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Que faut-il entendre par activités de jeu ?

Publié le 13/02/2004

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Le rapport de ces deux concepts est-il fondé, ou bien ne s'agit-il que d'un jeu de mots propre d'ailleurs au français ? A propos du jeu de mots, notons que celui-ci appartient au domaine de l'esprit. Dans le mot d'esprit (an. der Witz) et ses rapports avec l'inconscient, Freud voit dans le jeu de l'enfant avec les mots les racines de l'esprit (au sens de trait d'esprit), du comique et de l'humour chez l'adulte. Pour lui ces trois catégories représentent des méthodes permettant de regagner, par notre activité psychique, un plaisir qu'en réalité le développement seul de cette même activité nous avait fait perdre. Car cette euphorie, à laquelle nous nous efforçons par là d'atteindre, n'est rien d'autre que l'humeur d'un âge où notre activité psychique s'exerçait à peu de frais, l'humeur de notre enfance, temps auquel nous ignorions le comique, étions incapables d'esprit et n'avions que faire de l'humour pour goûter la joie de vivre » (p. 397). Le jeu de mots par excellence est celui qui repose sur un double sens. Pour revenir au rapport entre le jeu et la réalité, nous proposons afin de conclure notre enquête, d'analyser ce rapport dans l'activité de jeu qui semble la plus dérisoire, à savoir le jeu de l'enfant avec son jouet. On connaît le texte de Baudelaire, extrait du Spleen de Paris, qui a pour titre « le Joujou du pauvre n.

« (p.

70) recouvre à ses yeux les jeux de simulacre.

Ainsi, par exemple, les compétitions d'athlétisme, les rencontresde football, les parties de dames ou d'échecs seraient des jeux de compétition.

En revanche parier que l'on aura sonbaccalauréat sans travailler, se dire : si c'est pile je pars à la montagne et si c'est face à la mer, prendre un billetde loterie, que celle-ci soit nationale ou qu'il s'agisse d'une petite loterie foraine, voilà autant d'activités de jeux quirelèvent de la chance.

Si l'on imite Tarzan en classe, ou si l'on joue à la poupée, ou encore si l'on se rend à un balmasqué, ou enfin si l'on joue une pièce au théâtre, on se livre à des activités de jeux qui appartiennent à lacatégorie des jeux de simulacre ou mimicry.

Enfin, une demoiselle sur une balançoire, un Viennois dansant la valse,un enfant sur un manège, un skieur dévalant les pentes, un alpiniste escaladant une paroi rocheuse ou uncascadeur faisant de la voltige aérienne se livrent aux joies des jeux de vertige.A vrai dire notre sujet semble maintenant avoir été traité.

Nous avons en effet, en nous appuyant sur laclassification opérée par Caillois, déterminé plusieurs types d'activités de jeu.

Nous pourrions à coup sûr essayer depréciser de nombreux points de cette classification, en nous aidant par exemple de la classification établie par ÉmileBorel dans son ouvrage Le jeu, la chance.

Borel divise les jeux en jeux intellectuels (c'est-à-dire faisant appel àl'intelligence des joueurs), jeux d'adresse, jeux combinant le hasard et l'habileté, jeux psychologiques ou abstraits,jeux de hasard et d'argent, loteries, etc.

Mais nous avons le sentiment qu'en dépit de ces classifications, qui ontleur utilité, nous avons laissé de côté des aspects essentiels du jeu.

Faut-il alors revenir sur nos pas et proposer ànouveau une définition du jeu plus précise et plus détaillée ? Mais dans la mesure où une telle tentative donnetoujours lieu à des discussions (cf.

à ce sujet la discussion par Caillois de la définition de Huizinga) ne risquons-nouspas de tourner en rond ? Le mieux est donc alors d'avancer.

Abandonnons pour cela le terrain des interprétationspsychologiques et sociologiques du jeu.

Quittons la conception habituelle du jeu qui « accorde une significationpositive au jeu des enfants et a tendance à juger de façon dépréciative celui des adultes, abstraction faite de sonrôle médiateur comme jeu récréatif » (Eugen Fink, Le Jeu comme Symbole du Monde, p.

76).

L'intérêt de l'analyse deFink est de montrer que la conception habituelle du jeu demeure encore, sans le savoir, dans la mouvance del'interprétation métaphysique que Platon fait du jeu.

Il y a un parallèle entre le monde des images, celui des ombreset des reflets, qui est aussi le monde de l'art conçu en tant qu'imitation, et le monde du jeu.

