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L'expérience instruit-elle ?

Publié le 12/03/2004

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Termes du sujet:

  • Instruire: faire acquérir des connaissances, transformer. Amener quelqu'un à se modifier en lui faisant trouver des raisons de le faire.
  • EXPÉRIENCE: a) Sens courant (expérience vécue): instruction acquise par une longue pratique des choses (l'expérience de la vie). b) Connaissance acquise par les données ou impressions des sens. c) En science, observation méthodique et réfléchie de certains phénomènes, en vue de vérifier une hypothèse (synonyme d'expérimentation).
  • L'expression même de «sciences expérimentales« suggère que l'expérience est la source de connaissances certaines. Mais nous parlons aussi de l'expérience dans la vie : s'agit-il de la même chose ? L'expérimentation scientifique s'oppose par sa méthode à l'expérience commune : n'est-ce pas à ce titre seulement qu'elle pourrait nous instruire ? L'expérience instruit-elle ?
  • L'expérience et la raison Comme le souligne Kant, dans l'introduction de la Critique de la raison pure, ce n'est pas parce que toute connaissance «commence avec l'expérience « que toute connaissance « dérive « de l'expérience.

 

L'expérience semble pouvoir se comprendre comme notre premier contact avec la réalité du monde. En ce sens, par expérience, nous savons qu'il est dangereux de s'approcher d'un feu etc. l'expérience semble pouvoir produire une sagesse pratique que l'on pourrait définir comme une prudence. Cependant, instruire c'est aussi  produire un savoir. Or l'expérience peut-elle produire un savoir théorique ? Si l'empirisme pense l'expérience comme source de tous nos savoirs de telle manière que rien n'existe dans l'esprit qui n'ait d'abord été dans les sens, la rationalisme lui refuse à l?expérience cette possibilité en tant qu'elle le fruit des sens. Or nous sens sont trompeurs comme le montre le cas du bâton brisé dans l'eau. S'il ne s'agit pas d'opposer schématiquement ces deux perspectives, force est de constater la nécessité de s'interroger sur la fécondité et la valeur cognitive de l'expérience. Le questionnement est ici résolument épistémologique. Pourtant, si l'on doit se méfier de l?expérience afin d?atteindre un savoir, peut-on s'en passer ?

 

  • Introduction : Les diverses sortes d'expériences

a) L'expérience première b) L'expérience scientifique : faits et théorie

  • 1. La théorie scientifique

  • 2. Les faits scientifiques

a) C'est un fait ! b) Le fait scientifique est inséparable d'une théorie

  • 3. L'expérience, vérification de la théorie ?

a) Un exemple classique b) Une interprétation discutable c) Ambiguïté du fait  

 

« l'expérience) nous met-il en possession de connaissances nouvelles et nous fait-il accéder au savoir ? Sont-ce lesdonnées en tant que telles qui nous apportent un enseignement ?• Le problème soulevé par le sujet est celui de savoir si l'homme, dans la connaissance, est fondamentalement actifou passif, s'il existe, dans le savoir, un élément décisif de passive réceptivité.

On saisit, du même coup, ['enjeu de laquestion et du problème, qui concernent la conduite de notre vie et le mode de construction de notre savoir.

Ledynamisme de la raison et de l'esprit sont-ils formateurs ou bien faut-il s'en remettre aux données ? Selon le type deréponse envisagé, notre attitude existentielle sera différente.

L'enjeu est donc ici décisif. A) L'expérience dans la vie quotidienne. Dans le langage courant, l'expérience désigne d'abord la qualité de celui qui a longuement éprouvé quelque chose etqui élargit, ainsi, sa connaissance, son savoir et ses aptitudes : le sens premier du mot semble donc nous conduiredirectement à une réponse affirmative.

Expérience, ne l'oublions pas, vient du latin -experiri; faire l'essai de.

Or,faire longuement l'essai de quelque chose, n'est-ce pas élargir ses propres aptitudes ? En ce sens, l'expérience -conçue comme ensemble de données - nous instaurait directement.

Ainsi parle-t-on, par exemple, de «l'expériencedu monde» ou «des hommes», de «l'expérience des affaires» ou «d'un métier», pour signaler l'élargissement dusavoir, en tant que fruit des données ou de la réception d'un donné.

Oui, les faits semblent nous instruiredirectement, s'il faut en croire le langage courant.Toutefois, les faits et le donné nous forment-ils en eux-mêmes ? À nous de savoir en faire usage.

D'ailleurs, le mot«expérience», bien plus qu'il ne désigne le fait d'éprouver passivement, renvoie à la pratique que l'on a eue dequelque chose, considérée ainsi comme un enseignement.

Dans cette perspective, le terme d'expérience se nuanceet indique le contact formateur du moi avec les choses.

