Devoir de Philosophie

Faire son devoir, est-ce là toute la morale ?

Publié le 18/01/2011

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morale

Face à l'idée de préconiser un avortement thérapeutique à une femme enceinte, le médecin peut se trouver hésitant. D'une part, il est de son devoir de respecter la volonté du patient. D'autre part, sa conscience peut lui manifester une gêne: "Est-ce toutefois bien moral ?". Faire son devoir, est-ce alors là toute la morale ? Contrairement au droit et à la politique qui déterminent le comportement correct à adopter en société ou au sein d'une communauté civique, la morale semble régler la vie privée. Elle se fonde sur l'accomplissement de devoirs qui, s'ils ne se voyaient pas satisfaits, engendrerait un mépris de l'homme envers lui-même. Il s'agit alors de se demander si s'acquitter de son devoir conduit forcément au respect la morale. Par ailleurs, est-il possible d'atteindre cette dernière sans nécessairement "faire son devoir" ? Enfin, la conscience se heurter à un problème crucial: comment être certain d'agir moralement; et peut-on seulement être moral sans conscience aucune?

 

 

 

 

 

Le simple accomplissement du devoir ne justifie pas la morale. Ce qui est utile pour soi ou pour la communauté est une chose, le devoir moral en est une autre. 

 

Faire son devoir ne signifie pas toujours viser le "bien", ce peut être aussi viser le "bien conforme à...". L'homme, être de devoirs, doit conformer son comportement à diverses obligations, qui peuvent être de nature non seulement "morale", mais aussi juridique, professionnelle, sociale ou même politique. En tant qu'il se doit de toutes les respecter, il peut se heurter à l'impossibilité d'agir sans reproches. Par exemple, le devoir d'aller se battre à la guerre pour défendre le pays peut entrer en conflit avec la conscience humaine: est-ce agir en tant qu'homme moral que de tuer les autres ? Il semble évident que non, et pourtant, les soldats le doivent par obligation politique. Ainsi, la morale ne constitue pas toujours la finalité des devoirs.

 

           Parfois, elle peut même être l'illusion de la fin. Hobbes, en effet, conçoit que la morale du bien et du mal n'existe pas de façon naturelle chez les hommes. Il en découle que les notions de vertu ou de péché reflètent juste de l’artifice. L'homme accomplirait alors son "devoir" uniquement dans un but intéressé. S'il s'agit là d'une croyance personnelle, nous sommes toutefois contraints de nous rendre à l'évidence: rien ne prouve qu'un homme fasse bien son devoir par souci de morale, ou par désir tout autre, par exemple celui d'amasser les honneurs et être adoré de tous. L'accomplissement du devoir peut donc provenir d'une hypocrisie, fondée sur l'impossibilité de vérifier l'intention.

 

En définitive, le devoir moral n'inclut aucune notion d'intérêt, qu'il soit personnel ou communautaire. Si la vraie action morale est pure et gratuite, il n'est cependant pas possible de la distinguer d'une action fallacieuse.

 

 

 

Sans intérêt réellement palpable, le devoir moral est difficile et demande parfois beaucoup de courage. Même si on montre beaucoup de volonté, l'échec peut survenir. Cela fait-il alors de l'homme un être immoral ?

 

 

 

 

 

Non, dès lors que la morale ne se préoccupe pas du résultat. L'homme peut atteindre la morale sans forcément passer par "faire son devoir".

 

En effet, pour qu'un homme soit moral, il doit être doté d'intention morale. La non-réalisation de ces devoirs n'engendre en rien le non-respect de la morale. Prenons l'exemple de deux hommes en bateau. L'un tombe dans l'eau froide. Il fait un choc hypothermique. S'il n'est pas très vite évacué, il mourra. Le deuxième homme se jette alors à l'eau pour tenter de le secourir, mais n'étant pas bon nageur, il boit la tasse de nombreuses fois et finalement échoue. Puisqu'il s'est donné du mal et qu'il avait réellement la volonté de faire le bien, sa tentative fait du lui un homme moral. En effet, la morale est atteinte non pas en l'accomplissement du devoir, mais plutôt dans sa tentative honnête d’accomplissement. 