C'est à partir de là quele jeu apparaît comme un dédoublement, une irréalité.

Qu'en est-il de ce rapport entre le jeu et la réalité ? Faut-ildire, toujours dire que jouer revient à jouer la comédie ? Mais ne se trouve-t-on pas au coeur même de la réalitélorsque l'on joue le jeu de la vie ? Il arrive ainsi que le comédien ne joue plus le jeu dès lors qu'il entre dans le jeu dela vie, nous indiquant par là que le jeu est peut-être le fond de l'existence.

Prenons ici un exemple tiré d'une piècede Rotrou (XVIIe siècle) : Saint Genest.

Le comédien Genest interprète à Rome devant l'empereur Dioclétien unepièce sur le martyre d'Adrien, pièce dans laquelle il joue le rôle de ce martyr.

En pleine représentation, il est touchépar la grâce.

Il sort alors de son rôle et parle en son nom : « Ce n'est plus Adrien, c'est Genest qui s'exprime; Ce jeun'est plus un jeu, mais une vérité Où par mon action je suis représenté, Où moi-même l'objet et l'acteur de moi-même, Purgé de mes forfaits par l'eau du saint Baptême, Qu'une céleste main m'a daigné conférer, Je professe uneloi que je dois déclarer.

»Il y aurait ainsi comme une intime connexion entre le je et le jeu.

Chacune de ces notions se dédoublerait et ceserait dans l'espace d'un tel double dédoublement que se poserait le problème du rapport à la réalité.

Mais ce quenous disons ne revêt-il pas l'apparence d'un jeu ?Le rapport de ces deux concepts est-il fondé, ou bien ne s'agit-il que d'un jeu de mots propre d'ailleurs au français ?A propos du jeu de mots, notons que celui-ci appartient au domaine de l'esprit.

Dans le mot d'esprit (an.

der Witz)et ses rapports avec l'inconscient, Freud voit dans le jeu de l'enfant avec les mots les racines de l'esprit (au sensde trait d'esprit), du comique et de l'humour chez l'adulte.

Pour lui ces troiscatégories représentent des méthodes permettant de regagner, par notreactivité psychique, un plaisir qu'en réalité le développement seul de cettemême activité nous avait fait perdre.

Car cette euphorie, à laquelle nous nousefforçons par là d'atteindre, n'est rien d'autre que l'humeur d'un âge où notreactivité psychique s'exerçait à peu de frais, l'humeur de notre enfance, tempsauquel nous ignorions le comique, étions incapables d'esprit et n'avions quefaire de l'humour pour goûter la joie de vivre » (p.

397).

Le jeu de mots parexcellence est celui qui repose sur un double sens.

Pour revenir au rapportentre le jeu et la réalité, nous proposons afin de conclure notre enquête,d'analyser ce rapport dans l'activité de jeu qui semble la plus dérisoire, àsavoir le jeu de l'enfant avec son jouet.On connaît le texte de Baudelaire, extrait du Spleen de Paris, qui a pour titre« le Joujou du pauvre n.

Moins connu sans doute mais plus précis est unautre texte, antérieur au premier, et ayant d'ailleurs servi à le composer,intitulé « La morale du Joujou » (Curiosités esthétiques, oeuvres complètes deBaudelaire, Pléiade Gallimard, p.

673 sq.).

Ce texte qui commence par unsouvenir d'enfance de Baudelaire à propos du choix d'un jouet, aborde ladescription du comportement d'un enfant quijoue et en dégage la signification.

« Ils jouent sans joujoux » dit le poète enparlant des enfants.

Et il nous montre alors que, dans l'activité de jeu, lephénomène de l'imitation n'est peut-être pas aussi essentiel qu'on veut bien le dire.

Le jouet pour l'enfant est davantage un partenaire qu'un instrument.

Et dans le jeu, il s'agit plus d'être quede faire comme si.

« Je ne veux pas parler de ces petites filles qui jouent à la madame, se rendent des visites, seprésentent leurs enfants imaginaires et parlent de leurs toilettes.

Les pauvres petites imitent leurs mamans...

Mais ladiligence, l'éternel drame de la diligence, joué avec des chaises : fa diligence-chaise, les chevaux-chaises, lesvoyageurs-chaises ; il n'y a que le postillon de vivant !...

» (p.1675).

Le monde, ou comme dit Baudelaire, le mundusde l'enfant est, en tant que monde du jeu, la première réalisation de la poésie, laquelle est sans doute le fond même. »

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