Devoir de Philosophie

Faut-il apprendre à voir ?

Publié le 28/01/2004

Extrait du document

Puis nous rechercherons qui pourrait nous apprendre à mieux voir. [Voyons-nous mal le monde ? A quoi sommes-nous aveugles ?]Les philosophes, de Platon à Descartes, n'ont pas cessé de mettre en cause le caractère trompeur des sens. Nos sens ne sont pas « ajustés au monde », ajoutera Hannah Arendt. Ils sont notre principale source d'information sur la réalité mais cette source est imparfaite. « Tout ce que j'ai reçu jusqu'à présent pour le plus vrai et assuré, je l'ai appris des sens, ou par les sens: or, j'ai quelquefois éprouvé que ces sens étaient trompeurs, et il est de la prudence de ne se fier jamais entièrement à ceux qui nous ont une fois trompés » : ainsi Descartes fait-il le constat d'échec des sciences et particulièrement celui de la vue au XVIIe siècle, c'est-à-dire au moment où les découvertes de Galilée faisaient apparaître que la Terre tournait sur son orbite, contrairement à ce que nos yeux nous avaient imposé avec la plus absolue certitude.Non seulement nos yeux ne nous donnent pas une représentation exacte du monde mais nous avons nous-mêmes tendance à être bien peu observateurs: « Il fallait être Newton pour percevoir que la Lune tombe sur la Terre quand chacun voit qu'elle ne tombe pas », disait Paul Valéry. Ne préférons-nous pas une apparence sommaire mais confortable plutôt qu'une vérité qui dérange ? L'histoire des sciences regorge de situations dans lesquelles autant nos sens que notre crédulité ont été pris en défaut.

« [Qui peut nous apprendre à voir?] Si nous voyons mal les êtres et le monde et s'il nous faut apprendre à voir, qui peut nous aider dans cetapprentissage? Quels peuvent être les professeurs qui nous aideront à avoir une meilleure vision du monde? Il noussemble que trois personnages peuvent prétendre à un semblable titre: le philosophe, le savant et l'artiste.« C'est l'étonnement qui poussa les premiers penseurs aux spéculations philosophiques », écrit Aristote dans La Métaphysique.

Le philosophe possède cette capacité d'arrêter son regard làoù ordinairement on ne le fixe pas.

La philosophie est un effort pour aller au-delà des apparences.

Elle arme notre vue de l'outil le plus indispensable à laconnaissance du monde : le doute philosophique, radical et méthodique, quimet à l'épreuve de la raison notre vision ordinaire des choses.« La philosophie est écrite dans ce livre gigantesque qui est continuellementouvert à nos yeux, mais on ne peut le comprendre si d'abord on n'apprend pasà comprendre la langue et à connaître les caractères dans lesquels il estécrit.

Il est écrit en langage mathématique, et les caractères sont destriangles, des cercles, et d'autres figures géométriques, sans lesquelles il estimpossible d'y comprendre un mot » : ainsi Galilée décrivait-il la physiquemoderne dont il est le fondateur.

Le scientifique peut nous aider à voir lemonde avec plus de netteté parce que l'observation qu'il fait des phénomènesn'est pas celle du sens commun.

Il arme sa vue d'un dispositif expérimentalqui lui permet de révéler ce que les yeux ne peuvent voir et il traduit lesdonnées de son expérimentation dans un langage mathématique capable deleur donner la forme d'une loi.L'artiste, lui, est capable de traquer la réalité là où on ne l'attend pas.

Parfoisbeaucoup plus rapidement que le savant ou le philosophe, il est capable derévéler aux hommes ce que leur vue ne leur montrait pas.

Bergsonreconnaissait à l'artiste un rôle de révélateur semblable au produit dont se servent les photographes: au fur et à mesure que les artistes « nous parlent, des nuances d'émotion et de penséenous apparaissent qui pouvaient être représentées en nous depuis longtemps, mais qui demeuraient invisibles: tellel'image photographique qui n'a pas encore été plongée dans le bain où elle se révélera.

[...] Les grands peintres sontdes hommes auxquels remonte une certaine vision des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous leshommes ». [Conclusion] Il n'est pas sûr que nous sachions voir correctement le monde.

Philosophes, savants et artistes sont là pour nousapprendre à voir. [Introduction] À l'instar des autres sens et peut-être même plus qu'eux, la vision se présente comme une mise en contact directeavec son objet.

L'objet est là, devant moi, et à moins de sortir d'une longue cessité ou d'avoir la vue défaillante, jene peux pas ne pas le voir tel qu'il est.Les phénoménologues comme Husserl ont cependant fait remarquer que l'on ne pouvait voir intégralement l'objet.Celui-ci ne se présente que sous une certaine perspective, par esquisses.

D'autre part, il s'inscrit dans unetemporalité : est-il maintenant identique à ce qu'il était hier ? En son sens premier de faculté sensorielle, la vuesemble donc déjà requérir un certain apprentissage.Or si toute une tradition philosophique érige la vision en modèle de l'intellection.

Voir, c'est penser, et la quêtephilosophique s'apparente à un long et aride cheminement de l'ombre vers la lumière.

Mais postuler que l'homme doit« apprendre » à voir, n'est-ce pas refuser qu'il soit par nature voyant ? La vision, au sens propre et au sensmétaphorique, peut-elle à la fois être innée et acquise ? L'enjeu est à la fois épistémologique (quel est le modèle de. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles