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Exposé sur l'Etranger d'Albert CAMUS : Quelle vision du monde donne l'Etranger ?

Publié le 19/09/2010

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camus

 

 

Albert Camus, auteur du 20ème siècle s’est souvent interroger sur la condition humaine vouée à l’échec. Trois de ces œuvres, le roman l’Etranger, l’essai le Mythe de Sisyphe, ainsi que Caligula, développent ce sujet en se basant principalement sur la théorie de l’absurde. L’Etranger, achevé en 1942, présente un personnage différent, distant, distinct et inhabituel qui conduit le lecteur à un sentiment d’incompréhension. Ce malaise amène donc à se demander quel est le message de l’auteur, c'est-à-dire quelle vision du monde donne ce livre ?

C’est ainsi que dans un premier temps, nous montrerons que la société est renfermée sur elle-même, et dans un deuxième temps que le monde et le sens de la vie prennent une dimension absurde. 

 

I)-Une société renfermée sur elle-même

 

1)-La dimension que prennent les personnages

 

Le roman présente une société renfermée sur elle-même, et à travers la dimension que prennent les personnages, elle devient le reflet de la réalité. En effet, il apparaît une certaine diversité. On retrouve par exemple chez la jeune Marie, une envie de vivre traduite par une joie constante, elle se dévoile douce, belle, fragile, enfantine voire naïve. Elle est accompagnée du champ lexical de la vitalité : « avec des yeux brillants «, « visage de fleur «, « elle riait toujours « etc. On note que Céleste a un comportement proche de celui de Marie. Mais, au contraire, c’est un coté obscur qui apparaît par le biais de Raymond Sintès, homme qui n’admet pas l’échec et qui cherche à se faire respecter par tous les moyens sans réfléchir aux conséquences et au mal que cela peut engendrer. Sa méthode est d’écraser ses obstacles pour réussir, au lieu de les franchir. Ainsi, il monte tout un stratagème contre sa maîtresse pour la « punir «, et se révèle violent avec une attitude de meurtrier. D’un autre côté, il y le patron de Meursault, soucieux du bon fonctionnement de son entreprise. C’est un personnage caricatural de ce qui dirige le monde actuel : « le temps c’est de l’argent «. Il représente le désir absolu d’obtenir toujours plus, d’acquérir la gloire, la richesse, le plus rapidement possible ; il n’est jamais satisfait : « il n’avait pas l’air content « p 1. C’est l’homme qui cherche son idéal dans le concret, le matériel, et non dans les valeurs naturelles humaines. La société ainsi délimitée, Meursault n’y trouve pas sa place.

 

2)-Meursault : un personnage étranger. 

 

En effet, comme le suppose le titre, le personnage principal se trouve être un homme étranger à cette société, ainsi qu’à lui-même. De ce fait, il est sans valeur, sans religion : il est proche et en harmonie avec la nature qui exerce sur lui une force. 

De ce fait, la pression du soleil, de la mer, de toute la plage qui vibre, lors de la scène du meurtre, traduit cette transcendance, la nature alors personnifiée devient le coupable dont Meursault est l’objet. C’est un automate qui réagit à l’instinct et qui ne peut pas mentir, la vérité est chez lui naturelle et spontanée. De plus ses paroles traduisent des échanges limités avec son entourage, le strict minimum est dit : « Je ne parlais pas pour ne rien dire « p 92-93. Il semble donc indifférent à ceux qui l’entourent, à Marie qui l’aime, ainsi qu’au décès de sa mère. C’est un personnage qui ne partage rien sur le plan humain, qui ne possède pas le même code, le même langage, mais qui reste sensible et submergé de sentiments qu’il n’exprime pas et qu’il ignore. D’ailleurs, au début de son accusation, il a « une envie stupide de pleurer parce qu’il sentait combien il était détesté par tous ces gens là « p 90. Mais, dans son quotidien banal et cyclique (à savoir manger chez Céleste, dormir, travailler, sortir avec son entourage etc.) il trouve une certaine notion du bonheur, et devient finalement un homme heureux  en harmonie avec lui-même. Meursault n’est ni bon, ni mauvais, et se fait sa propre opinion des choses, le plus souvent les présentant comme n’ayant pas de sens et en prenant chaque fait comme il vient, sans volonté de se débattre. Cette différence qui le transforme en un personnage étrange est peut être l’origine de sa condamnation par la société et non à cause du fait principal à savoir le meurtre de l’Arabe. 

 

3)-Une société qui condamne les différences

 

Effectivement, lors de son procès, Meursault semble être victime d’une société qui condamne les différences et qui se base sur des préjugés : il se fait questionner à mainte reprise sur l’indifférence qui émanait de lui au sujet de la mort de sa mère au lieu d’être interroger de façon plus conséquente sur les circonstances du meurtre. On lui reproche ainsi de ne pas avoir pleuré à l’enterrement de sa mère, et l’on en fait un monstre au cœur de pierre. Il est donc condamner à cause de sa différence, de son mode de vie et de sa pensée qui  divergent de toutes les mœurs que la société a pues établir. Cette société semble avoir peur de ce qui ne lui ressemble pas, et choisit donc d’éliminer ce qui serait susceptible de l’anéantir, elle pense ainsi se protéger. Elle se garde le droit de juger arbitrairement, pensant détenir la vérité absolue et conditionne ainsi l’homme. On peut donc citer la réponse que le juge d’instruction donne à Meursault lorsque ce dernier lui affirme que son affaire est très simple : « C’est un avis, pourtant la loi est là «. D’un autre côté, Meursault était un homme heureux et libre avant d’être pris au piège dans cette spirale de règle et d’institutions, il vivait au jour le jour, sans se poser de question, et apparaissait comme un humain  part entière malgré son caractère extrêmement rare. Il est donc rejeté, mais cet écart, cette mise à distance nous permet de prendre du recul, et grâce à lui de pouvoir analyser la condition humaine : l’homme s’enferme dans ses valeurs jusqu’à se nuire. A travers ce comportement insensé, la société peut être qualifiée d’absurde, et on peut élargir cette vision à l’échelle du monde et du sens que prend la vie.

 

II)-Un monde absurde

 

1)-La fatalité de la mort

 

C’est ainsi qu’on peut parler d’un monde absurde où tout le monde meurt un jour et où la vie ne vaut donc pas la peine d’être vécue telle que le pense le narrateur : « Mais tout le monde sait que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue. « p 112. Tout semble déjà écrit, et la fatalité de la mort pèse plus que tout. Meursault ne se sent pas gêner de la mort de sa mère ni de celle de l’Arabe qu’il a pourtant causée car c’était selon lui dans l’ordre des choses. La mort n’est que l’aboutissement inévitable d’un enchaînement d’événements heureux ou malheureux, intenses ou insignifiants. Meursault n’a donc aucun regret et cela ne changerait rien pour lui d’en avoir car le destin a fait son devoir, tout était écrit. Dans sa situation de condamné à mort, il réagit de la même façon, il ne se ronge pas de remords inutiles et les jours coulent naturellement sur lui en attendant la sentence. Tout ce qu’il a pu faire dans sa vie devait s’achever lors de  cette condamnation, il est donc inutile de se débattre et d’essayer de vivre comme si cette fatalité n’était pas une réalité. A quoi bon vivre si c’est pour mourir ? Meursault ne pouvait pas plus échapper à la mort que Sisyphe à son supplice perpétuel  (condamné par les dieux à faire rouler une énorme pierre le long d’une montagne indéfiniment car le rocher redescendait dès qu’il atteignait le sommet, Sisyphe éveille des échos dans notre monde moderne : il semble que nous tous soyons condamnés à accomplir des tâches et à les reproduire perpétuellement pour le seul besoin d’accomplir ces tâches.). En plus du personnage principal, le style froid et lapidaire de la narration annonce aussi ce constat pessimiste qui est présent tout au long du roman, on peut alors parler de registre tragique, qui existe implicitement. Ce choix d’écriture traduit donc qu’une vie est entièrement accompagnée de la mort et ce depuis la naissance. Mais malgré cette fatalité omniprésente, l’homme devra pourtant faire tourner le monde et  se battre pour survivre.

 

2)-Chercher un sens à sa vie malgré la mort inévitable

 

C’est ainsi que nous sommes conduit à nous poser une autre question : faut-il chercher un sens à sa vie malgré la mort inévitable ? Camus en est peut être la réponse. En effet, né dans une famille pauvre, victime de la maladie et de la guerre, Camus était un pacifique non passif, dans le sens où il ne baissait pas les bras. L’absurdité de la vie est peut-être réelle, mais autant s’affirmer et avoir ses propres convictions. En effet, Camus s’est engagé dans la résistance lors de la première guerre mondiale, afin de combattre l’injustice et l’absurdité de la guerre menée par des hommes qui pensaient détenir la vérité qui justifierait leurs actes. Mais la vérité n’est pas connu de l’homme, c’est pour cela que l’auteur ne désire adhérer à aucune idéologie née de la dimension humaine et sociale. Il se raccrocherait plutôt à des valeurs naturelles, telles que Meursault les incarne, sans pour autant se laisser piéger par le constat noir de la mort. 

 

En somme, l’Etranger d’Albert Camus constitue un réquisitoire contre la société qui juge en ayant des préjugés infondés. Il pose le problème du sens de la vie pour l’homme qui a une double attache contradictoire, naturelle et sociale. Il dénonce l’absurdité de l’homme de vouloir tout contrôler et de se surestimer, d’imposer une vérité qui lui semble absolue. Mais qu’est-ce que la vérité absolue ? Existe-t-elle ? Camus dénonce aussi une vie absurde dont l’issue est la même pour tous : la mort. Mais il reste essentiel de trouver un sens à sa vie et de se montrer fort. Mais le sens de la vie se trouve-t-il entre deux mondes extrêmes caractérisées  d’un côté par l’homme réagissant à l’instinct (Meursault)  et d’un autre par l’homme conditionné par la Société ?  En l’absence de réponse, on peut conclure que chaque homme « meurt sot «. 

 

PS : exposé qui a obtenu la note de 19.5/20 :)

 

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