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Evidence et vérité

Publié le 15/01/2004

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La vérité s'applique aux idées, non aux choses* Le langage courant confond bien souvent les termes réalité et vérité. Or, il convient de les distinguer soigneusement. Un objet (ce tapis, cette lampe), un être seront qualifiés de « réels ». Cette lampe est réelle, autrement dit elle existe effectivement ; ce n'est pas une fiction de mon imagination. Mais cela n'aurait aucun sens de dire : « Le tapis, cette lampe sont vrais » (ou « faux ») * La vérité est une valeur qui concerne exclusivement nos énoncés, nos pensées, nos jugements. Ainsi, par exemple, les jugements : « Cette lampe existe », « Ce tapis est rouge » peuvent parfaitement être dits « vrais » ou « faux ». La vérité ou la fausseté qualifient donc, non l'objet lui-même, mais la valeur de mon assertion. * Dans certains cas pourtant, le langage paraît attribuer la vérité ou la fausseté à l'objet : un faux tapis persan, un faux Vermeer, de fausses dents. Mais on désigne ici des objets réels : le faux persan est bien un tapis, le faux Vermeer un vrai Van Meegeren, les fausses dents un vrai dentier ! La fausseté porte ici sur le nom attribué improprement à ces objets, et non sur leur réalité. C'est précisément parce que l'énoncé : « Ce tapis est un tapis persan » est faux qu'il s'agit d'un faux persan.

« C.

Sous l'évidence, les préjugés • Cette conception de la vérité peut être dangereuse, car l'évidence est mal définie.

Nous éprouvons un sentimentd'évidence, une impression d'évidence ; mais devons-nous accorder à cette impression une valeur absolue ?Descartes a bien senti la difficulté puisque, après avoir affirmé que nos idées claires et distinctes sont vraies, ilreconnaît «qu'il y a seulement quelque difficulté à bien remarquer quelles sont celles que nous concevonsdistinctement »...

En fait, l'impression vécue de certitude n'est pas suffisante pour caractériser le jugement vrai.Car on peut éprouver un fort sentiment d'évidence et pourtant être dans l'erreur.

Dès lors, comment distinguer lesfausses évidences et les vraies évidences ? C'est ici qu'un critère objectif serait nécessaire, comme Helvétius(1715-1771) le fait ironiquement observer : « Descartes a logé la vérité à l'hostellerie de l'évidence, mais il a négligéde nous en donner l'adresse.

» • Souvent les passions, les préjugés, les traditions fournissent des contrefaçons d'évidence.

Nous avons tendance àtenir pour claires et évidentes les opinions auxquelles nous sommes habitués.

En revanche, les idées nouvelles lesmieux fondées ont du mal à se faire accepter.

Au nom de l'évidence, c'est-à-dire des traditions bien établies et desidées coutumières, les penseurs officiels, installés dans leur conformisme, ont souvent critiqué les grands créateursd'idées neuves.

L'Académie des sciences se moqua de Pasteur, comme les vieux chimistes s'étaient moqués desdécouvertes de Lavoisier. « L'évidence est le caractère (ou signe ou critérium) d'une vérité clairement et distinctement conçue qui s'imposeà l'esprit.

» Lagneau, Célèbres Leçons et Fragments, 1950 (posth.) « Toute vérité nouvelle naît malgré l'évidence.

» Bachelard, Le Nouvel Esprit scientifique, 1934. Préjugé : « Ce qui est jugé d'avance, c'est-à-dire avant qu'on se soit instruit.

Le préjugé fait qu'on s'instruit mal.» Alain, Définitions, 1953 (posth.) « Pour ce que nous avons tous été enfants avant que d'être hommes, et qu'il nous a fallu longtemps êtregouvernés par nos appétits et nos précepteurs [...], il est presque impossible que nos jugements soient si purs ni sisolides qu'ils auraient été si nous avions eu l'usage entier de notre raison dès le point de notre naissance.

»Descartes, Discours de la méthode, 1637. « Qui a une idée vraie sait en même temps qu'il a une idée vraie, et ne peut douter de la vérité de la chose.

»Spinoza, Éthique, 1677 (posth.) « Nous ne prendrons jamais le faux pour le vrai tant que nous ne jugerons que de ce que nous apercevonsclairement et distinctement.

» Descartes, Principes de la philosophie, 1644. « Descartes n'ayant point mis d'enseigne à l'hôtel de l'évidence, chacun se croit en droit d'y loger son opinion.

»Helvétius, De l'Esprit, 1758.. »

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