Expliquez et commentez la formule de Pierre Bourdieu : « le corps fonctionne comme un langage par lequel on est parlé plutôt qu'on ne le parle. »

  image que l'on veut véhiculer de nous-mêmes. Il existe donc une possibilité d'appropriation de notre propre corps, nous ne serions alors pas soumis uniquement à ce que notre corps dégage indépendamment de ce que nous voulons bien montrer. En effet, si le corps est un objet social et culturel, c'est donc qu'il est un objet construit : on peut donc le déconstruire.  Encore faut-il en avoir les moyens : Jouer de ce corps qui se joue de nous est un privilège qui réclame du sens critique, capacité de se mettre à distance de soi même, et si « je suis ce que je fais de ce que les autres ont fait de moi «, cette liberté résiduelle reste dépendante de facteurs empiriques, économiques et intellectuels. Bourdieu parle ainsi d'un « ensemble de traitements intentionnellements appliqués à tout l'aspect modifiable du corps et en particulier par l'ensemble des marques cosmétiques ou vestimentaires qui, dépendant des moyens économiques et culturels susceptibles d'y être investis, sont autant de marques sociales recevant leur sens et leur valeur de leur position dans le système de signes distinctifs qu'elles constituent et qui est lui-même homologue d'un système de positions sociales. « : cosmétique, vétements, bijoux, sont autant d'éléments au service d'un vaste système de classification sociale. Seule une partie de la population peut délibérement décider d'échapper à ce tri qui est en jeu dans toutes les relations inter-individuelles. Intelligence, revenus, éducation,

sont autant de facteurs déterminant la capacité d'un individu à s'extraire de sa condition. Dans un langage marxiste, on pourrait dire que la lutte des corps recoupe la lutte des classes.  Le corps, vecteur signifiant par excellence, constitue donc un objet sociologique à proprement parler. Véhicule immédiat de notre rapport à la société, il peut être défini comme corps social dans le sens où il est avant tout construit par l'ordre social.   Ce corps dont nous parle Bourdieu n'est pas un amas de chair, il ne désigne pas le corps en soi, mais un vaste ensemble d'habitudes, de gestes, de tons, de façon de montrer et de dissimuler, de façon de se mouvoir : autrement dit le corps en acte. Il est donc signifiant par son être de symbole : le corps est un signe langagier qui communique directement à celui qui le regarde sur celui qu'il incarne. Ce langage se distingue cependant d'un langue naturelle de par son caractère fondamentalement non-intentionnel : le corps n'est pas un instrument dont on pourrait disposer pour exprimer ce que l'on veut, mais un miroir qui nous trahit et qui révele des schèmes intériorisés que nous voudrions parfois pouvoir cacher. Le “langage” du corps témoigne en effet d'habitus de classe, et vient donc renforcer la hiéarchie existante au sein de la société en distinguant le vulgaire, le pataud, du noble ou du chic, et ce le plus souvent quels que soient les efforts des deux parties pour masquer (ou marquer) leur appartenance sociale.