Devoir de Philosophie

Extrait de la République, livre II, 369 c-370 c (Platon)

Publié le 23/03/2011

Extrait du document

platon

« Eh bien donc ! repris-je, jetons par la pensée les fondements d'une cité ; ces fondements seront, apparemment, nos besoins. Sans contredit. Le premier et le plus important de tous est celui de la nourriture, d'où dépend la conservation de notre être et de notre vie. Assurément. Le second est celui du logement ; le troisième celui du vêtement et de tout ce qui s'y rapporte. (...) Mais quoi ? Faut-il que chacun remplisse sa propre fonction pour toute la communauté, que l'agriculteur, par exemple, assure à lui seul la nourriture de quatre, dépense à faire  

provision de blé quatre fois plus de temps et de peine, et partage avec les autres ; ou bien, ne s'occupant que de lui seul, faut-il qu'il produise le quart de cette nourriture dans le quart de temps, des trois autres quarts emploie l'un à se pourvoir d'habitation, l'autre de vêtements, l'autre de chaussures, et, sans se donner du tracas pour la communauté, fasse lui-même ses propres affaires ? Adimante répondit : Peut-être, Socrate, la première manière serait-elle plus commode. Par Zeus, repris-je, ce n'est point étonnant. Tes paroles, en effet, me suggèrent cette réflexion que, tout d'abord, la nature n'a pas fait chacun de nous semblable à chacun, mais différent d'aptitude, et propre à telle ou telle fonction. Ne le penses-tu pas ? Si. Mais quoi ? Dans quel cas travaille-t-on mieux, quand on exerce plusieurs métiers ou un seul ? Quand, dit-il, on n'en exerce qu'un seul (...) Par conséquent on produit toutes choses en plus grand nombre, mieux et plus facilement, lorsque chacun, selon ses aptitudes et dans le temps convenable, se livre à un seul travail, étant dispensé de tous les autres. « Platon.   

...

platon

« chose de fort compliqué.

Cela exige une « vue pénétrante ».

Or, c'est précisément cette extrême pénétration duregard qui pour l'heure fait défaut.

Il s'agit donc, dit Socrate, de trouver un moyen de compenser ou de corrigernotre myopie actuelle.

« Si l'on donnait à lire de loin à des gens qui ont la vue basse des lettres écrites en petitscaractères, et que l'un d'eux s'avisât que les mêmes lettres se trouvent écrites ailleurs en caractères plus gros surun tableau plus grand, ce leur serait, je présume, une belle chance de commencer par lire les grosses lettres etd'examiner ensuite les petites pour voir si ce sont les mêmes » (République II, 368 d).

On peut bien sûr sedemander, et c'est ce que ne manque pas de faire Adimante, l'un des interlocuteurs de Socrate, quel rapport y a-t-il entre ce discours et la question de la justice.

Socrate répond en disant que la justice pour l'ensemble de la citéest plus grande que la justice pour un individu et dès lors plus aisée à déchiffrer. La naissance de la cité a des origines naturelles : elle repose sur la nécessité qu'ont les hommes de satisfaire leursbesoins.

L'individu éprouvant de multiples besoins se révèle incapable de se suffire à lui-même.

Tel est le principe,ou le fondement, ou bien encore le commencement (arche) de toute cité.

La polis commence à partir du moment oùles échanges de services permettant de satisfaire les besoins se créent.

Platon fait ensuite une hiérarchie desbesoins en prenant comme base le plus vital de tous les besoins, celui « d'où dépend la conservation de notre êtreet de notre vie » : la nourriture (c'est-à-dire boire et manger).

Viennent ensuite le logement et le vêtement.

C'est làque nous constatons une coupure dans le texte que nous commentons.

Pour une meilleure compréhension del'ensemble, rétablissons ici brièvement ce qui manque.

A ce stade élémentaire de la polis, il faut des agriculteurs,des maçons, des tisserands, des cordonniers et peut-être quelques autres artisans.

La question qui se pose alorsest de savoir comment organiser les différents métiers au sein de la cité.

C'est là que reprend le texte en nousmettant devant l'alternative suivante : ou bien l'agriculteur, par exemple, emploie tout son temps à fournir les vivrespour quatre, ou bien il n'emploie qu'un quart de son temps à fournir ces vivres et les trois autres quarts, il lesconsacre à satisfaire ses autres besoins (logements, vêtements et chaussures) sans se soucier de la communauté.C'est la première hypothèse qui est retenue.

Pourquoi ? Plus exactement sur quoi repose-t-elle ? Sur une idée fortimportante chez Platon : la nature a donné à chaque homme des dispositions différentes pour l'exercice de tel ou telmétier.

Il s'agit bel et bien là d'une division naturelle du travail.

Une telle division des tâches permet en outre defaire le travail en temps voulu.

Le travail en effet, nous dit Platon dans une phrase qui ne figure pas non plus dans letexte que nous avons sous les yeux (c'est la seconde coupure) n'attend pas le loisir de l'artisan.

Ce dernier doitdonc suivre les exigences de son travail sans le considérer comme un à-côté. De cette division naturelle du travail, Platon tire un principe qui constitue la fin du texte à commenter (« parconséquent...

»).

Nous devons d'emblée préciser que la production dont il est ici question n'est en rien comparable àla production au sens actuel.

Négliger ce point équivaudrait à ne rien comprendre à ce que dit Platon.

Il convientd'ailleurs de faire remarquer que les aptitudes de chacun sont « selon la nature ».

Derrière l'intérêt économique dece principe se tient un arrière-plan philosophique.

Mais ce qu'il faut aussi bien voir, c'est que ce principe porte enlui-même sa propre extension.

Il se présente en quelque sorte comme le fil conducteur de l'accroissement de la cité.En effet pour fabriquer les outils dont se servent les artisans, il faut d'autres artisans.

De même, il faut aussi desbouviers et des bergers pour fournir des bêtes de labour, des bêtes de somme, des peaux et de la laine.

Essayonsen restituant l'extrait dans son contexte, de voir comment se développe la cité. Toujours pour satisfaire les besoins, la cité va devoir importer ce qui lui manque.

Afin de pouvoir importer, elle doitexporter et pour cela, elle doit produire au-delà des besoins de sa propre consommation.

Cela augmente encore lenombre des laboureurs et des artisans et exige des commerçants.

Et si le commerce se fait par mer, il faut d'autresartisans spécialisés dans les choses de la mer (armateurs, chantiers navals).

A l'intérieur même de la polis, leséchanges se faisant par vente et par achat, il faut un marché (1), c'est-à-dire un lieu des échanges, et unemonnaie, signe ou symbole de l'échange.

Seulement un laboureur par exemple qui vient au marché ne va quandmême pas attendre toute une journée l'acheteur qui aura justement besoin de ses produits.

Il perdrait alors untemps précieux.

D'où la nécessité de gens qui font office d'intermédiaires achetant leurs produits à ceux qui veulentles vendre et les vendant à ceux qui désirent les acheter.

Dans ce passage de la République, Platon distingue lesmarchands au sens des intermédiaires qui se trouvent au marché des négociants qui vont d'un pays à l'autre.

Le tonavec lequel Platon parle des commerçants, notamment des marchands, peut surprendre.

« Dans les cités bienréglées, ce sont ordinairement les gens les plus faibles de santé, incapables de tout autre travail » (371 d).

Il nes'agit nullement d'un sentiment de mépris de Platon envers les commerçants.

En rester là, c'est préférer l'étiquetagepsychologique à l'explication philosophique.

Lorsque Platon parle d'une cité (polis) administrée de façon droite, ilsous-entend que la rectitude politique se fonde sur la rectitude philosophique qui tend vers l'idée des idées, l'idée duBien.

Après la description des commerçants, Platon achève de brosser le tableau de cette polis primitive en parlantde ceux qui ont surtout du muscle, ceux qui n'ont que leur force physique, ce qui les rend naturellement aptes auxtravaux pénibles.

Ce sont les hommes du ponos, les hommes de peine, les salariés.

Ainsi s'achève la description dela cité primitive.

Platon décrit ensuite la situation actuelle de la polis avant de décrire la cité telle qu'elle devrait êtreidéalement, c'est-à-dire philosophiquement.Si au cours de la genèse de la cité, Platon parle de la division naturelle du travail, ou plutôt d'une division du travailfondée sur la nature, il ne parle pas encore comme Adam Smith, Marx ou Durkheim de la division du travail social.Précisons ici cette différence en rappelant tout d'abord l'exemple célèbre que donne Adam Smith dans son ouvrageRecherches sur la Nature et les Causes de la Richesse des Nations.

Un seul ouvrier dans une manufacture d'épinglesne pourrait guère fabriquer qu'une à vingt épingles par jour.

Or si l'on veut bien considérer qu'une dizaine d'ouvriersspécialisés dans un moment bien particulier de la fabrication d'une épingle produisent « plus de quarante-huit milliersd'épingles dans une journée », on mesure mieux les effets bénéfiques pour la production de la division du travail : «Les plus grandes améliorations dans la puissance productive du travail, et la plus grande partie de l'habileté, del'adresse et de l'intelligence avec laquelle il est dirigé ou appliqué, sont dues, à ce qu'il semble, à la division du. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles