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Faut-il douter pour savoir ?

Publié le 14/09/2005

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Le savoir constitue une somme de connaissances possibles à acquérir ou à rechercher, puis à organiser en un système cohérent. Le doute désigne l'attitude d'un sujet humain pris dans l'incertitude et l'indécision. Ainsi si je doute d'avoir pris mes clefs avant de partir de chez moi, cela signifie que je ne sais pas si je les ai pris ou non et, dans l‘attente d‘une confirmation, je suis dans l‘expectative. Ainsi le doute et le savoir s'excluent immédiatement comme deux concepts contradictoires. Pourtant nous sommes souvent agacés par des personnes qui croient posséder un savoir dont-elles sont en fait dénuées. Et c'est justement parce qu'elles ne doutent pas d'elles-mêmes et de leurs compétences qu'elles restent dans leur ignorance. Ainsi pour posséder un savoir véritable, il faudrait peut-être commencer par douter qu'on le détient.  Nous devons donc nous confronter à ce paradoxe : le doute est-il le contraire du savoir, son autre négatif assimilable à l'ignorance ou bien constitue t-il la condition du savoir véritable ?

Ni nos sens ni notre raison ne sont en mesure de discerner clairement ce qui est vrai de ce qui est faux. Le doute est donc le parti de l'homme sage. Mais, le doute est une attitude provisoire d'après Descartes. Grâce à lui, je sais clairement sur quelles bases il est possible d'édifier la connaissance scientifique.

« Introduction : A première vue, ce surprenant sujet semble souligner l'interdépendance de deux choses opposées : le doute et le savoir.

Or, existe-t-il deux termes qui s'excluent plus que ceux-là ? Lorsque nous doutons, en effet, nous sommes dans un état d'ignorance, d'incertitude.

Nous ne savons pas entre plusieurs choix lequel est le bon.

A l'inverse, savoir quelque chose, ou même savoir-faire quelque chose, c'est avoir acquis cette chose de telle sorte quenous n'en doutons plus.

Le savoir est donc ce qui nous donne la certitude , terme bel et bien opposé au doute.

Il se dégage ici une première remarque que nous pouvons faire concernant la nature de ces deux choses.

A lors que le doute serait apparenté à un mouvement, à un processus, le savoir renverrait à unecertaine stabilité, à un acquis inébranlable.

Ainsi, quand le doute nous fait passer incessamment d'une possibilité à une autre, le savoir produit un avisdéfinitif et tranché.

Cependant, nous ne naissons pas emplis de savoir.

C 'est l'ensemble des choses apprises au fur et à mesure du temps qui nous permetde nous approcher du savoir.

Il se pourrait dès lors que le doute soit alors ce cheminement privilégié nous permettant de nous débarrasser de nos erreurs,de notre ignorance et, donc, de rechercher la certitude du savoir.

Pourtant, il n'est pas dit que cette certitude absolue existe.

Quel sage ou quel savant peutprétendre ne plus jamais douter ? A l'inverse de ce que nous présupposions, il se pourrait donc que ce soit le savoir qui s'apparente à un processus, à uneconstruction que nous enrichissons de nos expériences quotidiennes.

Le doute, quant à lui, serait l'état où nous aboutirions nécessairement en constatantqu'il y a toujours davantage à savoir et que de ce fait notre jugement est toujours susceptible d'erreur.

Dès lors le doute est-il le processus de constructiondu savoir ou ce à quoi le savoir conduit ? I/ Le doute est nécessaire pour nous constituer un savoir . De quoi notre savoir se constitue-t-il ? La réponse concerne ici l'ensemble de notre vécu.

Les enseignements que nous avons reçus, les amis quenous avons fréquentés, les expériences que nous avons pu faire, les voyages ou les projets que nous avons entrepris…etc., tout cela a contribué à nousformer à la fois un savoir global dans différents domaines, et un savoir spécialisé dans le domaine où nous nous trouvons être le plus doué.

