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Faut-il admettre un droit à la différence ?

Publié le 22/03/2005

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Introduction

  • Un droit constitue un principe auquel tout citoyen qui tombe sous la juridiction de ce droit doit se soumettre ; tous les citoyens sont donc égaux devant cette loi : le droit fonde l'égalité.
  • La différence constitue l'altérité, mais au sein même de l'identité ; sans quoi il n'y aurait aucun référent commun à partir duquel on pourrait même parler de "différence" : la différence suppose donc l'identité, qui se décline en modes divers.
  • Or, comme penser le lien entre le droit, qui fonde l'égalité des citoyens, et la différence, qui constitue ce par quoi un citoyen se distingue d'un autre citoyen, tout en restant identique à lui en tant précisément que citoyen ? La différence peut-elle se revendiquer sous la forme d'un droit ? Le droit à la différence n'irait-il pas contre la reconnaissance même de ce à partir de quoi toute différence peut précisément être reconnue comme telle ?

I. Le droit légitime constitue une négation de la différence (Rousseau).

  • La différence est un fait, elle constitue un donné naturel que l'on ne peut nier. Elle constitue une source d'inégalité entre les hommes, qui est légitimée lorsqu'elle est avalisée par l'institution du droit (Rousseau).
  • Le droit du contrat social légitime ne doit pas avaliser cette différence de fait ; elle doit au contraire l'effacer, au niveau juridique, afin qu'il y ait une égalité politique de chaque citoyen au sein de la cité.
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« Alors que, dans un contexte de déstructuration sociale, d'aucuns réclament un « droit à la différence » et que desidentités communautaires particularistes se réfugient derrière des « groupes » divers et variés, on ne peut manquerde se demander si cela ne cache pas une instrumentalisation du Droit à des fins de consolidation de la différence.

Lecercle vicieux est, de fait, apparent : alors que le Droit tente d'immuniser les différences, ces dernières tendent àdétourner cette attention au profit de leurs fins particularistes (l'obtention de droits supplémentaires)… On voit doncle caractère paradoxal de la question en même temps que son actualité pressante : la différence peut-elle fonder ledroit ? Si la question tend naturellement à privilégier une réponse a priori négative, son caractère dérangeant tient au faitqu'à l'origine même de tout Droit se trouve le souhait de deux volontés individuelles de s'unir et de s'associer, i.e.

dedépasser leur différence.

Encore faut-il différencier le Droit des droits : un droit est ce qui peut être exigélégitimement, en vertu d'une règle précise, alors que le Droit, « positif » ou « naturel » selon qu'il résulte de loisécrites ou de la nature des hommes et de leurs rapports, est l'ensemble des droits qui régissent les rapports deshommes entre eux.

Dès lors, s'il est normal que, dans un Etat de droit, les hommes soient égaux devant le Droit, rienne s'oppose en revanche à ce que chacun d'eux soit doté de droits numériquement et intrinsèquement différents.

Letout est alors de se demander à quelle condition quoi cette différence serait fondée : notamment, l'inégalité de faitjustifie-t-elle une différence de droit, i.e.

un traitement juridique particulier ? L'ambiguïté tient aussi au verbe «fonder » lui-même : s'agit-il de se demander sur quoi le Droit est-il établi ou à quelle condition un individu est-il ounon « fondé » d'exiger juridiquement un droit ? En réalité, on montrera que si la différence est au fondement même de la nécessité du Droit (1), une différence, ensoi, ne peut en aucun cas fonder, i.e.

justifier, un droit individuel particulier (2), si bien que le Droit ne peutconnaître que des hommes égaux, au-delà de leurs différences. Le droit institue un équilibre, en cela qu'il fige un certain nombre de règles régissant les rapports entre les individus.Il est dès lors apparent qu'il peut être instrumentalisé pour transformer une inégalité de fait en une inégalité dedroit.

C'est ce que Jean-Jacques ROUSSEAU rappelle au Livre I, chapitre 3 du Contrat social : « le plus fort n'estjamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme sa force en droit et l'obéissance en devoir.

De là ledroit du plus fort ».

Au-delà de toute considération morale, ceci serait la plus parfaite illustration de l'idée selonlaquelle la différence (de force, de génie) pourrait fonder le droit.

Mais Rousseau d'ajouter : « S'il faut obéir parforce, on n'a pas besoin d'obéir par devoir (…) On voit donc que ce mot de droit n'ajoute rien à la force (…)Convenons donc que force ne fait pas droit ».

Ainsi, il est intéressant de noter que le caractère unilatéral de laforce s'oppose à ce qu'il puisse être qualifié de « droit ».

Il demeure cependant que, comme le montre Rousseau lui-même dans son Discours sur l'origine et le fondement de l'inégalité parmi les hommes, l'inégalité, quasi absente del'état de nature, devient « stable et légitime par l'établissement de la propriété et des lois », i.e.

par la protectionqu'offre le Droit, ce qui prouve bien que le rapport de force peut fonder le Droit.

C'est qu'il faut distinguer le Droit,qui peut résulter d'un certain rapport de forces initial, des droits, qui résultent de la Loi (d'où l'absurdité d'un « droitdu plus fort »).

La Révolution française de 1789, par exemple, a permis de renverser le rapport de force entre le Roiet le peuple français, mais ce renversement a donné naissance à un Etat de droit symbolisé par la « Déclaration desdroits de l'homme et du citoyen » : le Droit est ici bien le résultat d'un rapport de force mais c'est une égalité descitoyens devant la Loi qui est instituée. De façon plus générale, il importe donc de se demander si ce sont les rapports sociaux qui fondent le Droit, ou sid'autres « fondations » sont imaginables.

Il convient en tous cas de ne pas se laisser séduire par à une vision trop «réaliste » de l'évolution du Droit.

Karl MARX a certes tenté de démontrer que toute société se caractérise par uneinégalité figée par un certain type de « rapports de production » jusqu'à ce qu'une révolution n'intervienne et nepermette le passage à une nouvelle société caractérisée par un nouveau rapport de production, mais le droits'inspire aussi et surtout très largement de l'acte fondateur qu'est la « Constitution » d'un peuple, et dont la portéene saurait être réduite à un simple rapport de force entre dominés et dominants.

Tout contrat n'est en effet pasforcément le résultat asservissant d'un rapport de forces.

Le « contrat social », défini par J.-J.

ROUSSEAU comme «une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaqueassocié, et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant» (Livre I, chapitre 6), en est la meilleure illustration : il permet, en effet, le dépassement des différences parl'égalité devant le Droit.

C'est toute la différence entre l'Etat républicain, dont l'équilibre repose sur la chosecommune (res publica), i.e.

le Droit, ou en d'autres termes l'ensemble des droits et libertés reconnus communément. »

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