Faut-il identifier vérité et vérification ?

« même qu'il y ait une vérité, la vérité ? Cette notion n'est peut-être qu'une pure illusion dogmatique, un idéal postuléqui n'aurait que pour but de motiver la vérification, mais que nous ne pourrions jamais atteindre.

D'ailleurs, il estcontradictoire de prétendre détenir la vérité par sa définition même : comment un être fini pourrait-il avoir accès àce qui est par définition immuable et éternel ? C'est pourquoi nous raconte Diogène Laërce, dans sa Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres , il existait des philosophes Pyrrhoniens, qui remettaient en cause toute doctrine.

Ils ont introduit l'idée qu' « on ne peut connaître aucune vérité, et qu'il faut suspendre son jugement.

Ilssoutenaient qu'il n'y a ni beau, ni laid, ni juste, ni injuste, que rien n'existe réellement et d'une façon vraie, maisqu'en toute chose les hommes se gouvernent selon la coutume et la loi.

Car une chose n'est pas plutôt ceci quecela.

(…) Ils furent appelés chercheurs parce qu'ils cherchaient partout la vérité, Sceptiques, parce qu'ilsobservaient tout sans jamais rien trouver de sûr.

(…) ».

La vérité ne peut donc pas être postulée commel'aboutissement d'une recherche.

Tout simplement parce que toute notre vie nous cherchons et que la vérificationest un mouvement qui n'a en lui-même aucune fin.

Nous pouvons même dire que la seule vérité qui soit est danscette vérification perpétuelle qui n'admet aucun terme, et qui n'a de valeur que si elle n'est pas étouffée par unquelconque dogme - qui prétendrait l'abolir au nom de la « vérité ».

III/ La vérité dans sa manifestation sensible . Si nous suivons les pyrrhoniens, nous admettons ainsi avec eux que tout dépend de la coutume, de larelativité, et que la vérité ne réside que dans la vérification.

Or, si nous supprimons la définition de la vérité, commeindépendante de la vérification, ne perd-t-on pas également la volonté de vérifier ? En effet, qui oserait s'aventurerdans une recherche qui n'aurait pas pour but d'établir quelque chose d'universel ? Ce critère d'universalité apparaîten effet comme important dans la mesure où il est ce qui donne à une idée toute sa valeur.

Nous devons donc lepostuler pour donner un sens à la recherche et à la vérification.

Comme nous l'avons dit précédemment, il ne s'agirapeut-être que d'un idéal régulateur.

Ce dernier ayant pour but de servir à la vérification, sans pour autant existerconcrètement, si ce n'est par la mobilité qu'il produit.

Or, si nous admettons que la vérité n'a que cet aspect idéal,nous lui refusons toute manifestation sensible.

Il paraît alors étrange de lui donner une valeur suprême alors que saperfection serait limitée à un aspect purement abstrait.

Si la vérité ne peut avoir que cet aspect dans la science,peut-être nous faut-il alors chercher un autre domaine où elle se manifesterait de façon plus immédiate.

Dans cecas, c'est le domaine de l'art que nous devons aborder.

Laissons alors Hegel nous guider à travers son Esthétique . L'idée, nous dit-il, « est vraie parce qu'elle est pensée comme telle, en vertude sa nature et au point de vue de son universalité.

Cependant, l'idée doitaussi se manifester extérieurement et acquérir une existence définie, en tantqu'objectivité naturelle et spirituelle.

Le vrai, comme tel, existe également,c'est-à-dire en s'extériorisant.

Pour autant que, ainsi extériorisé, il s'offreégalement à la conscience et que le concept reste inséparable de samanifestation extérieure, l'idée n'est pas seulement vraie, mais elle estégalement belle.

Le beau se définit ainsi comme la manifestation sensible del'idée.

».

La vérité n'est plus ici considérée uniquement comme abstraction oucomme idéal régulateur.

Elle apparaît purement et simplement dans le domainesensible sans être ce qui se retire perpétuellement devant la vérification.Dans le domaine de l'art, qui donne priorité à la manifestation sensible, Hegeladmet que ce qui est vrai est ce qui ravît immédiatement les sens et laconscience.

Dès lors, la beauté n'est autre chose que la saisie conscienteimmédiate de la vérité dans une chose.

La vérité n'est plus seulementl'aboutissement d'un effort de vérification qui nous débarrasserait de l'illusionsensible.

Elle est, à l'inverse, ce qui est reconnu immédiatement dans lesensible, avant toute vérification, et se manifeste purement et simplementdans la beauté.

Conclusion : -La vérité et la vérification sont distinctes : la vérité est saisie clairement et distinctement par l'intellect, lavérification est un processus de raisonnement qui nous ramène à cette évidence première.-La vérité n'existe pas indépendamment de la vérification.-Dans l'art, pourtant, la vérité se manifeste immédiatement dans la beauté.Il ne faut pas identifier totalement vérité et vérification dans la mesure où faire cela détruit toute vérité, toutebeauté, artistique.. »