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Faut-il juger les hommes sur leurs possibilités, leurs intentions ou leurs actes

Publié le 20/03/2004

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Les réflexions que nous venons de faire sur les jugements des tribunaux valent dans une grande mesure pour les éducateurs qui, en famille ou à l'école, ont à prendre des sanctions. Il y a cependant, entre les deux situations, une différence très importante. En effet, le juge doit, avant tout, protéger l'ordre public : 'les sentences qu'il prononce, les sanctions qu'il édicte sont avant tout défensives et en second lieu seulement éducatives. Chez les éducateurs, au contraire - ce titre même l'exige - le souci éducatif doit primer. Or l'éducation morale prime toutes les autres. Les éducateurs doivent donc, en jugeant les jeunes qui leur sont confiés, s'inspirer de l'attitude des moralistes, pratiquement de la conduite des directeurs de conscience et des confesseurs. III. - EN MORALE A l'inverse du juge, le moraliste tient compte des actes, mais c'est surtout d'après les intentions et les possibilités qu'il forme son jugement. Il ne peut pas faire abstraction des actes. Ils constituent en effet la donnée la plus certaine et bien souvent la seule certaine : il est si difficile de déterminer les possibilités et si facile de s'illusionner sur les intentions ! D'ailleurs c'est d'après certaines réalisations effectives que nous conjecturons le possible ; c'est encore en se référant à la conduite réelle que le moraliste contrôle l'authenticité des intentions mises en avant.

« toujours mieux ou plutôt tout ce que l'on peut.

Celui qui fait tout ce qu'il peut, ne ferait-il que 1, est irréprochablemoralement ; au contraire celui qui, pouvant 10, ne fait que 6, ne mérite pas une louange sans réserves.

C'estd'après le rapport des actes aux possibilités que le moraliste apprécie le mérite.

C'est aussi d'après ses possibilitésqu'il suggère à chacun la ligne de conduite à suivre.En même temps il s'efforce d'orienter ses intentions qui constituent un élément essentiel de la valeur morale de laconduite.

Il va évidemment de soi qu'il ne saurait louer sans réserve une application ou une honnêteté qu'inspireraitle seul intérêt personnel ou la seule crainte des sanctions.

Quelque admirables qu'ils paraissent, ne valentmoralement que les actes accomplis dans l'intention de faire son devoir, par amour du bien ou de l'ordre, dans le butd'être utile à autrui... IV.

- DANS L'OEUVRE ÉDUCATIVE Nous l'avons suggéré, ce que nous venons de dire du moraliste vaut dans une grande mesure pour les éducateurs.Toutefois, la situation étant différente, il faut y adapter sa.

manière de juger.Tout d'abord on a affaire à des enfants ou en tout cas à des êtres en cours de développement.

L'éducateur qui aconscience de son rôle ne peut pas, comme le juge ou même comme le moraliste qui formulent leur jugement sur unadulte, considérer avant tout les actes accomplis, les possibilités immédiates ou à court terme : c'est un avenirlointain qu'il envisage, ce que sera son élève une fois parvenu à l'âge adulte.

Ce qui compte le plus, ce sont sespossibilités à long terme.Sans doute, de ces possibilités il juge d'après des actes et des comportements actuels, mais en cherchant àpronostiquer, à travers ce qu'ils donnent, ce qu'ils promettent ou permettent d'augurer.

Il sait, par exemple, que cetenfant sage risque de se figer dans un conformisme passif.

Il compte, au contraire, que cet opposant systématique,dont les objections le plus souvent intempestives troublent ou retardent la marche des leçons, s'assagira, trouverason équilibre et pourra devenir une personnalité...Des intentions, il ne fait pas grand cas, surtout chez les enfants qui ne peuvent guère en avoir que d'enfantines etqui d'ordinaire ne présagent rien pour l'avenir.

Il évite, par exemple, de voir dans un petit torturant un animal, unsadique en herbe : il sait, en effet, qu'on est incapable, à son âge, de se mettre à la place des autres pour serendre compte de ce qu'ils souffrent.

De ce point de vue-là aussi, il réfléchit sur des possibilités, mais despossibilités encore virtuelles qui ne s'actualiseront que plus tard.D'ailleurs, s'il a le sens pédagogique, c'est surtout de leurs possibilités positives qu'il s'efforcera de faire prendreconscience à ses élèves : l'encouragement a une autre efficacité que les punitions ou les mauvaises notessanctionnant des actes du présent ou du passé immédiat. Conclusion.

— Mais peut-être désirerait-on une réponse générale à la question posée.

D'ailleurs il ne manque pas de gens qui ne sont ni chefs d'entreprise, ni juges, ni moralistes, ni éducateurs.

D'après quoi doivent-ils juger ?Ils n'auront pas à porter des jugements analogues à la sentence du juge ou à la décision du chef de l'embauche.C'est de l'attitude du moraliste et des éducateurs qu'ils s'inspireront s'ils ont le sentiment de la justice et de lacharité.

Ils se défendront de scruter les intentions, surtout s'ils sont tentés de malveillance.

S'ils songent auxpossibilités, ce sera pour excuser les fautes ou les déficiences et pour fonder les espoirs d'amélioration.

Quant auxactes, ils tâcheront de n'admettre que ceux qui sont certains.Toutefois ne vaudrait-il pas mieux répondre : lorsqu'on n'a aucune obligation de juger, c'est bien le cas de s'en tenirà la prescription de l'Evangile : « Ne juge pas » ?. »

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