Voici qui est déjà beaucoup plus intéressant : et, en effet,ce qui semble alors mis en jeu, ce n'est point tant l'accumulation des données que notre capacité de comprendre etde réfléchir sur elles.

Il ne s'agit pas tellement, dans la vie quotidienne, d'accumuler et d'éprouver quelque chose oudes choses, en quantité, que de tirer du réel des leçons, dues à sa propre intelligence.

En somme, l'expériencedésigne ici une pratique formatrice résultant de notre discernement, et c'est ce discernement qui instruit et apporteun enseignement.

Ce n'est jamais le réel qui nous forme, mais bien nous qui nous formons.Les exemples seraient ici nombreux : s'instruire dans la conduite de la vie, ce n'est pas juxtaposer et additionner lesdonnées, mais réfléchir sur les erreurs passées, mettre à jour des lignes de force nouvelles qui devront êtrerespectées, de nouvelles valeurs, de nouvelles tactiques.

L'expérience sociale représente une pratique intelligenteet non point une simple épreuve des faits et des données.

Il en est de même des voyages.

L'expérience de celui quivoyage (passivement) peut être infiniment pauvre et nous savons tous qu'un voyage réussi résulte de la maîtrised'une culture, d'un passé, d'un lieu.

C'est notre capacité de réflexion qui est ici mise en jeu, par opposition à lasottise de ces voyageurs, qui s'imaginent que les impressions ou données les instruisent.Ainsi, dans la vie courante, l'expérience en vient à désigner une pratique réfléchie, qui seule peut véhiculer unsavoir, des connaissances, un pouvoir réel sur les choses, le monde et nous-mêmes.

Mais nous n'avons jusqu'iciabordé que l'expérience dans la vie quotidienne.

Or, il existe une sphère où le terme d'expérience joue-un rôlefondamental.

C'est la sphère scientifique.

Il nous faut donc atteindre un second niveau d'étude. B) L'expérience scientifique : une invention théorique issue de la raison. Dans le domaine des sciences, l'expérience nous instruit-elle ? Plus précisément, quel sens faut-il donner à ce termed'expérience pour qu'elle soit considérée comme constitutive du savoir ? Que désigne exactement une expériencepour être instructive ?Elle pourrait signifier un fait brut qui nous formerait, un phénomène qui véhiculerait un savoir, une observationsignificative.

Mais, à vrai dire, l'expérience scientifique qui instruit ne désigne pas tant une observation passive etdésarmée qu'une question que l'homme pose à la nature.

Si nous restons passifs en lace des données, sansréfléchir, sans questionner, nous n'apprendrons rien ! L'expérience qui enseigne est active : elle est provoquéecomme moyen de s'instruire, en particulier pour contrôler une hypothèse.

Il s'agit moins d'enregistrer passivement leréel que de le reconstruire pour pouvoir le connaître.

«L'expérience» nous instruit-elle ? S'il faut considérerl'expérience comme une simple observation passive, comme un contact avec le monde extérieur, sans la moindreinitiative personnelle, nous dirons que l'expérience n'instruit pas.

Ce qui instruit, c'est l'expérience au sensdynamique du terme, comme interrogation méthodique et réglée des phénomènes.

On peut prendre ici l'exemple deGalilée, qui ne put s'instruire qu'en raisonnant, au moyen d'une méthode mathématique et d'une expérience guidéepar la raison.

Ce n'est jamais la simple expérience, c'est-à-dire la connaissance sensible acquise passivement par lessens qui est guide et savoir mais bien l'expérience conçue comme recherche expérimentale et rationnelle.

AinsiGalilée, le célèbre astronome italien, qui fournit au système copernicien sa base scientifique, fut-il instruit par uneexpérience théorique : «La manière dont Galilée conçoit une méthode scientifique correcte implique uneprédominance de la raison sur la simple expérience, la substitution de modèles idéaux (mathématiques) à une réalitéempiriquement connue, la primauté de la théorie sur les faits» (Koyré, Études d'histoire de la pensée scientifique, p.83, NRF).L'expérience (passive) est donc inutile et n'apprend rien.

Ce qui apprend quelque chose, c'est la substitution decalculs au réel immédiat, de schémas a priori aux données brutes.

C'est en ce sens que l'on peut dire que l'onexpérimente avec sa raison.

En somme, l'observation passive n'instruit pas : ce qui est instructif, c'est l'activeexpérimentation qui organise, interprète et comprend.Ici, nous pouvons faire référence à Kant, qui a fortement souligné ces points.

L'expérience en elle-même, non guidéepar les concepts ou catégories, serait parfaitement stérile.

La mathématique et la physique entrèrent dans la voieroyale de la science le jour où les chercheurs comprirent qu'il ne faut pas se laisser guider uniquement par les faits,mais introduire en eux le pouvoir de la raison.

Quand Thaïes imposa aux figures géométriques un traitement. »

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