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Faire le mal, est-ce seulement désobéir aux lois ?

Publié le 08/02/2004

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Une telle règle, si communément admise, prouve que nul n'a pu déterminer la justice universelle, celle qui se serait imposée à tous les peuples avec l'évidence de la vérité. Si une telle vérité existait, elle aurait soumis tous les peuples, non par la contrainte qu'imposent les guerres, mais par la seule force de la reconnaissance « de la véritable équité ». Celle-ci se serait imposée d'elle-même, enracinée (« plantée ») dans le coeur des hommes et dans leurs États, en tout lieu et en tout temps. Or, l'histoire nous montre une « relativité » des conceptions du juste et de l'injuste qui parle d'elle-même. Ce qui est juste ici est considéré comme blâmable là et réciproquement. Ce qui est le bien en France (au-deçà des Pyrénées) est une erreur ou un vice en Espagne (au-delà des Pyrénées). Nous ne pouvons que nous moquer alors d'une justice qui « change de qualité en changeant de climat », justice qui doit être davantage objet de plaisanterie (« plaisante justice ») que de respect. ■ Ce à quoi s'oppose cet extrait: Pascal ne se contente pas ici de dénoncer l'incapacité de la raison à déterminer les principes de la justice authentique et universelle. Sur cette impuissance, nous dit-il, les hommes tirent des conclusions sur la nature de la justice, contre lesquelles il s'oppose. Les philosophes, en effet, au lieu de remettre en cause la relativité des conceptions du juste et de l'injuste, ne trouvent rien de mieux que d'essayer de la légitimer, ajoutant encore plus à la confusion.

« Ce texte de Pascal s'ouvre sur une question qui s'adresse à tout gouvernant d'un État : sur quel principe celui-ci doit-il fonder l'organisation (« l'économie ») de la société qu'il veut gouverner ?S'agit-il de fonder le droit sur « le caprice de chaque particulier» ? Pascal rejette cette solution qui ne peut aboutir qu'à une confusion, celle qui résulte des désirs changeants et contradictoires de chacun, oùnul gouvernement ne peut trouver sa cohérence.S'agit-il de le fonder sur l'idée de la justice et de régler les lois sur ses exigences ? Or, pour Pascal , les princes ignorent ce qu'est la justice universelle, et c'est cette thèse qu'il va tenter de démontrer dans cetexte.S'ils connaissaient une telle justice , en effet, ils n'auraient pas établi cette règle, « la plus générale de toutes celles qui sont parmi les hommes », qui consiste à affirmer que « chacun suive les moeurs de sonpays » et la conception de la justice que les traditions développent chacune en particulier.

Descartes lui-même, dans le Discours de la méthode, reprendra à son compte une telle règle, lorsqu'il adoptera une «morale provisoire » pour accompagner l'épreuve du doute : suivre les moeurs de son pays et les valeursqu'elles établissent.Une telle règle, si communément admise, prouve que nul n'a pu déterminer la justice universelle, celle quise serait imposée à tous les peuples avec l'évidence de la vérité.

Si une telle vérité existait, elle auraitsoumis tous les peuples, non par la contrainte qu'imposent les guerres, mais par la seule force de lareconnaissance « de la véritable équité ».

Celle-ci se serait imposée d'elle-même, enracinée (« plantée »)dans le coeur des hommes et dans leurs États, en tout lieu et en tout temps.Or, l'histoire nous montre une « relativité » des conceptions du juste et de l'injuste qui parle d'elle-même.Ce qui est juste ici est considéré comme blâmable là et réciproquement.

Ce qui est le bien en France (au-deçà des Pyrénées) est une erreur ou un vice en Espagne (au-delà des Pyrénées).

Nous ne pouvons que nous moquer alors d'une justice qui « change de qualité en changeant de climat », justice qui doit être davantage objet de plaisanterie (« plaisante justice ») que de respect.

Ce à quoi s'oppose cet extrait: Pascal ne se contente pas ici de dénoncer l'incapacité de la raison à déterminer les principes de la justice authentique et universelle.

Sur cette impuissance, nous dit-il, les hommes tirent des conclusions sur lanature de la justice, contre lesquelles il s'oppose.

Les philosophes, en effet, au lieu de remettre en causela relativité des conceptions du juste et de l'injuste, ne trouvent rien de mieux que d'essayer de lalégitimer, ajoutant encore plus à la confusion.L'un, confondant la justice de Dieu et le pouvoir du souverain, affirmera que « l'essence de la justice est l'autorité du législateur » et que c'est lui, qui du haut de l'arbitraire de son bon-vouloir, décide de ce quidoit être considéré comme juste ou injuste.

Tel autre affirmera que cette autorité repose sur « lacommodité du souverain », sur ce qui lui agrée et constitue son intérêt propre.

D'autres enfin soutiennentque la seule autorité de la justice provient de la force de la coutume, le temps et l'usage ayant ainsi force de loi.

Cette forme de scepticisme moral repose sur l'idée que la raison ne nous découvre aucunejustice absolue.Or, ici, les philosophes établissent, selon Pascal, un faux lien causal et concluent abusivement, del'impuissance de la raison à déterminer les critères de la justice universelle à sa relativité fondamentale.C'est surtout la coutume qui pousse les hommes à croire de telles choses : « la coutume fait toutel'équité », croit-on, et pour cette seule raison qu'elle a été reçue par les Anciens.

Justification de fait etnon de droit, et c'est là tout le fondement de son autorité, à savoir l'usage, que Pascal appelleironiquement « mystique » car il ne se laisse pas argumenter par des discours.De même que le mystique religieux ne peut discourir sur les expériences du divin qu'il éprouve, ceux quifont de la coutume le principe de la justice ne peuvent discourir sur le fondement de cette conception car, en réalité, elle n'en possède pas.

Le véritable fondement mystique de la justice est, pour Pascal , celui que nous révèlent les Saintes Écritures de la Bible et, pour les élus, les lumières de la foi.

Or laraison humaine est incapable d'atteindre cette vérité qui concerne le coeur, non la raison ni la coutume.

Notre jugement sur la qualité d'une action change-t-il également ? Si les lois d'un pays autorisent la torture,devons-nous la considérer comme bonne là-bas alors que nous la considérons comme inhumaine ici ? Il semble que lejugement sur le bien et le mal soit plus universel que la diversité des lois. Conclusion Lorsque nous affirmons que quelqu'un « fait le mal », notre jugement ne se réfère donc pas seulement aux lois envigueur.

Il ne se réfère pas toujours à une intuition morale du bien : nous ne sommes pas toujours capables de direquelle action devrait être accomplie à la place de celle que nous condamnons, mais nous affirmons avec force quecette action ne devrait pas être accomplie, que l'état de fait suscité par l'action ne devrait pas être.

C'est d'ailleursà ce sentiment, qui demande à être approfondi pour lui-même, que renvoie le terme de « péché » employé parSpinoza et dont la consonance religieuse contraste avec la seule référence à l'obéissance ou à la désobéissance auxlois de la société.. »

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