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Faut-il chercher à maîtriser ses désirs ?

Publié le 11/02/2004

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C'est précisément ce que disent les penseurs stoïciens. Mais qu'est-ce qui dépend de moi ? Qu'est-ce qui est en mon pouvoir ? Ce qui dépend de moi. Mon pouvoir d'accomplir des actes est très limité, par les lois de la nature ou les lois juridiques. Quant à mon pouvoir de faire réussir mes actions, il est quasiment nul, puisque cela dépend du concours du reste du monde, ou encore de la chance. En y réfléchissant bien, je ne suis pas absolument certain d'être encore vivant demain ou tout à l'heure. Tant de choses peuvent arriver... En revanche, il est une chose qui ne dépend que de moi, sur laquelle j'ai un pouvoir absolu : c'est ma volonté. Moi seul décide de ce que je veux.

Le problème ici présent remet en question ce qui se présenterait comme un devoir. Si nous disons qu’ « il faut « maîtriser ses désirs, en effet, nous énonçons un impératif qui s’imposerait comme obligation morale. Or, le but de toute morale est de rechercher à travers la pratique un état de bonheur. Chercher à maîtriser ses désirs serait donc la voie vers le bonheur. Cependant, c’est bel et bien une recherche qui serait louée par cet impératif. La maîtrise des désirs ne serait alors pas quelque chose qui serait acquis d’avance. Elle nécessiterait un travail, un entraînement, un exercice. Cette médiation exigerait en effet un changement en nous, ou du moins une formation, qui nous permette de devenir « maîtres « de ce mouvement qu’est le désir. Or, si cela est le fruit d’un travail d’émancipation, nous devons en conclure que nous sommes au départ, esclaves de nos désirs, soumis à leur pouvoir, sous leur emprise. L’homme serait donc celui qui, soumis à ses désirs, peut parvenir à s’en émanciper, pour accéder au bonheur. Pourtant, sommes-nous autre chose que nos désirs ? Il pourrait en effet sembler bien étrange de distinguer le désir et l’homme qui désire dans la mesure où celui qui désire s’identifie avec son désir même. Maîtriser ses désirs, est-ce autre chose que se maîtriser…soi-même ? D’où la nécessité de repenser l’essence de l’homme et son statut d’ « être désirant «.

« I/ L'homme est essentiellement désir L'étonnement que fait surgir cette question concerne bien pleinement l'essence de l'homme.

Elleprésuppose, en fait, que nous puissions tomber esclaves de nos désirs, et que pour éviter cela, nous devrionschercher à en devenir les maîtres.

Or, il y a ici deux définitions concernant l'homme : esclave et maître.

La questionqui nous vient à l'esprit, déjà présente dans le livre II de La République de Platon est alors : « comment pouvons- nous être à la fois maîtres et esclaves de nos désirs ? » Cela exigerait quenous n'ayons pas une essence fixe, mais que nous puissions être définiscomme une espèce de mouvement qui parfois serait supérieur aux désirs etparfois leur serait soumis.

Or, quelle est la définition du désir lui-même si cen'est celle du mouvement ? En effet, quel que soit ce que nous désirons ( unobjet, un diplôme, une reconnaissance, une femme…) nous sommes portésvers cet objet de désir.

De la même façon, tout mouvement que nous faisonscorrespond à un désir.

Si je lève le bras, c'est que je le désire…etc.

Dès lors,il paraît bien invraisemblable de nous définir par autre chose que nos désirs.Tout mouvement étant assimilé au désir, notre existence tout entière est undésir de persévérer dans notre être.

C'est à Spinoza, à la troisième partie del'Ethique , que nous recourrons ici : « Cet effort, quand il se rapporte à l'âme seule, est appelé Volonté, mais, quand il se rapporte à la fois à l'âme etau corps, est appelé Appétit ; l'appétit n'est par là rien d'autre que l'essencemême de l'homme, de la nature de laquelle suit nécessairement ce qui sert àsa conservation ; et l'homme est ainsi déterminé à le faire .

De plus, il n'y a nulle différence entre l'Appétit et le Désir, sinon que le Désir se rapportegénéralement aux hommes, en tant qu'ils ont conscience de leurs appétits, etpeut, pour cette raison, se définir ainsi : le Désir est l'appétit avecconscience de lui-même.

» Ainsi, l'homme est tout entier assimilé à un désird'être : il est celui qui a conscience de ses appétits.

Cette conscience,cependant, ne peut être assimilée à un quelconque pouvoir de modification.L'homme trouvera toujours bon ce vers quoi il est porté, ce qu'il désire, et c'est même cela qui fait de lui un homme.La recherche d'une maîtrise des désirs à proprement parler est une illusion. II/ Cultiver ses désirs est donc essentiel Si l'homme tout entier est désir, quelles conséquences pouvons-nous en tirer ? Prendre soin de soi-même,serait-ce alors autre chose que de cultiver ce mouvement que nous sommes ? Maîtriser ses désirs, cela semblen'être alors rien d'autre que de les satisfaire.

En effet, imaginons un homme qui serait porté par les désirs les plusforts.

Il chercherait d'abord à satisfaire ses désirs en devenant chef suprême, afin que le désir d'aucun autre nevienne contrer le sien.

Ensuite, il s'assurerait d'avoir à sa disposition de quoi satisfaire tous ses désirs qui, en étantvolontiers cultivés, n'en seront que plus forts.

Dans les deux cas, il lui faut donc le maximum de pouvoir et ensatisfaisant ce désir, l'homme n'en devient que plus important.

Toute la force de cet homme doit donc être mobiliséeen vue de la satisfaction de lui-même, c'est à dire de ses propres désirs.

Comme le précise d'ailleurs Platon, àtravers la bouche de Calliclès dans le Gorgias : « Pour bien vivre, il faut entretenir en soi-même les plus forts désirs au lieu de les réprimer, et à ces désirs, quelques forts qu'ils soient, il faut se mettre en état de donner satisfactionpar son courage et son intelligence, en leur prodiguant tout ce qu'ils désirent.

» Nous pouvons donc déceler uneaction de l'homme vis-à-vis de ses désirs.

Il a la capacité de les entretenir, de les rendre plus forts, en leur donnantsatisfaction.

Ainsi, le désir n'est pas quelque chose qui s'annule en présence de son objet.

Ce n'est pas parce que ledésir est comblé qu'il n'est plus désir.

A l'inverse, le satisfaire l'entretient.

Maîtriser ses désirs, c'est donc mettre enplace les moyens de les satisfaire, ce qui nécessite l'intervention du courage et de l'intelligence (que l'on pense ici àtoute l'énergie et les tactiques que l ‘amoureux mettra en place pour séduire sa bien-aimée).

Or, que sont lecourage et l'intelligence, sinon des formes de désir.

En effet, désirer affronter un événement sans faillir, c'est fairepreuve de courage, et désirer comprendre quelque chose, c'est faire preuve d'intelligence.

Ces désirs, eux aussi, serenforceront toujours à force d'être comblés et ils pourront être également utilisés pour satisfaire d'autres désirs. III/ La maîtrise des désirs passe par leur hiérarchie Il y a toutefois quelques excès possibles que nous devons mentionner dans les conclusions que nous avonstirées précédemment.

D'abord, il est clair que si tout le monde se mettait à vouloir satisfaire son ambitionpersonnelle et aveugle en maîtrisant les désirs des autres, nous serions perpétuellement en état d'anarchie et deconquête aveugle du pouvoir.

Chacun cherchant à être le plus fort politiquement (pour pouvoir s'imposer aux autreset s'assurer ses moyens de jouissance), il ne pourrait en ressortir que de la tyrannie.

Ensuite, qui est tyran enversles autres l'est nécessairement envers lui-même.

Il est loin d'être sûr que quelqu'un qui soumet son intelligence etson courage à ses moindres désirs soit un homme très ordonné.

La logique veut en effet que ce soit l'intelligence et. »

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