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Faut-il laisser une place à l'irrationnel dans la conduite de la vie ?

Publié le 31/01/2004

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Il s'agit de la définition même d'un système, c'est-à-dire d'un ensemble théorique qui prétend ne rien laisser à l'extérieur de lui-même, mais au contraire pouvoir intégrer, comprendre, ressaisir la totalité de la vie.Hegel s'était donné pour tâche de « penser la vie ». La vie est saisie comme processus, mouvement, ce qui interdit d'isoler un moment et de l'opposer simplement aux autres. « Le vrai est le tout » signifie que le mouvement prévaut sur ses étapes, que le devenir est au moins aussi important que ce à quoi il amène, et qui ne peut se comprendre sans lui.La dialectique a reçu bien des définitions au cours de l'histoire de la philosophie, de Platon à Hegel. Ce dernier a mis au jour sa compréhension moderne (dont héritera Marx). Elle consiste à mettre en avant les notions corrélatives de totalité et de processus. Rien ne saurait être isolé et compris hors du devenir qui l'inclut : « Le vrai est le tout. »La version caricaturale de la dialectique hégélienne est délivrée par la fameuse formule : « thèse, antithèse, synthèse » que l'on emploie sans en connaître l'origine. Il s'agit en fait de montrer qu'un contenu (« une thèse ») ne se détermine, ne se précise, ne devient vrai que confronté à ce qui paraît autre (l'antithèse).

« Problématique: L'existence humaine ne se réduit pas à l'exercice planifié de nos activités journalières.

L'irrationnel n'est passeulement la folie, mais aussi l'affectivité et la contemplation esthétique.

A ce concept négatif et presque péjoratif,il faudrait substituer l'authenticité d'une existence pleinement vécue. En quel sens laisser une place à l'irrationnel dans la conduite de la vie peut-il relever d'un choix conscient etvolontaire ? Si je laisse une part d'irrationnel, est-ce parce que je le décide ? Ou l'irrationnel est-il propre à l'homme,d'une manière irréductible ? La question est multiple : a-t-on le droit (horizon de questionnement moral) etc.

? Est-ilpossible (question de fait) etc.

? Mais aussi est-ce nécessaire etc.

? Est-il nécessaire de laisser une place àl'irrationnel, si par essence l'irrationnel échappe à toute démarche rationnelle ? La question serait alors insensée.

Sije laisse place à l'irrationnel de manière consciente et volontaire, s'agit-il encore d'irrationnel ? Définit-on l'irrationnelpar opposition au rationnel ? Le rationnel, c'est la capacité précisément de calculer, de réfléchir aux moyens àmettre en oeuvre pour parvenir à une fin.

Elle renvoie à la raison comme faculté de réflexion et de décision.

Si unhomme rationnel se demande comment il doit faire pour parvenir à tel but, un homme raisonnable est en plus celuiqui se demande si son but est légitime (entre autres moralement).

Doit-on laisser place au hasard, à l'imprévisible,dans la conduite de notre vie ? Ce choix relève-t-il de notre seule volonté ou ne s'agit-il pas de dire que — quoiqu'on fasse — il y aura de l'irrationnel dans la conduite de notre vie ? L'irrationnel peut-il donner lieu à descroyances, à des superstitions ? Dans ce cas, ne doit-on pas essayer de repousser tout rationnel dans la conduitede la vie ? Est-il raisonnable, acceptable, de prendre des décisions selon des signes mystiques, suivant unhoroscope par exemple ? Mais n'est-ce pas aussi une façon de se conforter dans un choix, sans que cet irrationnelsoit à la base de ce choix ? L'irrationnel n'est-il pas nécessaire pour que la conduite de la vie ne soit justement pastrop "conduite", dirigée, sans surprises ? « Faut-il » est, dans l'intitulé de sujet, susceptible de recevoir une double signification.

« Il faut » peut, en effet,signifier « il convient de », mais aussi, « il est nécessaire ».

Il y a, par conséquent, déjà une ambiguïté dans ceverbe.

Mais l'expression laisser une place n'est pas moins équivoque : laisser une place, c'est accorder une portiond'espace, une position, un rang.

Cette expression est assez indéterminée.