Seulement,l'expérience montre assez que nous sommes susceptibles d'erreurs et que nous pensions ces erreurs comme des certitudes avant que nous n'en concluionsle contraire.

Dès lors comment faire pour que ce que nous pensons être un savoir ne se révèle pas être le comble de l'ignorance ? C ette question traduit lebesoin d'une certaine méthode dans la constitution de notre savoir.

Or, si le savoir est bel et bien apparenté à la certitude, notre remise en question de notre savoir passe nécessairement par le doute.

Il nous faut donc méthodiquement douter de ce qui nous semble acquis pour dévoiler la vérité ou la fausseté decet acquis.

C'est ce projet qui anime tout particulièrement l'œuvre de Descartes et qu'il retrace dans son Discours de la méthode .

« Et, faisant particulièrement réflexion, en chaque matière, sur ce qui la pouvait rendre suspecte et nous donner occasion de nous méprendre, je déracinais cependant demon esprit toutes les erreurs qui s'y étaient pu glisser auparavant(…) tout mon dessein ne tendait qu'à m'assurer et à rejeter la terre mouvante et le sablepour trouver le roc ou l'argile.

Ce qui me réussissait, ce me semble, assez bien, d'autant que, tâchant à découvrir la fausseté ou l'incertitude despropositions que j'examinais, non par de faibles conjectures, mais par des raisonnements clairs et assurés, je n'en rencontrais de si douteuses que je n'entirasse toujours quelque conclusion assez certaine, quand ce n'eût été que cela même qu'elle ne contenait rien de certain.

» Le meilleur chemin vers lesavoir est donc de nous armer du doute afin d'éliminer toutes les erreurs possibles du contenu de notre savoir.

Cela afin de parvenir à la certitude aussisolide que « le roc ou l'argile ».

Il ne s'agit donc pas de douter faiblement par crainte de n'atteindre aucune certitude.

A l'inverse, plus le doute est puissantet plus le savoir sera certain.

D'ailleurs, même si nous arrivons à rejeter quelque chose que nous prenions pour vrai auparavant, nous sommes au moinscertains, après ce doute méthodique, de la fausseté de ce qui est rejeté.

Le savoir se recherche donc à l'aide de l'appareil du doute qui doit être employésans retenue.

II/ Le savoir ne nous amène qu'au doute Le doute nous permet donc de parvenir au savoir.

Cependant, peut-on prétendre pour autant que notre savoir nous permette d'atteindreindubitablement la vérité ? C ar il est toujours possible de faire des erreurs.

Il est donc toujours possible de douter et le savoir semble ne pouvoir jamaiss'achever.

Il y aura toujours plus de choses à savoir.

Or, comment considérer les rapports entre savoir et doute, si le premier n'est pas vu comme l'étatd'aboutissement du second ? C omment penser un savoir qui serait un processus continu d'apprentissage et à quoi aboutirait-il ? Il devient alors difficile dedonner au savoir un contenu positif.

Ce n'est pas la certitude qui le représentera le mieux, mais le fait de s'être débarrassé d'un certain nombre d'erreurs.Comme disait Socrate, « T out ce que je sais, c'est que je ne sais rien.

» Nous savons pourquoi telle doctrine ou telle opinion peut se révéler fausse dans lamesure où nous sommes capables de la réfuter.

M ais, nous ne pouvons pas prétendre pour autant détenir la doctrine ou l'opinion, qui serait la véritéincarnée, par ce moyen.

Le savoir est donc une négation des opinions fausses et en même temps, il ne peut amener aucune certitude si ce n'est que toutjugement est réfutable.

Ne pas tomber dans l'erreur pourra alors s'apparenter à suspendre notre jugement, pratiquer l' « épochè.

» C 'est ce terme, en effet,qui caractérise les sceptiques de l'Antiquité ou pyrrhoniens qui tiraient leur nom et leur doctrine du philosophe P yrrhon d'Elis.

