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Expliquer et apprécier ce jugement de Joubert

Publié le 09/02/2012

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Le tafent de Racine est dans ses oeuvres, mais Racine lui-même n'y est pas... Aussi s'en dégoûta-t-il... Ceux à qui Racine snffit sont des pauvres âmes et de pauvres esprits restés béjaunes et pensionnaires de couvent. Racine et Boileau ne sont pas des eaux de source; un beau choix dans l'imitation fait leur mérite ... Racine est le Virgile des ignorants ...

« peindre sous les traits d'un Oreste, d'une Hermione, d'un Néron, d'un Mithridate.

Cette fatalité de la passion, cette sorte de déterminisme moral qui pèse sur ses héros, c'est lui encore, tel que l'ont fait la famille, le collège de Beauvais, les « Petites Ecoles », où régnaient les conceptions du plus pu.r jansénisme touchant l'homme et la vie.

Phedre, on l'a souvent répété, est, d'un bout à l'autre, inspirée par les doctrines de Port-Royal; en dépit des données scabreuses de la pièce, elle est la fille reconnue par les Solitaires.

Dans Andromaque, Astyanax reste dans la coulisse.

Dans Athalie, Joas paraît sur la scène.

Dans les deux œuvres, Racine laisse entrevoir le père qu'il devait être ou qu'il était.

Il a placé sur les lèvres de la Troyenne et de Josabeth des paroles révélatrices et qui prouvent sa tendresse pater­ nelle.

En outre, cette harmonie, ce charme discret, cette poésie, cette grâce mondaine, cette haute distinction, cette suprême élégance, ce goût noble et un peu pompeux, cet amour du bien dire, n'est-ce point Racine lui­ même, tel que nous le représentent les portraits ou les témoignages con­ temporains? Oui, il est aisé, sans rien forcer, de retrouver, dans ses tragédies, Racine tel que l'avaient fait la nature, l'éducation et le siècle de Louis XIV.

* ** Est-ce parce que Racine n'a pas mis son âme dans son œuvre qu'il s'en dégoûta et quitta le théâtre? Non, l'histoire nous apprend que trois causes principales provoquèrent sa retraite.

C'est d'abord l'acharnement de ses ennemis, la violence des cabales, montées contre ses plus beaux chefs-d'œuvre.

On a pu écrire un livre sur «les ennemis de Racine».

Ils furent nombreux, influents, sans doute; tou­ tefois ni leur foule, ni leur prestige, ni leurs protecteurs n'eussent suffi à décourager un Corneille, un Molière, un La Fontaine.

Mais comme tous ceux qui volontiers ridiculisent le prochain, Racine, grand railleur, épi­ grammatiste féroce, ne pouvait supporter la raillerie ou la contradiction.

La moindre critique affligeait mortellement cet écorché vif.

Les bons con­ seils, les encouragements quasi fraternels de Boileau, l'assurance qu'il lui donnait que le public reviendrait de ses erreurs, rien ne pouvait le consoler des attaques provenant d'hommes dont il savait la médiocrité, dont il méprisait le caractère.

L'échec de Phe!lre surtout lui meurtrit le cœur et parut à jamais avoir tari sa veine.

L'épître VII de Despréaux, sur l'utilité des ennemis, n'eut point le succès qu'elle méritait.

Aucun argument ne fut capable de le faire revenir sur sa décision; il eût fallu changer ce cœur trop prompt à se cabrer devant l'injustice, trop habile à se torturer lui­ même, trop tenace en ses ressentiments.

Mais, plus encore que la révolte du génie méconnu ou contelité, cette retraite fut le retour de l'enfant prodigue à la maison paternelle.

Les débuts de la carrière dramatique de Racine avaient été marqués par la rupture avec Port-Royal.

L'élève des Solitaires avait protesté véhémentement contre Nicole qui avait osé traiter les comédiens d' « empoisonneurs publics :z,.

Des lettres, spirituelles jusqu'à la méchanceté inclusivement, vengèrent les aCteurs et les auteurs.

Mais après s'être rué sur le plaisir avec l'ardeur d'une jeunesse trop longtemps tenue sous un joug austère, Racine, -à l'âge de trente-huit ans, sous le coup de cruels déboires, sollicité par les appels intérieurs et extérieurs de la grâce, revint aux amitiés d'antan, à l'amitié de Dieu.

Il n'était point l'homme des demi-mesures.

Afin de bien prouver à Port-Royal sa sincérité et à Dieu son amour, il renonça totalement à ce qui l'avait brouillé avec ses anciens maîtres et entraîné loin des sentiers de la vie chrétienne.

Il dit au théâtre un adieu, dans sa pensée, définitif.

Et s'il y revint plus tard, à la demande d'une grande éducatrice, ce fut pour la gloire de Dieu, pour le bien des âmes.

Il n'alla plus alors puiser ses inspirations dans la légende ou l'histoire profane mais dans la Bible, le livre divin.

Esther et Athalie, avant d'être des chefs-d'œuvre drama­ tiques, devaient être à ses yeux des pièces édifiantes, la mise en scène de deux pages des annales du peuple de Dieu.

Il y célèbre la bonté et la puis­ sance suprêmes, intervenant dans des cas désespérés, en faveur des âmes saintes, et pour la réalisation des desseins éternels.. »

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