Il s'agira, précisément, de la spécifier.Le concept d'irrationnel est, quant à lui, un concept philosophique.

Or, force est de constater également sonambiguïté et ses équivoques.

Ce terme peut, soit désigner ce qui n'est pas encore connu ni assimilé par la raison,mais, également, l'Autre que la raison et ce, de manière absolue.

Il signifie alors, soit la limite permanente àl'intelligibilité que nous trouvons dans le réel, soit ce qui n'est pas vraiment guidé par la raison et par les aspectsconscients de notre moi.Avec le terme de conduite, nous retrouvons un mot et une notion du langage courant.

La conduite désigne unedirection, un commandement, un gouvernement.

Il y a, dans ce terme, une idée d'autonomie, la notion d'une priseen charge et d'une action libre, émanant d'un moi-tout puissant.

Enfin, la vie signifie, ici, l'existence humaine, et nonpoint le fait de vivre, comme propriété des êtres organisés.

Le sens du sujet est donc le suivant : convient-ild'accorder un rang, une position bien délimitée à ce qui dépasse la raison ou n'est pas assimilable par elle ?Le problème posé par le sujet est celui de la valeur de l'irrationnel.

L'homme doit-il le considérer comme un élémentspécifique, fondamental et décisif de l'existence, de manière à l'intégrer à la conduite du vécu ?Quand la raison prédomine, la place de l'irrationnel est réduite à la portion congrue.

Est irrationnel ce qui échappeaux puissances de la raison ou ce qui lui est étranger, ce qui ne participe pas de son essence ou de ses pouvoirsmédiateurs, ce qui est contraire à la raison et à ses normes.

Cette sphère de l'irrationnel paraît englober tant dedimensions de notre vécu que la question même peut sembler étrange.

L'irrationnel correspond à l'énigme de notreexistence, mais aussi au mouvement infini du désir, qui dépasse la raison et ne résulte pas de son exercice, audynamisme des passions, au rêve, à l'inconscient, à toute une sphère désignant, dans le monde et en nous, unelimite permanente à l'intelligibilité.

Cette sphère est si vaste que le penseur semble destiné à se rendre aux vastespuissances de l'irrationnel et à s'y soumettre.Mais cette analyse correspond davantage à un sentiment qu'à une évidence philosophique.

En fait, la plupart desentreprises philosophiques ont pour tâche de n'accorder nulle place, où la plus réduite possible, dans la conduite del'existence, à l'irrationnel conçu comme limite permanente à l'intelligibilité.

Dans la conduite de la vie, en effet,l'irrationnel a été généralement évacué, par les grandes doctrines rationalistes.

Tout ce qui est contraire à la raisonet à ses normes, tout ce qui lui est étranger et ne peut être appréhendé par elle, désir, passions, limites del'inconscient, de la mort, de l'existence, est ainsi absorbé par l'esprit humain désireux de tout se soumettre et detout s'assujettir.

Tout doit être rationnellement intégré, compris, soumis aux puissances spirituelles.

L'irrationnel estainsi ordonné selon la raison.

Dans les grands systèmes philosophiques, la raison ne laisse nulle place à l'irrationneldans la conduite de la vie.

Loin d'être arrêtée par le mystère de l'existence et de l'esprit, elle l'intègre à sespouvoirs.De cet assujettissement de l'irrationnel par la raison, nous pouvons développer quelques exemples.

Ainsi, chezPlaton, la sphère irrationnelle des passions et des désirs est complètement niée en tant que telle et soumise aucontrôle de la raison.

Loin d'accorder une place au fond sauvage et irrationnel de notre être, Platon tente de lemaîtriser grâce aux pensées raisonnables et il le nie donc en tant que tel.

Ainsi, dans la République, est posée laquestion « Que faire de nos désirs bestiaux, irrationnels et anormaux ? ».

Le fond irrationnel, loin de se voir accorderune place, un rang, dans la conduite et la direction de la vie, est dissous en tant que tel.

En effet, qui dit conduitede la vie, dit précisément rationalité, hégémonie de la partie rationnelle.

Tout en notant la présence d'uneirrationalité profonde, Platon veut la dompter et finalement la nier.. »

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