 

Par ailleurs, il semble parfois même plus moral à la conscience de ne pas respecter certains devoirs moraux, ceci en faveur du devoir moral essentiel: celui du bonheur. La situation d'adultère en témoigne: soit une femme malheureuse dans son couple, elle trouverait son bonheur à aller avec un autre. La morale toutefois condamne l'infidélité. Mais si elle respecte son devoir de femme mariée, elle abandonne alors, en quelques sortes, celui de la quête du bonheur. Son action peut alors être perçue immorale en même temps qu'elle  trouve des justifications morales. Dès lors qu'il y a divers chemins vers le bonheur, il est possible de se juger conforme à une morale plus personnelle, celle qui pousse l’homme l'homme à se réaliser.

 

L'être humain peut donc se considérer moral sans pour autant répondre de façon tangible à son devoir; que ce soit en échouant après un effort scrupuleux, ou bien en enlaçant morale et essence.

 

 

 

Mais alors, la morale aurait-elle différentes significations pour chacun ? Comment reconnaître alors quel sont les véritables devoirs moraux ?

 

 

 

En effet, il n’est pas seulement question de « faire son devoir «, il s’agit surtout d’être conscient de la moralité de ses actions. Un homme qui s’agite sans connaissance aucune du « bien « ou du « mal « qu’il accompli ne peut réellement être moral ou immoral.

 

Afin de guider les hommes, un culture de la morale leur est proposée aux travers de nombreux supports (télévision, livres, paroles…) et particulièrement par la religion. On parle alors de révélation ou encore d’apprentissage morals. Les fables de La Fontaine témoignent de cette ambition : la morale de chacune donne une leçon de vie au large public. Ceci laisse supposer que sommeille en l’homme une morale universelle, qui peut être révélée par un intermédiaire. Sans viser l’hétéronomie morale, les exemples concrets d’actes « bons « permettent donc à l’homme de se repérer, et de mieux cerner la morale.

 

Néanmoins, aucune règle dogmatique ne peut prescrire quelle sont les ultimes conduites à tenir. Les situations sont en effet trop diverses pour quelconque conjecture. L’universalisation du devoir semble une solution efficace au doute. Kant définit ainsi la moralité à partir d'une conscience rationnelle qui trouve en elle même ses propres justifications: il s’agit de faire preuve d’autonomie. Par exemple, un homme se demande s’il est moral de tuer ses enfants. Par l’universalisation, il rend compte d’un paradoxe : si tout le monde tue ses enfants, soit il sera tué lui aussi, soit il souffrira rapidement des conséquences de ce génocide. L’universalisation permet donc de rationaliser l’action morale pour la faire apparaître à la conscience.

 

Ainsi, c’est par la perception, la reconnaissance de la valeur morale d’un acte que l’homme par son intention de faire un « bien « certain,  peut se considérer comme bien. La culture ainsi que l’autonomie guide alors l’homme dans sa reconnaissance de la morale universelle.

 

 

 

 

 

En définitive, nous avons montré que le fait concret d’accomplissement du devoir ne suffit pas à atteindre la morale. D’un part, la conscience humaine peut se trouver perturbée par accomplissement de devoirs non moraux. D’autre part, faire son devoir sans bonne intention, par intérêt, ne fait de personne un être moral, même s’il peut sembler l’être. Nous avons également vu que la morale, plutôt que d’exister par le résultat, est avant tout une affaire de bonne intention et de ressenti : chacun est libre de se trouver des justifications morales. Enfin, l’homme ne peut simplement pas être moral sans avoir conscience, avant d’agir, qu’il souhaite agir pour le bien. La culture et l’autonomie lui servent alors de précieux repères. L’homme peut alors rationaliser ses actions, par l’universalisation, afin de mieux cerner leur dimension morale. En distinguant le bien et le mal, il peut orienter son comportement et, quoi qu’il arrive, soulager sa conscience. Toutefois, on peut se demander si les hommes désirent toujours accomplir le bien. Est-il alors possible de vouloir le mal ?

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