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Faut-il distinguer l'âme et le corps ?

Publié le 17/01/2004

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av. J.-C. « Ce moi, c'est-à-dire l'âme, par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps, et même qu'elle est plus aisée à connaître que lui, et qu'encore qu'il ne fût point, elle ne laisserait pas d'être tout ce qu'elle est. » Descartes, Discours de la méthode, 1637.Par « distincte », il ne faut pas comprendre « disjointe », mais plutôt « d'une nature radicalement différente ». « Pour nous en tenir à l'être vivant, rappelons d'abord qu'il est composé d'une âme et d'un corps, et que de ces deux facteurs le premier est par nature celui qui commande, et l'autre celui qui est commandé. » Aristote, La Politique, ive s. av. J.

« platonicienne des rapports entre l'âme et le corps, décrite dans toute la première partie.1.

Tout est rapporté du point de vue de l'âme et de la contrainte que représente pour elle le corps.Contrainte décrite paradoxalement en termes physiques (malgré le caractère « immatériel » de l'âme) : l'âmeliée au corps, collée à lui.

Jusqu'à la métaphore du corps comme prison de l'âme, (« à travers les barreauxd'une prison constituée par son corps ») qui ne manque pas de faire penser au jeu de mots du Gorgias, danslaquelle le corps (sôma) est pour l'âme un tombeau (sêma).Mais cette contrainte n'est pas seulement oppression (qui appellera ultérieurement une libération), elle a sesconséquences néfastes sur la possibilité de connaître.

Car l'opposition âme-corps, fonde explicitement deuxmodes opposés de connaître.

Un mode, supposé, de connaître les réalités qui passe par le crible des sens («les barreaux de la prison ») — et qui échoue totalement puisqu'il ne débouche que sur l'ignorance (« [l'âme] sevautrait dans une ignorance absolue »).

Un mode véritable de connaître, qui exclut le corps, où l'âme,autonome, agit « par ses propres moyens », et « à travers elle-même ».

L'immatérialité de l'âme suppose satransparence.

Se regardant, elle est claire à elle-même, sans avoir dès lors à souffrir de l'opacité du corps, quiobscurcit inévitablement toute connaissance.Cette opposition est si forte que pas un seul instant, devant une telle présentation, on n'hésiterait à choisir lesecond mode, qui seul autorise la connaissance (que l'on suppose pour le moins progressive, à l'opposé del'ignorance « absolue »).

Mais il n'y a jamais d'évidence que pour ceux qui voient...

Ce qui explique, sans doute,que la plupart des hommes, dont l'âme est aveuglée, soient dans l'ignorance.La philosophie, à distinguer des philosophes qui sont sur le chemin du savoir, et dont Platon fait une personnevivante, explique cette situation paradoxale, en éclairant le sens de la métaphore.

Le corps est une prisonparce que le corps est « oeuvre du désir ».

Ce qui renvoie à la fameuse tripartition que l'on trouvera dans lelivre IV de la République, avec la hiérarchie du nous (l'esprit), le thumos (le courage) et l'épithumia (le désir).Ici, l'opposition joue plus radicalement entre l'âme et le corps, l'esprit et le désir.

A partir du moment où l'âmeest attachée au corps, le corps (poussé par le désir) l'emporte inéluctablement (« a toutes chances »).

Commesi à partir du moment où il y a la moindre attache au désir, le désir inexorablement s'accroissait.

Poussée dudésir que l'on alimente soi-même.

Fascination qui provoque le consentement, condition même del'asservissement, non pas subi malgré soi, mais appelé deses voeux.

C'est bien cela « l'étonnant caractère » de la prison du désir, prison qui n'est pas tant subiequ'appelée, asservissement auquel, dans une relation masochiste, on prend un certain plaisir. 2.

Sans s'expliquer sur la manière dont la philosophie a pu — malgré tout — prendre possession de l'âme, Platondécrit son action salvatrice où la parole a toute sa place (« elle la conseille avec douceur »).C'est que les liens de l'âme avec le corps ne sont pas strictement physiques, mais de l'ordre de la croyance.Pour Platon, la parole a une puissance éclairante et peut dénouer l'illusion d'une croyance liée au désir.

Ce quipose la question du statut particulier de la parole conçue ici plus comme libératrice qu'envoûtante, puisqu'ils'agit justement d'arracher l'esprit à la fascination du corps, et la question du rapport entre croyance et illusionselon un schéma qui fait inévitablement penser à Freud.

Parole apaisante (« avec douceur »), qui argumente («tout n'est qu'illusion », etc.) et qui finit enfin par persuader (« elle la persuade de s'en dégager »).

Parole dontl'efficacité est progressivement possible car elle vient de l'intérieur, après que la philosophie a pris possessionde l'âme.

Cette libération passe par une éducation.

Éducation qui dénonce par deux fois (« tout n'est qu'illusion» dont la répétition a presque valeur hypnotique) toute connaissance qui se ferait par les yeux du corps («dans l'étude qui se fait par le moyen des yeux »), par un autre organe (« les oreilles ») et plus généralementpar n'importe quel organe des sens.

Délier l'âme, c'est lui permettre de se déprendre (« s'en dégager ») ducorps, compris jusqu'alors (faussement) comme moyen de connaître.A l'égard de l'âme l'activité philosophique connaît trois modes rhétoriques : celui du conseil (« elle la conseilleavec douceur »), celui de la persuasion, fondée sur une argumentation (« elle la persuade de s'en dégagerdans la mesure où »), enfin celui de l'exhortation (« elle l'exhorte à se recueillir »).Ces trois modes sont non seulement successifs, mais aussi progressifs : le premier (le conseil) vise à apaiserl'âme, alors que la philosophie a déjà pris possession d'elle, mais qu'elle est encore liée au corps, apaisementqui seul permet de défaire les liens ; le second (la persuasion) est fondé sur le vrai, c'est-à-dire que lapersuasion philosophique n'est pas celle des sophistes, qui est seulement « manipulatrice », puisqu'ils nereconnaissent aucun fondement au vrai.

Enfin, le troisième mode rhétorique (l'exhortation) n'est possible queparce que l'âme est déjà gagnée et qu'elle peut alors (mais alors seulement) entendre des paroles qui ne luiparlent pas d'autre chose que d'elle-même.Les termes employés conviendraient à ce que nous entendons aujourd'hui par la prière : le recueillement, laconcentration sur soi, l'isolement.

Mais ces termes, au temps de Platon, correspondent sans doute à « destechniques du corps », proches du yoga de l'Inde, telles qu'elles étaient utilisées par des gymnosophistes quePlaton a pu rencontrer lors de ses voyages.Toujours est-il qu'en se concentrant sur l'âme (« ne se fier qu'à elle-même ») la philosophie dissout peu à peula fonctionnalité du corps.

Non seulement l'âme finit par être déliée du corps, mais de celui-ci, Platon ne parleplus.

Il est abandonné.

Toute matérialité est vaine.Cependant une rechute (nous dirions presque une tentation) est toujours possible.

Platon l'envisageexpressément : « si l'âme envisage un objet, par d'autres moyens que cette pensée », le philosophe devraencore accomplir son travail de persuasion, jamais totalement achevé.

Seule l'activité de l'âme, en tant quetelle, permet d'accéder au vrai, a contrario de toute entreprise de connaissance qui ferait confiance au corps.L'objet que connaît le corps « ne peut être tenu pour vrai ».La distinction de l'âme et du corps (et les deux figures qu'elle engendre, l'âme liée au corps, ou bien l'âmedéliée du corps), fonde donc deux démarches de connaissance.

Une démarche qui, fondée sur le corps, ne. »

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