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faire le savant ; celui-ci les connaît bien, mais il

Publié le 23/10/2012

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faire le savant ; celui-ci les connaît bien, mais il ne les comprend pas véritablement ; car la science de cet ignorant, si mince qu'elle soit, est vivante, en ce sens que tout ce qu'il connaît s'appuie sur une intuition juste et compréhensible, si bien qu'un fait connu lui en représente mille semblables. Au contraire, le savoir considérable du savant ordinaire est mort ; car il consiste, sinon en une science toute verbale — et c'est souvent le cas — du moins en connaissances purement abstraites ; or, ces connaissances tirent toute leur valeur de la connaissance intuitive du particulier ; c'est là-dessus qu'elles s'appuient, et c'est cette connaissance intuitive qui donne leur réalité aux concepts. Mais l'intuition manque au savant ; aussi sa tête ressemble-t-elle à une banque dont les assignats dépasseraient plusieurs fois le véritable fonds. Elle fait banqueroute. — Aussi, tandis qu'une vue adéquate du monde intuitif imprime parfois le sceau de la sagesse au front d'un ignorant, il arrive par contre que les longues études du savant ne laissent d'autres traces sur son visage que celles de l'épuisement et de la fatigue. La faute en est à la tension excessive de sa mémoire, à ses efforts contre nature pour amasser une science morte, à l'aide de vains concepts ; il en arrive ainsi à voir les choses d'une façon si étroite, si bornée, si sotte, qu'il faut en conclure ceci : c'est que cet effort de l'intelligence appliqué à la connaissance médiate des concepts a pour effet direct d'affaiblir la connaissance intuitive immédiate. (Monde, II, 2 . ) J'espère avoir mis en lumière cette vérité importante, que toute connaissance abstraite, de même qu'elle sort de la connaissance intuitive, n'a aussi de valeur que par son rapport avec cette connaissance ; c'est-à-dire que les concepts de la connaissance abstraite ou leurs représentations partielles doivent se réaliser dans l'intuition, y chercher leur confirmation ; semblablement enfin, c'est à la qualité de cette intuition que tout se ramène en dernière analyse. Les concepts et abstractions qui ne finissent point par mener à des intuitions ressemblent à ces chemins qui se perdent dans les forêts sans aboutir nulle part. En quoi, en effet, consiste la grande utilité des concepts ? En ce que, grâce à eux, on peut manier, examiner et ordonner plus aisément la matière première de la connaissance ; pourtant, quelle que soit la complication des opérations logiques et dialectiques accomplies avec les concepts, jamais ceux-ci ne pourront donner naissance à une connaissance tout à fait originale et neuve. (Monde, II, 215.) 3. SAVOIR ET PERCEVOIR Il y a quelque chose de féminin, dans la nature de la raison : elle ne donne que lorsqu'elle a reçu. Par elle-même, elle ne contient que les formes vides de son activité... Savoir, c'est donc connaître abstraitement, c'est fixer dans des concepts rationnels des notions que, d'une manière générale, on a acquises par une autre voie... Le savoir, tel que nous l'avons défini, en l'opposant à son contraire le concept du sentiment, est la connaissance abstraite, c'est-à-dire la connaissance rationnelle. Mais comme la raison se borne toujours à reporter devant la connaissance ce qui a été perçu d'autre part, elle n'élargit pas à proprement parler notre connaissance, mais elle lui donne une autre forme : ainsi, tout ce qui était intuitif, tout ce qui était connu in concreto est connu comme abstrait et comme général. Cela est beaucoup plus important qu'on ne pourrait le croire au premier abord, à en juger par cette simple expression. Car, pour conserver définitivement, pour communiquer la connaissance, pour en faire un emploi sûr et varié, il faut qu'elle soit une science, une connaissance abstraite. La connaissance intuitive ne vaut jamais que pour un cas isolé, elle va au plus prochain et s'arrête là, parce que la sensibilité et l'entendement ne peuvent embrasser proprement qu'un seul objet à la fois. Toute activité soutenue, compliquée, méthodique, doit procéder de principes, c'est-à-dire du savoir abstrait, et être dirigée par lui. Ainsi — pour prendre un exemple — la connaissance qu'a l'entendement des rapports de cause à effet est plus parfaite, plus profonde, plus adéquate que celle qu'on en peut avoir en les pensant in abstracto ; l'entendement seul connaît par intuition d'une manière immédiate et parfaite, le mode d'action d'une poulie, d'une roue d'engrenage, la manière dont une voûte repose sur elle-même, etc. Mais à cause de ce caractère particulier à la connaissance intuitive, que nous venons d'indiquer, de valoir unique- ment pour le présent, le simple entendement ne suffit pas pour la construction de machines ou de bâtiments : il faut y introduire la raison, mettre des concepts abstraits à la place des intuitions, s'en servir pour diriger le travail, et s'ils sont justes, le succès s'ensuivra. De même, nous connaissons parfaitement par l'intuition pure la nature et les lois d'une parabole, d'une hyperbole, d'une spirale ; mais, pour faire une application sûre dans la réalité de ce genre de connaissance, il faut qu'elle devienne une connaissance abstraite et qu'elle perde tout caractère intuitif, pour obtenir en échange toute la certitude et toute la précision du savoir abstrait. Tout le calcul différentiel n'augmente en rien notre connaissance des courbes ; il ne contient rien de plus que ce qui était déjà dans la simple intuition pure ; mais il change le mode de connaissance et transforme l'intuition en cette connaissance abstraite, qui est si féconde au point de vue de l'application. (Monde, I, 55, 57-58.) B) DE LA CERTITUDE SCIENTIFIQUE « La vérité intuitive est le fondement de la vérité démontrée... « Nous avons vu que, — la logique pure exceptée, — toutes les autres sciences n'ont pas leur principe dans la raison même, mais que, puisées ailleurs, sous la forme de connaissance intuitive, elles sont déposées en elle, où elles revêtent la forme toute différente de connaissances abstraites. Tout savoir, c'est-à-dire toute connaissance élevée à la conscience abstraite, est à la science proprement dite dans le rapport de la partie au tout... La perfection d'une science, comme telle, c'est-à-dire quant à sa forme, consiste à ce que les principes soient aussi subordonnés et aussi peu coordonnés que possible. Par conséquent, le talent scientifique en général, c'est la faculté de subordonner les sphères de concepts suivant l'ordre de leurs différentes déterminations. De cette façon, — et c'est ce que Platon recommande si souvent, — la science ne se compose pas d'une généralité, au-dessous de laquelle on rencontre immédiatement une infinité de cas particuliers simplement juxtaposés ; c'est une connaissance progressive

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