Diogène Laërce, dans sa Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres nous les décrit quelque peu.

« Tous ces philosophes furent appelés Pyrrhoniens du nom de leur maître, et aussi les ignorants, les Sceptiques, les douteurs, les chercheurs, d'après leurs idées philosophiques : chercheurs parce qu'ils cherchaient partout la vérité ;Sceptiques, parce qu'ils observaient tout sans jamais rien trouver de sûr ; douteurs parce que le résultat de leurs recherches étaient le doute ; ignorants,parce que, selon eux, les dogmatiques eux-mêmes sont ignorants.

» Les dogmatiques sont ici qualifiés d'ignorants parce qu'ils pensent que leur dogme estporteur de vérité.

Leur savoir est donc un savoir qui ignore sa faiblesse, un savoir qui ne conduit pas au doute, et en cela il est une ignorance.

Le savoir nepeut donc déboucher que sur le doute et consiste dans une suspension du jugement, toujours entaché d'incertitude.

III/ La raison n'est pas le seul moyen de parvenir au savoir Si nous nous arrêtons à notre précédente conclusion, nous sommes quelque peu bloqués.

En effet, si le savoir n'est porteur d'aucune certitude, il sedétruit lui-même comme savoir.

Tout au plus, il est une ignorance qui se connaît comme telle.

M ais si nous ne pouvions être absolument certains de rien,alors notre vie s'avérerait bien étrange.

Nous pourrions faire n'importe quoi dans la plus grande indifférence.

Il est cependant quelque chose que nousn'avons pas pris en compte ici.

Le doute, qui constitue le savoir ou qui en est la conséquence, est une capacité propre de la raison.

Or, n'y a-t-il que par laraison que nous pouvons savoir quelque chose ? « Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore par le cœur, c'est de cette dernièresorte que nous connaissons les premiers principes, et c'est en vain que le raisonnement qui n'y a point part, essaye de les combattre.

» dit Pascal dans sesPensées. Pascal entend ici par le cœur l'intuition, la connaissance par appréhension immédiate.

Q uant aux premiers principes, il s'agit d'axiomes mathématiques oude vérités sensibles.

Par exemple, il semble inutile d'en venir à douter qu'un triangle soit une figure à trois côtés ou qu'il existe un espace dans lequel nousnous mouvons.

Cela n'a pas besoin d'être mis en doute, cela n'a pas besoin d'être démontré.

Pascal poursuit ainsi : « Les pyrrhoniens (…) travaillentinutilement.

Nous savons que nous ne rêvons pas ; quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison, cette impuissance ne conclut que lafaiblesse de notre raison, mais non pas l'incertitude de toutes nos connaissances comme ils le prétendent.

Car la connaissance des premiers principes,comme qu'il y a espace, temps, mouvement, nombres, est aussi ferme qu'aucune de celles que nos raisonnements nous donnent.

C'est sur cesconnaissances du cœur et de l'instinct qu'il faut que la raison s'appuie, et qu'elle y fonde tout son discours (…) Les principes se sentent, les propositions seconcluent, et le tout avec certitude, quoique par différentes voies.

» C ette intuition, qui nous fait sentir pour vrai ce qui n'a pas besoin d'être démontré,échappe au doute dans la mesure où douter de telles choses serait absurde et n'amènerait à rien.

Il existe donc un savoir, qui, parce qu'il est indémontrableéchappe également à l'instrument de la raison qu'est le doute.

Conclusion : -Le doute est la méthode la plus rationnelle pour parvenir au savoir.-Ce savoir ne nous apprend rien, si ce n'est la primauté du doute en toutes choses.- Il est pourtant des certitudes qui n'ont pas besoin d'être remises en doute.Le doute est inséparable de tout savoir rationnel mais toute chose n'a pas besoin d'être démontrée.. »

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