véritables réservoirs d'inspiration pour des générations de poètes, par lesquels un écrivain prend la tête d'unmouvement, et la réussite du mouvement inauguré par tel grand manifeste témoigne par elle-même de la féconditéde celui-ci.

Bref, si seule l'actualité salue les événements littéraires, c'est la postérité seule qui les consacre. III Équivoques et dangers de la notion d'événement littéraire En définitive, la notion d'événement littéraire est-elle parfaitement claire et peut-on louer sans réserve une œuvred'être un événement littéraire ? 1 Différence de perspective entre les contemporains et la postérité Jusqu'à présent nous avons montré comment actualité et postérité se complètent pour l'indispensable consécration.Mais il y a des cas où elle s'opposent ; très souvent la postérité reproche aux contemporains leur manque dediscernement et leurs erreurs : pour Taine, l'oeuvre de Stendhal est le grand événement littéraire du romanromantique ; pour les historiens actuels de la littérature, les poésies de Rimbaud et de Mallarmé sont les grandsévénements littéraires du symbolisme, alors que les contemporains auraient plutôt mis en avant Verlaine.

Qu'on nedise pas seulement qu'il s'agit là de ces inévitables reclassements de valeurs par lesquels la postérité corrige lesjugements des contemporains ; il s'agit bien d'une redistribution de l'importance respective de ces trois poètes dansles nouveautés qu'apportait le mouvement symboliste.

Il n'est pas question en effet de dire que Verlaine est un«mauvais poète», alors que Mallarmé et Rimbaud sont de «bons poètes», mais simplement de se demander lequelparmi ces trois grands poètes a le plus ouvert de voies, a le mieux répondu à ce besoin de renouvellement de lapoésie qu'on éprouvait vers les années 1870-1885.

Dans cette perspective nous aurions tendance aujourd'hui àconsidérer l'oeuvre de Verlaine comme un événement littéraire moins important que l'oeuvre de Rimbaud ou celle de. »

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