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Faut-il être sceptique pour être tolérant ?

Publié le 14/09/2005

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Ainsi voit-on Pasteur réclamer aux partisans de la génération spontanée leurs arguments et leurs protocoles d'expérience. Car c'est précisément la libre discussion des preuves qui permet à la vérité de s'imposer, entendons par là non d'exercer sur nous une contrainte, mais de mériter notre libre assentiment.Tout à l'opposé ce sont les opinions arbitraires et les pensées non fondées qui ont peur de la lumière et qui fuient le dialogue et la pacifique discussion. C'est lorsque je suis incapable de démontrer clairement l'objet d'une croyance obscurément liée à mes passions, à mes habitudes, que j'ai la tentation de l'imposer par la violence, d'en faire une doctrine officielle, protégée de toute confrontation et de toute critique par la puissance du bras séculier. «Le fanatisme», dit Jung, « n'est qu'une surcompensation du doute. » Et Montaigne disait : « Pour Dieu merci, ma créance ne s'établit pas à coup de poing. Qui establit son discours par braverie et commandement montre que la raison y est faible. »De tels arguments, cependant, suffisent-ils à résoudre ce problème de la tolérance ? On remarquera qu'il ne se pose guère au niveau des vérités rationnelles démontrables, qui effectivement comme l'aventure scientifique en fait foi - s'accommodent fort bien de la liberté. En revanche le problème est essentiel lorsqu'il s'agit de croyances métaphysiques et religieuses.

« ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION • Scepticisme.« Vocabulaire de la philosophie » de Lalande.Scepticisme : « Au sens le plus large, doctrine d'après laquelle l'esprit humain ne peut atteindre avec certitudeaucune vérité d'ordre général et spéculatif, ni même l'assurance qu'une proposition de ce genre est plus probablequ'une autre.(Les mots mis en relief (en italique) le sont par nous).• Tolérance.Ce terme a été créé au XVIe siècle lors des guerres de Religion : les catholiques ont fini par tolérer les protestantset vice versa.On voit ici qu'à l'origine la tolérance constituait une sorte de « pis-aller », une attitude consistant à supporterl'expression d'idées que l'on appréhendait comme parfaitement erronées.

Le terme « tolérance » n'est donc pas néd'un quelconque scepticisme mais de la nécessité reconnue de « coexister ».En fait cette tolérance s'adressait fondamentalement aux personnes non aux idées.A ce niveau la tolérance implique toujours quelque peu une certaine condescendance et un sentiment de supériorité.• Définition de Goblot (moderne ?).La tolérance consiste « non à renoncer à ses convictions ou à s'abstenir de les manifester, de les défendre ou deles répandre, mais à s'interdire tous moyens violents, injurieux ou dolosifs ; en un mot à proposer ses opinions sanschercher à les imposer ».Une telle attitude peut impliquer le scepticisme.

Mais l'implique-t-elle nécessairement (ce qui est la questionappropriée au sujet posé).• Si l'on prend le terme sceptique au sens strict, on peut dire que non.

Par exemple, le scientifique ne met pas sur lemême plan toutes propositions qu'on peut lui émettre concernantla recherche scientifique.

Mais il va tolérer, non seulement en un sens passif mais en un sens actif l'expression depropositions diverses : il lui apparaît nécessaire qu'il y ait débat, possibilité d'expressions diverses, pour que larecherche scientifique puisse progresser.Ceci implique, bien sûr, que le scientifique ne croit pas une vérité absolue, définitive, des résultats de l'investigationscientifique mais cela n'implique en aucune manière qu'il ne croit pas en un progrès de la recherche scientifique.Autrement dit la recherche même du débat, de l'expression d'idées diverses voire opposées (conçue commenécessaire au progrès de la science) implique une attitude d'une tolérance non condescendante sans pour autantrenvoyer à une attitude sceptique (qui, au sens strict, nierait la possibilité d'aucun progrès).• On peut se demander toutefois si qualifier cette attitude de « tolérance » ne serait pas abusif dans la mesure oùce terme renverrait toujours plus ou moins à l'idée d'une certaine condescendance et qu'il n'y a à « tolérer » que ceque l'on estime être de moindre valeur ou sans valeur. Lorsque nous sommes sceptiques, nous avons conscience de la faillibilité humaine et au nom de l'incertitude de nos connaissances, nous suspendons notre jugement.

Le sceptique est celui qui n'est pas certain d'avoir atteintla vérité ce qui le porte à éviter tout jugement péremptoire et radical.

Pour lui, rien n'est sûr, nulle connaissancen'est certaine et ainsi, il n'existe pas de certitude possible.

Si je n'admets pas de vérité absolue, je ne condamnepas les opinions différentes des miennes.

Je les tolère donc plus facilement puisque j'accepte les pensées d'autruisans pour autant les partager.

Le scepticisme apparaît alors comme une condition propice et nécessaire à latolérance. Et pourtant, l'homme sceptique, prétendant éviter tout dogmatisme se retrouve confronté à celui- ci.

Le doute absolu se contredit ainsi lui-même car il pose l'affirmation du doute, et en la posant, la dogmatiseinexorablement.

C'est un doute si fort qu'il nous prive en quelque sorte de tout scepticisme.

En s'accréditant commevrai, le scepticisme amène à l'intolérance.

Puisque la certitude s'oppose à la tolérance, croire en quelque chose c'est. »

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